Intervention de Célia de Lavergne

Réunion du lundi 25 septembre 2017 à 16h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCélia de Lavergne, rapporteure pour avis :

Monsieur le ministre d'État, cher président, chers collègues, notre commission est saisie pour avis du projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement. Nous sommes saisis au fond sur deux articles, l'article 4 et l'article 5, sur lesquels j'insisterai donc tout particulièrement.

Vous l'avez rappelé, Monsieur le ministre, ce projet de loi doit être envisagé comme faisant partie d'un ensemble plus large de mesures déjà prises – je pense notamment à la loi relative à la transition énergétique et au plan climat récemment annoncé – et de mesures restant à prendre, notamment pour mettre en oeuvre, à l'échelle nationale, l'accord de Paris. Ce texte délivre un message politique fort à l'international visant à inciter d'autres pays à prendre des dispositions similaires. J'espère qu'il sera entendu.

En tant que rapporteure pour avis, j'ai auditionné plus d'une quinzaine d'acteurs et reçu près de dix contributions écrites. De nombreuses auditions ont été réalisées conjointement avec la commission du développement durable, dont je salue le rapporteur, Jean-Charles Colas-Roy, présent parmi nous cet après-midi. J'ai entendu des fournisseurs de gaz et d'électricité, historiques comme alternatifs, les opérateurs de stockage, les associations de consommateurs, les acteurs économiques de la filière hydrocarbures, les gestionnaires de réseaux, le régulateur qu'est la Commission de régulation de l'énergie (CRE), ainsi que deux ministères, celui de l'économie et des finances et celui de la transition écologique et solidaire, lequel présente le texte. Si tous les acteurs ne sont pas d'accord avec l'ensemble des dispositions, force est de constater que nombreux sont ceux qui considèrent les dispositions du texte de loi comme fortement utiles et relativement bien équilibrées.

En ce qui concerne la fin de l'exploration et de la production d'hydrocarbures, qui est l'objet des articles 1er, 2, 3 et 8, le projet de loi a pour objectif d'engager, de manière irréversible, la sortie de la production d'hydrocarbures à l'horizon 2040. Il prévoit donc : l'interdiction d'octroyer des nouveaux permis de recherche d'hydrocarbures ainsi que celle de prolonger les concessions en cours au-delà de 2040 sur le territoire français ; la possibilité de prolonger les permis exclusifs de recherches d'hydrocarbures déjà attribués et d'octroyer une concession d'exploitation faisant suite à un permis de recherches, le fameux « droit de suite » ; la création d'une exception pour le gaz de mine, le grisou, avec le maintien de la possibilité de le rechercher et de l'exploiter, pour des raisons de sécurité assez évidentes.

Je me félicite de ce que l'ambition de la France en matière de lutte contre le réchauffement climatique s'affirme tout en prenant en compte les réalités économiques et les réalités de nos territoires, notamment à la suite de l'examen du projet de loi par le Conseil d'État. Ce projet de loi est désormais équilibré en ce qu'il concilie les prérogatives de l'État en matière de politique minière avec les droits et libertés des différents acteurs, ce qui passe notamment par la possibilité de prolonger les concessions pour une durée dont l'échéance n'excède pas 2040.

Le caractère progressif de la sortie de l'exploitation des hydrocarbures à l'horizon 2040 doit permettre d'accompagner les entreprises et les territoires dans leur reconversion. Je suis intimement convaincue – c'est ce qui est ressorti des auditions – qu'il existe d'importantes possibilités de transferts de technologies et de compétences entre la filière hydrocarbures et d'autres filières, par exemple la géothermie.

Quant à la réforme du stockage de gaz, l'article 4 autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour prendre des dispositions concernant la sécurité d'approvisionnement en gaz naturel des consommateurs français, en particulier la mise en place d'une régulation pour les infrastructures de stockages souterrains de gaz.

Le gaz naturel représente 14,2 % de la consommation d'énergie primaire en France. La demande française de gaz naturel est satisfaite, à plus de 99 %, par des importations. Le stockage souterrain de gaz est donc indispensable à la sécurité d'approvisionnement : il permet d'équilibrer les approvisionnements, relativement constants au cours de l'année, et les besoins en gaz naturel qui varient fortement suivant les saisons. En France, la consommation de gaz naturel est huit fois plus importante en hiver qu'en été : durant la période hivernale, le stockage du gaz permet de répondre à plus de 60 % de la demande française en gaz.

Malheureusement, le système actuel de stockage de gaz ne fonctionne plus. Aujourd'hui, les fournisseurs de gaz ont des obligations individuelles de souscription de capacité de stockage auprès des deux opérateurs de stockage que sont Storengy et Transport et Infrastructures Gaz France (TIGF). La difficulté tient au fait que les opérateurs de stockage sont en duopole et qu'ils pratiquent des tarifs élevés. Les fournisseurs ne respectent donc pas tous leurs obligations de stockage, ce qui pose un problème de sécurité d'approvisionnement. La plupart des acteurs entendus m'ont fait part de leurs inquiétudes pour cet hiver. La situation n'a pu être sécurisée que partiellement, grâce à un arrêté transitoire, fragile juridiquement et pris rapidement. Pour la première fois, le niveau minimum de souscription et de remplissage des stockages n'est pas atteint. S'il est trop tard pour que la réforme s'applique cet hiver, il est indispensable qu'elle soit mise en place pour l'hiver 2018-2019.

Les objectifs de la réforme sont clairement identifiés dans l'habilitation : assurer la sécurité d'approvisionnement en gaz pour répondre aux aléas hivernaux dans des conditions transparentes n'engendrant pas de discrimination entre les acteurs et n'entraînant pas de surcoûts excessifs pour les consommateurs de gaz. Le projet d'ordonnance prévoit ainsi de mettre en place un système similaire à celui applicable en Italie, qui repose sur la mise aux enchères des capacités de stockage, complété par un filet de sécurité qui offre un revenu régulé aux opérateurs de stockage et garantit le système d'approvisionnement. Je vous l'accorde, c'est un système relativement complexe, en raison du caractère mixte du dispositif, faisant intervenir des mécanismes de marché – les enchères – et des mécanismes de régulation.

Je me félicite de la rapidité avec laquelle le Gouvernement s'est attelé à mettre en oeuvre la réforme du stockage de gaz, attendue par tous les acteurs de terrain. Il est important que les ordonnances soient publiées avant le début de la campagne gazière d'avril 2018. J'ai déposé deux amendements sur cet article, l'un relatif au délestage pour protéger les clients particuliers en cas de coupure nécessaire de gaz, l'autre relatif à l'équilibre économique des opérateurs de stockage. J'y reviendrai tout à l'heure.

S'agissant de l'article 5, relatif au commissionnement, il sécurise le dispositif du contrat unique : les consommateurs d'électricité et de gaz naturel concluent avec leur fournisseur un contrat qui inclut à la fois la fourniture d'énergie et l'accès au réseau ; ils n'ont ainsi pas besoin de conclure avec le gestionnaire du réseau de distribution (GRD) un contrat spécifique d'accès au réseau. À l'origine, les contrats conclus entre les GRD et les fournisseurs ne prévoyaient pas de rémunération des seconds par les premiers ; le cas échéant, les fournisseurs étaient rémunérés directement par le consommateur, via la part « fourniture » de la facture, pour l'ensemble des prestations.

Il résulte de décisions de la cour d'appel de Paris et du Conseil d'État que les GRD doivent rémunérer les fournisseurs pour la gestion des clients en contrat unique. L'article 5 du projet de loi est donc nécessaire : il sécurise le dispositif du contrat unique en confiant à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) la définition des montants et des niveaux de rémunération entre GRD et fournisseurs, afin d'assurer une concurrence non biaisée et d'encadrer la rémunération, dans l'intérêt du consommateur final.

Si, en théorie, cette disposition ne devrait pas avoir de conséquences pour les clients finaux, je souhaite toutefois que soient évaluées, dans quelques mois, les conséquences de ce dispositif pour le consommateur.

J'ai par ailleurs déposé un amendement visant à valider les conventions passées. Une rémunération des fournisseurs par les GRD au titre du passé pour les prestations d'ores et déjà effectuées ne paraît en effet pas justifiée ; les offres intégraient déjà le coût de cette prestation. Il y aurait un effet d'aubaine, un enrichissement sans cause ; en outre, il pourrait en résulter une hausse des tarifs de réseau, ce qui pénaliserait le consommateur final.

J'ai également déposé un amendement relatif aux réseaux intérieurs de bâtiments à usage de bureaux, raccordés en un point unique au gestionnaire de réseau ; c'est un sujet apparu lors des auditions.

Enfin, l'article 6 transpose la directive européenne 20151513 relative aux biocarburants et l'article 7 transpose la directive 20162284 relative à la réduction des émissions de certains polluants atmosphériques.

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