Intervention de Bénédicte Taurine

Réunion du lundi 25 septembre 2017 à 16h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBénédicte Taurine :

Avec l'article 4, vous avez l'ambition, Monsieur le ministre d'État, de garantir la sécurité des approvisionnements en gaz. Cet objectif est certes louable, mais ce projet pèche, aux yeux du groupe de La France insoumise, tant sur la forme que sur le fond.

Sur la forme, vous demandez une nouvelle fois une habilitation à rédiger des ordonnances. Autrement dit, vous souhaitez que le Parlement se dessaisisse à nouveau de ses prérogatives et donne un blanc-seing au Gouvernement. Pourquoi cette démarche, puisqu'il n'y a pas d'urgence ? Cette réforme aurait un caractère « technique ». Mais il est temps de comprendre que la faillite de notre système politique tient précisément à ce que les réformes ne sont plus soumises à la délibération collective, mais sont imposées au nom d'une expertise. Nous refusons que l'exception devienne la règle et revendiquons la capacité du Parlement à délibérer.

Sur le fond, nous faisons aujourd'hui les frais de choix politiques passés qui mériteraient d'être débattus à nouveau. Si l'approvisionnement pose problème, c'est avant tout parce que vos prédécesseurs ont organisé le démantèlement du pôle public de l'énergie, avec privatisations et mise en concurrence.

Aujourd'hui, le prix du gaz sur les marchés n'inciterait plus les fournisseurs à constituer des stocks ; ce n'est pas surprenant, puisqu'un opérateur privé vise spontanément le profit, à moins d'être contraint par la réglementation. Votre proposition ouvre la porte à des délestages ; les compensations financières seraient optionnelles, et rien n'est dit des consommateurs finaux susceptibles d'être affectés. Pensez-vous autoriser le délestage des ménages en plein hiver ? Une politique sérieuse de sécurisation des approvisionnements ne vise-t-elle pas justement à rendre impossible de telles situations ?

Ce projet fait la part belle aux fournisseurs, aux détenteurs des infrastructures de stockages qui réussissent à obtenir des tarifs garantis, couvrant leur coût, mais aussi aux plus gros consommateurs finaux de gaz, qui bénéficieraient de baisses de prix. En revanche, aucun engagement contraignant n'est prévu en matière d'efficacité énergétique.

Les perdants seront, nous en avons peur, les particuliers et les PME – qui supporteront le coût de ces cadeaux injustifiés, ainsi que d'éventuelles coupures de service – mais aussi l'environnement et les générations futures, pour qui il faudrait, au contraire, prévoir un plan ambitieux de transition énergétique.

Quant à l'article 5, il prête le flanc aux mêmes critiques : une rémunération des fournisseurs pour le service de gestion des clients qu'ils effectuent pour le compte des distributeurs paraît a priori légitime. Mais rien ne garantit que la mesure sera neutre pour les consommateurs. Les distributeurs pourraient très bien répercuter cette nouvelle charge sur leurs prix. Là encore, c'est l'organisation même du secteur qui est problématique et doit être revue. Nous continuons de penser que la transition écologique exige d'en finir avec l'idéologie de la libre concurrence.

Pour toutes ces raisons, nous demanderons la suppression de ces deux articles.

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