Intervention de Florence Parly

Réunion du mercredi 3 octobre 2018 à 21h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Florence Parly, ministre des Armées :

Vous avez très justement rappelé, Monsieur Fiévet, que la loi de programmation militaire prévoit le renouvellement intégral de notre capacité satellitaire et d'observation de l'espace. Les crédits consacrés à ce renouvellement s'élèveront en 2019 à 403 millions d'euros. Cela permettra de poursuivre la réalisation du programme MUSIS – acronyme de Multinational Space-based Imaging System –, des opérations concernant la Capacité de renseignement électromagnétique spatiale (CERES), qui s'appuie sur des satellites de renseignement, et du programme Syracuse 4, qui est un système de communications sécurisées. Je rappelle aussi que le premier satellite de la composante spatiale optique (CSO), qui en comportera trois au total, sera lancé mi-décembre depuis Kourou. Un montant de 41 millions d'euros est destiné au programme « Besoins complémentaires en communications d'élongation de projection et de théâtre » (COMCEPT), qui est un système de communication satellitaire non durci, et à l'Opération de modernisation des équipements GNSS des armées (OMEGA), un programme de navigation par satellite exploitant notamment le signal Galileo.

Quelle sera la ventilation de la hausse des crédits de 1,7 milliard d'euros qui est prévue pour 2019 ? Sur ce total, il y aura une augmentation des crédits d'équipement de 1,3 milliard d'euros, dont 650 millions pour le programme 146 et 461 millions pour le programme 178. Cela se traduira en particulier par 300 millions d'euros supplémentaires pour les programmes majeurs et par 400 millions d'euros pour l'équipement des forces de dissuasion – je commence ainsi à répondre à la question posée par M. Lachaud. Les crédits seront stables pour les autres opérations d'armement. En ce qui concerne le financement des OPEX, nous avons prévu 200 millions d'euros de plus en 2019. Il y aura aussi une augmentation de la masse salariale de 160 millions d'euros, qui correspondront notamment à l'accompagnement de l'évolution des effectifs. Le reste de la hausse des crédits est réparti sur des lignes budgétaires qu'il n'est peut-être pas nécessaire de détailler à ce stade.

En ce qui concerne le système de combat aérien du futur, des choix devront être faits en 2020. Il s'agit d'un programme complexe, un système de systèmes interopérables, conçu autour d'un avion de combat de nouvelle génération qui doit être complété par d'autres capacités aéronautiques, notamment des drones. Nous avons fait le choix d'une coopération qui démarre sur le plan franco-allemand. Sept grands piliers technologiques ont été identifiés : le système de systèmes, l'avion de nouvelle génération, la problématique de la haute furtivité, celle des capteurs, celle de la propulsion, celle des armements et celle des démonstrateurs au sol. Dassault et Airbus se sont entendus pour unir leurs forces, d'emblée, et nous allons entrer dans une phase nouvelle consistant à associer également Thales, qui a vocation à jouer un rôle important dans ce programme, avec d'autres acteurs. Un montant de 2,2 milliards d'euros est consacré à ce programme. Un premier contrat d'études a été conclu en 2018, et les industriels allemands doivent rejoindre les acteurs français dans les prochains mois.

Le char de combat du futur doit pour sa part permettre de remplacer le char français Leclerc et le char allemand Leopard. La lettre d'intention qui a été signée en juin 2018 confirme la volonté, partagée, de conduire les travaux en coopération. Ils s'inscrivent dans la continuité de travaux nationaux qui avaient été lancés en 2014. L'année 2019 sera marquée par le lancement des premiers contrats communs, l'objectif étant de mettre en service le char de combat du futur en 2035.

J'ai déjà commencé à vous présenter le plan « Famille » : vous savez que les crédits consacrés à sa mise en oeuvre en 2019 seront plus que deux fois supérieurs au montant retenu pour 2018. Nous avons utilisé les moyens alloués cette année d'une façon visible pour les forces, notamment en équipant des lieux de vie et d'hébergement en wifi gratuit. Ce n'était pas nécessairement la mesure la plus coûteuse, mais je crois qu'elle est très appréciée. Nous avons déjà permis 100 000 accès gratuits en un an, et nous allons poursuivre dans cette voie. Nous allons aussi mettre en place une allocation permettant à des couples récemment divorcés d'exercer leur droit de visite malgré l'éloignement géographique lié aux affectations des militaires. Je redis ici, devant vous, que 70 % des mesures du plan « Famille » ont vocation à être mises en oeuvre d'ici à la fin de l'année 2018. Les efforts continueront ensuite au cours des prochaines années : 530 millions d'euros ont été prévus à ce titre par la loi de programmation militaire. C'est un plan vivant, dont la vocation est de s'adapter au fur et à mesure des besoins qui s'exprimeront. J'échangerai dans quelques jours avec le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), à qui j'ai demandé de me relayer les ajustements qui paraîtraient nécessaires afin que le plan « Famille » réponde véritablement aux besoins quotidiens de chacun. Je dialoguerai avec le CSFM sur la base des retours qu'il me fera d'ici à la fin de l'année 2019.

Vous m'avez également interrogée sur l'impact possible du nouveau système universel de retraite qui sera présenté prochainement. Les contours du nouveau système n'étant pas connus, il m'est difficile d'en appréhender l'impact pour les militaires… Il m'appartient en revanche de rappeler à chacun, notamment aux responsables de cette réforme, que le dispositif des pensions militaires est très spécifique, non parce qu'il faudrait consentir des avantages aux militaires a priori, mais parce qu'il s'agit d'une fonction particulière et que nous avons une armée jeune – et nous voulons qu'elle le reste. Cela suppose d'avoir un système permettant de prendre en compte des flux entrants et sortants importants, avec des personnes qui quittent nos armées à un âge encore très jeune. Le régime des pensions militaires comporte donc des caractéristiques tout à fait spécifiques dont nous souhaitons la prise en compte et la préservation dans le système futur. J'ai eu l'occasion de m'entretenir de ce sujet à plusieurs reprises avec le haut-commissaire à la réforme des retraites, et le président de la République a lui-même déclaré dans son discours aux armées du 13 juillet dernier qu'il serait très attentif à ce qu'il y ait une prise en compte correcte de ces éléments spécifiques.

Le Burkina Faso connaît une situation complexe et instable, marquée par une insécurité très importante. Je suis les évolutions en cours avec beaucoup d'attention. Vous savez que je me suis rendue en juillet dans ce pays, où j'ai pu échanger avec les autorités. J'ai ainsi rappelé au président du Burkina Faso notre disponibilité, dans le cadre de la force Barkhane, pour inclure des forces burkinabées en vue de renforcer leur niveau de formation, voire de réaliser un certain nombre d'opérations en commun. La lutte contre le terrorisme doit se poursuivre au Sahel, qui est grand comme plusieurs fois la France. Le sous-chef d'état-major « opérations » se rendra très prochainement au Burkina Faso, où il devrait réitérer les offres de service qui ont déjà été faites.

Monsieur Lachaud, vous m'avez interrogée sur la part du budget dissuasion dans le budget total du ministère des Armées. Comme vous l'avez compris, avec les premiers chiffres que je vous ai donnés, la croissance des moyens consacrés à la dissuasion est loin d'absorber la totalité de la croissance des moyens du budget consacré en 2019 à la mission défense, puisqu'ils représentent 400 millions sur 1,7 milliard d'euros. Par conséquent, la dissuasion n'exerce aucun effet d'éviction sur les moyens destinés aux forces conventionnelles.

Son budget, en valeur absolue, en 2019, s'élèvera à 4,45 milliards d'euros, soit une progression de 10 %, conformément à la trajectoire de la loi de programmation militaire. Cela représente environ 12,5 % du total des moyens consacrés à la défense. Si vous vous en souvenez, j'avais beaucoup insisté sur le fait qu'aussi bien en 2019 que les années suivantes, il n'y aurait pas, malgré la rénovation des deux composantes de la dissuasion, d'effet d'éviction au cours de la loi de programmation militaire sur les moyens conventionnels des armées.

S'agissant des coûts attendus des opérations extérieures et des missions intérieures, je voudrais commencer par repréciser les choses quant à la provision, avant d'en venir aux évaluations de coûts elles-mêmes. La provision comprend 850 millions d'euros, principalement pour les OPEX, auxquels nous avons ajouté 100 millions d'euros pour la masse salariale de l'opération Sentinelle, soit 950 millions d'euros au total.

S'agissant de l'évaluation prévisionnelle des coûts, en 2017, les opérations extérieures ont représenté 1,5 milliard d'euros, en arrondissant. En 2018, ce montant sera inférieur, autour de 1,3 milliard d'euros. Mais, l'année n'étant pas terminée, je ne peux pas vous donner de chiffres plus précis. Pour 2019, nous disposons d'encore moins d'éléments d'évaluation. Ce qui est certain, c'est que 2019 ne sera pas la dernière année de la révision à la hausse de la provision. C'est en 2020 que nous atteindrons une provision de 1,1 milliard d'euros. Nous serons alors proches, nous l'espérons, du montant réel des opérations extérieures, lesquelles peuvent évoluer à la hausse ou à la baisse, en fonction de notre présence et du contexte international. Nous essaierons, année après année, de nous rapprocher progressivement du coût final de ces opérations, en augmentant la provision. Pour 2018, je vous donne rendez-vous dans quelques semaines sur les modalités de financement.

La loi de programmation militaire qui s'appliquera cette année est la LPM antérieure à celle que vous avez adoptée il y a quelques mois. Cette dernière se veut plus précise dans sa rédaction, quant aux modalités de financement de la part qui ne sera pas financée par la provision, puisqu'elle prévoit que les surcoûts seront couverts par solidarité interministérielle, ce qui n'exclut évidemment pas le ministère des Armées. En revanche, le texte de la LPM incite à proportionner sa contribution à son poids dans le budget de l'État et prévoit aussi une nouvelle clause disposant que, si la provision était supérieure aux besoins, le ministère des Armées conserverait la différence.

Pour ce qui est du MCO terrestre, j'ai effectivement donné des orientations claires, à la suite de la restitution d'un audit spécifique que j'avais demandé. Ce qui m'a beaucoup frappée, c'est que, s'agissant de la maintenance lourde, par comparaison avec le MCO aéronautique, la part réalisée par les industriels est extrêmement faible, puisqu'elle ne dépasse pas 15 % du total. Loin de moi l'idée de remettre en cause la charge des services étatiques, mais je pense que, dans une perspective de plus grande responsabilisation des industriels, laquelle me paraît nécessaire pour améliorer le taux de disponibilité de ces matériels, il faut corriger ce déséquilibre mis en lumière par le travail d'audit. J'ai donc fixé comme objectif de passer progressivement la part réalisée par les industriels de 15 % à 40 %. Il y aura du travail pour tout le monde !

En ce qui concerne les blessés et les mesures catégorielles prévues, nous avons la chance de bénéficier d'un dispositif très efficace de reconversion pour l'ensemble des personnels de la défense : l'Agence de reconversion de la défense, également en charge de la question des transitions professionnelles pour les militaires blessés qui ne peuvent plus rester au sein de l'institution. Par ailleurs, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) prend le relais, lorsque le blessé quitte l'institution. À cela s'ajoutent une protection statutaire et des dispositifs de reconnaissance spécifiques, puisque le militaire blessé bénéficie des congés liés à son état de santé ainsi que, depuis 2017, du congé du blessé, qui prolonge les droits à congé des militaires blessés en opération au-delà des six mois maximaux de congé maladie de droit commun.

Qui plus est, dans le plan « Famille », plusieurs actions visent à améliorer le soutien des blessés. Une plateforme numérique sera créée avant la fin de cette année, afin de faciliter leurs démarches administratives. Un guide d'informations pour les blessés et leur famille vient d'être publié. Le dispositif d'accompagnement des familles a été consolidé, en particulier lors des phases d'hospitalisation. Le dispositif « Écoute défense » a reçu plus de six cents appels en 2017, dont près d'un tiers relatifs à des troubles post-traumatiques.

Le service de santé des armées poursuit sa transformation. Nous souhaitons que des mesures soient prises pour fidéliser ses personnels, puisque ce service est tout à fait essentiel au bon fonctionnement de nos opérations. Le budget 2019 marque la stabilité des effectifs, alors que le projet initial consistait à les comprimer fortement. Il comprend plusieurs mesures visant à renforcer l'attractivité de ce service. Dès cette année, nous avons amélioré les moyens consacrés à la rémunération des gardes et des astreintes hospitalières. Pour 2019, nous avons prévu des mesures catégorielles à hauteur de 3,8 millions d'euros pour les praticiens et de près d'un million d'euros pour les personnels paramédicaux. Enfin, l'accès aux primes de lien au service sera doté en 2019 d'un crédit de 3,76 millions d'euros.

Quant à l'évolution des crédits d'innovation et, plus particulièrement, l'affectation des 176 millions d'euros d'autorisations d'engagement prévus au programme 144, à défaut de pouvoir ventiler le delta en autorisations d'engagement, je vais rappeler quelles sont les priorités en 2019 du programme 144 : le maintien d'un effort au profit du soutien à l'innovation, notamment dans les PME-PMI, par le biais du programme « Régime d'appui pour l'innovation duale » (RAPID), du fonds Definvest et du programme innovation pour la défense ; le maintien de l'effort en matière de dissuasion, en particulier dans le domaine des missiles balistiques et aéroportés ; la préparation des futures capacités majeures, qu'il s'agisse du système de combat aérien du futur en coopération, du porte-avions de nouvelle génération, qui continuera de bénéficier de crédits d'études, et du char de combat du futur ; un effort consacré aux communications et au renseignement ; les travaux dans le domaine des missiles, en coopération franco-britannique ; la cybersécurité ainsi que l'évolution des architectures des réseaux et des systèmes pour le traitement des données de masse.

L'Agence de l'innovation de défense, créée le 1er septembre, comptera une centaine de personnes. Son périmètre porte sur les études amont, les dispositifs de soutien à l'innovation, les subventions aux opérateurs de recherche défense et à la recherche duale. Tous les moyens mis ensemble représentent 1,2 milliard d'euros en 2019. Ils progresseront dans la période de la LPM, pour atteindre 1,5 milliard d'euros dès 2022. Comme vous le savez, c'est la mise en commun de moyens qui étaient jusque-là très dispersés au sein du ministère des Armées.

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