Intervention de Olivier Véran

Réunion du mercredi 10 octobre 2018 à 16h15
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Véran, rapporteur général :

Le projet de financement de la sécurité sociale prévoit un changement assez important dans les relations entre l'État et la sécurité sociale. Cette année en effet, pour la première fois, le principe de compensation des exonérations ne sera pas appliqué. C'est notamment le cas pour la suppression du forfait social. Quel est le sentiment de la Cour des comptes à ce sujet ?

À un horizon de deux ou quatre ans, il semble que ce qui aurait pu relever d'excédents pour la sécurité sociale ne sera pas considéré comme tel. En effet, ces excédents seront transférés pour partie à la CADES, afin de mieux rembourser la dette sociale – en récupérant, ce faisant, la dette aujourd'hui portée par l'ACOSS – et pour partie à l'État au titre de la réduction des déficits publics et de la dette. Que pense la Cour des comptes de ce virage ? Il est vrai que, la sécurité sociale n'ayant pas atteint l'équilibre depuis vingt ans, cette question ne s'est pas posée depuis deux décennies.

En contrepartie du transfert entre la sécurité sociale et l'État, serait-il possible d'instaurer des garanties visant à s'assurer que ces fonds, dûment transférés à l'État, serviront, de façon directe ou indirecte, à opérer des dépenses dans le champ sanitaire et social ? Il est parfaitement envisageable de servir la cause sanitaire par des dépenses qui ne relèvent pas directement de la santé. L'amélioration des transports, des conditions environnementales ou encore de l'éducation peut ainsi avoir un impact sanitaire important. Peut-être serait-ce une solution « élégante » pour compenser le transfert entre la sécurité sociale et l'État. Elle n'a jamais été mise en oeuvre jusqu'à présent, mais sans doute la question est-elle inédite. Monsieur le Premier président, quel est votre avis sur cette question ?

Dans le cadre du débat sur la réforme constitutionnelle, un amendement a été adopté en commission et en séance, en première lecture, visant à étendre le périmètre des lois de financement de la sécurité sociale à l'ensemble des questions liées à la protection sociale, pour y intégrer en priorité la question de la dépendance – grand chantier du présent quinquennat – voire, à terme, les retraites complémentaires ou l'assurance chômage – bien que ceci ne soit pas la volonté du Gouvernement. Quel regard portez-vous sur cette extension du périmètre des lois de financement ?

Le Gouvernement a décidé de supprimer le fonds de financement pour l'innovation pharmaceutique, qui était très critiqué par la Cour des comptes. Il procède à une réduction substantielle des réserves sur la certification des comptes sociaux. Il reprend la majorité de la dette de l'ACOSS par la CADES, et modifie peu le périmètre de l'ONDAM. Au-delà de la question des soldes, comment appréciez-vous la détermination du Gouvernement et de sa majorité à présenter les comptes les plus fiables possible, suivant ce faisant de nombreuses recommandations de la Cour des comptes ?

Le rapport de la Cour propose, une fois encore, de mettre en place des mécanismes de régulation infra-annuels de l'enveloppe de médecine de ville. À la différence de l'ONDAM hospitalier, l'ONDAM de ville n'est pas fermé. Nous assistons chaque année à des dépassements des enveloppes de ville, au détriment d'autres enveloppes dans le champ de la sécurité sociale. Monsieur le Premier président, quel pourrait être ce mécanisme de régulation infra-annuel ? Chacun se souviendra de l'impasse politique dans laquelle le pays a été plongé dans les années 1990, quand, en application du plan de réforme de la sécurité sociale présenté par Alain Juppé, des ordonnances avaient prôné un mécanisme de régulation par retour sur enveloppe via des lettres-clés flottantes. Monsieur le Premier président, identifiez-vous d'autres mécanismes ? Nous incitez-vous, au contraire, à tenter cette expérience, vingt-cinq ans plus tard ?

La ligne globale de la Cour des comptes sur le système de soins rejoint à de nombreux égards la stratégie fixée par le plan « Ma santé 2022 » annoncé récemment par le Président de la République, avec une volonté affirmée de renforcer une offre qui soit mieux balisée et mieux répartie entre ville et hôpital. Confirmez-vous cette lecture ?

Un chantier a été amorcé par la ministre des solidarités et de la santé, Mme Agnès Buzyn, afin d'étudier les besoins des personnes âgées dépendantes et la meilleure façon d'y répondre. Sur cette base, monsieur le Premier président, avez-vous des recommandations à émettre sur les modalités de financement de la dépendance ? Serait-il envisageable, par exemple, de reporter le tableau d'amortissement du remboursement de la CADES de 12 ou 18 mois, afin de tenter d'extraire quelques milliards d'euros et d'opérer une montée en gamme ? La dette sociale serait alors remboursée à l'horizon non pas de 2024, mais de 2025. À l'inverse, préconisez-vous plutôt des mesures semblables à la journée de solidarité envers les personnes âgées, ou d'autres modalités de financement ?

Enfin, le rapport de la Cour de comptes propose d'augmenter la fiscalité sur les boissons sucrées et l'alcool. La taxe dite « soda » que nous avons votée à l'unanimité dans le précédent PLFSS a un impact sur les industriels, qui ont reformulé leurs boissons en en réduisant de 30 % à 70 % les taux de sucre. Cependant, comme j'ai pu le constater dans des supérettes parisiennes, il peut être plus coûteux d'acheter une bouteille d'eau qu'une bouteille de soda sucré, voire qu'une bouteille d'alcool. Pensez-vous, monsieur le Premier président, que nous devions être plus incisifs sur cette question ?

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