Intervention de Laurent Saint-Martin

Séance en hémicycle du lundi 10 juillet 2017 à 16h00
Renforcement du dialogue social — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Saint-Martin, suppléant M Joël Giraud, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, outre les dispositions que vient de présenter mon collègue Laurent Pietraszewski sur le renforcement du dialogue social, le texte que nous examinons cet après-midi prévoit d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures nécessaires pour reporter d'un an l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu.

La commission des finances ne pouvait pas se désintéresser de cette mesure. À l'initiative de son président et avec l'accord du rapporteur général, que je supplée aujourd'hui, elle s'est donc saisie de l'article 9, dans le cadre d'une « délégation d'article » opérée par la commission des affaires sociales.

Longtemps envisagée mais jamais concrétisée, la réforme du prélèvement à la source a constitué l'une des mesures phares de la loi de finances pour 2017. Elle concerne très directement l'ensemble des contribuables. Elle a fait l'objet de débats approfondis à l'automne dernier, qui ont d'ailleurs permis d'enrichir et d'améliorer sensiblement le texte initial.

Cette réforme doit venir modifier complètement la chronique du recouvrement de l'impôt, en permettant le prélèvement de l'impôt dû par les contribuables en temps réel et au fil de la perception des revenus. Elle conduira à supprimer le décalage d'une année existant aujourd'hui, qui peut s'avérer très préjudiciable pour les foyers dont les revenus varient d'une année sur l'autre, notamment en cas de variation à la baisse.

Elle mettra aussi un terme à une sorte d'exception française, puisque la grande majorité des pays de l'OCDE appliquent le prélèvement à la source depuis plusieurs dizaines d'années.

Le prélèvement à la source concernerait la quasi-totalité des revenus, plus de 97 % pour être précis. De façon schématique, pour les salaires et les pensions, soit environ 88 % des revenus, il prendrait la forme d'une retenue à la source réalisée par les tiers payeurs, c'est-à-dire les employeurs et les caisses de retraite, pour l'essentiel. Pour les revenus des travailleurs indépendants ainsi que pour les revenus fonciers, il prendrait la forme d'un acompte acquitté par le contribuable lui-même.

Par ailleurs, la réforme prévoit que le taux de prélèvement sera modifié en cours d'année lorsque le foyer fiscal connaîtra des changements importants. Le contribuable pourra aussi demander à moduler son taux, à la hausse comme à la baisse. Il pourra choisir un taux individualisé – dans ce cas, il ne sera pas tenu compte des revenus de son conjoint – ou encore opter pour un taux dit « par défaut », s'il ne souhaite pas que son employeur ait connaissance du taux d'imposition de son foyer.

Parallèlement, la réforme a prévu un mécanisme particulier, intitulé « crédit d'impôt de modernisation du recouvrement » ou CIMR, qui évitera une double imposition des contribuables l'année où la réforme entrera en vigueur et leur permettra de bénéficier de leurs réductions et crédits d'impôt au titre de l'année précédente.

Le dispositif proposé par l'article 60 de la loi de finances pour 2017 se révèle donc complet et robuste. On ne peut cependant contester que son calendrier soit très resserré : adoptée à la fin du mois de décembre 2016, la réforme doit en effet s'appliquer dès le 1er janvier 2018.

Cette réforme de très grande ampleur impose notamment de mener à bien plusieurs chantiers informatiques et techniques. Compte tenu de ses enjeux budgétaires, mais aussi de l'impact qu'aurait pour les contribuables le moindre dysfonctionnement, il est indispensable de prendre le temps nécessaire pour procéder à des tests et expérimentations dans de bonnes conditions, notamment avec les entreprises collectrices, pour fiabiliser les applications informatiques et pour assurer la bonne formation des agents.

Le Gouvernement fait donc preuve de pragmatisme et de sagesse en retenant une approche fondée sur l'évaluation : il met en oeuvre une expérimentation de trois mois, de juillet à septembre, tout en lançant un audit indépendant sur la réforme pour s'assurer de son caractère opérationnel afin d'en évaluer le coût éventuel pour les collecteurs. Cela suppose donc de décaler d'une année son entrée en vigueur, afin de pouvoir tirer les leçons de ces travaux d'expérimentation et d'audit. Ce décalage ne remet nullement en cause pour autant le bien-fondé de la réforme, mais vise à ce que celle-ci, décidée la dernière année du précédent quinquennat, se déroule dans de meilleures conditions.

La mesure de report doit, en revanche, intervenir assez tôt pour que les contribuables ne soient pas pris au dépourvu et pour que l'administration fiscale n'envoie pas dès cet été des feuilles d'impôts comportant des erreurs ou des informations inutiles. Certaines dispositions du texte, relatives par exemple aux obligations de secret professionnel des employeurs, auraient même dû entrer en vigueur dès le 1er octobre : vous saisissez donc l'importance de ce report.

C'est la raison pour laquelle l'article 9 du projet de loi qui nous est soumis tend à habiliter le Gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires au report d'une année, soit au 1er janvier 2019, du prélèvement à la source et à adapter en conséquence les années de référence des mesures transitoires, notamment pour la mise en oeuvre du CIMR.

À l'issue d'un débat nourri et constructif avec le ministre, la commission des finances a adopté cette mesure de report d'une année. Elle a, par ailleurs, adopté un amendement, déposé par notre collègue Valérie Rabault, visant à demander au Gouvernement la remise, avant le 30 septembre prochain, d'un rapport sur l'expérimentation conduite cet été. Le ministre s'est engagé à informer de façon complète et rapide la commission des finances sur les résultats de l'expérimentation et de l'audit.

Je vous invite donc à suivre la commission des finances en adoptant l'article 9 ainsi modifié.

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