Intervention de Franck Riester

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Franck Riester, ministre de la Culture :

Je remercie Mme la rapporteure et tous les intervenants pour leurs questions pertinentes. Je vais essayer d'y répondre mais, pour commencer par la dernière question, en raison de son caractère très technique, je vous ferai parvenir ma réponse prochainement, monsieur Bouyx. Mme Kuster abordera sans doute le sujet dans le cadre de sa réflexion sur le mécénat.

Madame la rapporteure, je vous remercie d'avoir reconnu que le financement de la mission « Culture » est conforté. S'agissant d'un principe de base, que des acteurs privés, fondations ou entreprises, viennent soutenir les financements publics est une très bonne chose. Dès lors qu'il ne se produit pas de dérive, nous devons appuyer ce type de diversification des ressources. J'assistais samedi matin au cinquantième anniversaire du Théâtre National de Strasbourg (TNS). C'est le seul théâtre national en région, il est animé d'une véritable ambition de service public. Pour autant, il a mis en place des programmes, notamment un programme en matière de diversité des publics et des artistes qui est accompagné par des fondations privées. J'appuie donc votre propos : il est très important de maintenir la diversification des ressources dans la culture, en particulier avec les ressources privées.

Concernant le Loto du patrimoine, sur lequel plusieurs m'ont interrogé, je serai très direct. Cette très belle opération a permis de mettre en lumière un grand nombre de sites patrimoniaux et de sensibiliser, si c'était nécessaire, beaucoup de nos compatriotes à la préservation du patrimoine. L'engouement des Français que je tiens à remercier, a permis de collecter des moyens pour conforter l'augmentation des crédits de l'État. Mais il n'y a pas d'ambiguïté. Dès le départ, il était très clairement prévu qu'une très grande partie des sommes versées reviendrait aux joueurs – ce sont les gains du Loto – et que, comme pour toute opération de ce type, une partie paierait des taxes et cotisations – TVA, CSG, CRDS. Vous-même l'avez dit, monsieur Minot, et la présidente de la Française des Jeux, que vous avez rencontrée, a dû vous le dire aussi. C'est d'ailleurs une bonne chose : si l'on veut pérenniser ce Loto du patrimoine, il faut en financer le fonctionnement. Faire une exception dans ce cas menacerait l'ensemble des activités de la Française des Jeux. Pour le Loto du patrimoine, au vu du volume des jeux déjà achetés, on peut tabler sur 15 millions d'euros de recettes et, si l'engouement persiste, on atteindra l'objectif actuel de 20 millions d'euros – ce qui est une surprise car les ambitions initiales étaient moindres. Il n'y a donc pas d'ambiguïté et la polémique n'a pas lieu d'être.

Le coût de la restauration du château de Villers-Cotterêts pour en faire une maison de la francophonie est effectivement estimé à 110 millions d'euros, mais le projet n'est pas élaboré en détail. J'aurai donc l'occasion d'en débattre avec vous dans les semaines et les mois qui viennent. Comme je vous l'ai indiqué, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit 55 millions d'euros en autorisations d'engagement pour le lancement de ce grand chantier.

Le projet du Centre national de la musique permettra de fédérer la filière, d'appuyer la création dans sa diversité et de conforter une politique d'exportation ambitieuse. Nous finaliserons le projet une fois rendu le rapport parlementaire. Les 5 millions d'euros prévus devraient permettre de lancer le moment venu le CNM tel que vous l'avez imaginé.

Vous avez rappelé l'importance du crédit d'impôt, que nous souhaitons conforter dans les secteurs où il existe. Mais le crédit d'impôt relatif au spectacle musical est un peu trop récent pour que l'on puisse déjà l'évaluer et éventuellement l'étendre à d'autres secteurs. Je propose donc que nous nous revoyions pour parler plus précisément du crédit d'impôt théâtre dont vous souhaitez la création, madame Kuster. En revanche, on peut réfléchir à élargir le crédit d'impôt concernant les entreprises spécialisées dans les effets visuels.

Le FONPEPS, qui vise à favoriser l'accès des professionnels en contrat précaire à un emploi durable, sera doté de 25 millions d'euros en autorisations d'engagement et 12 millions d'euros en crédits de paiement. Ces montants tiennent compte de l'utilisation effective des crédits en 2018 ; sa faiblesse indique qu'il faut vraisemblablement mieux faire connaître le dispositif pour le rendre plus utile à son objet.

La réduction du budget consacré aux bourses est liée à l'évolution de la démographie étudiante. Nous avons adapté le volume de crédits aux perspectives des besoins, mais il serait réévalué en 2020 si besoin était. Les moyens de fonctionnement des écoles sont préservés mais nous souhaitons adapter les budgets d'investissements en fonction des projets qui nous sont présentés.

Le Pass Culture est un très beau projet. Il vise, je le rappelle, à offrir aux jeunes gens et peut-être aussi, dans un deuxième temps, si le dispositif fonctionne, à tous, une palette d'offres culturelles grâce à une application géolocalisée permettant d'accompagner le choix des publics. L'idée est si neuve qu'elle n'a pas encore de support technique. Une initiative de ce genre a été lancée en Italie, que nous devrons analyser, mais une expérimentation est fondamentale. Nous la lancerons dans les semaines qui viennent pour observer, en toute transparence, comment fonctionne le dispositif et s'il trouve son public. Pas moins de 11 000 volontaires se sont manifestés pour participer à l'expérimentation dans cinq départements – quatre en métropole et un outre-mer. On analysera d'une part si le public est séduit par les propositions qui lui sont faites, d'autre part le coût du dispositif. À raison de 800 000 jeunes gens par classe d'âge, pour un Pass Culture d'un montant forfaitaire de 500 euros, le montant total est de 400 millions d'euros ; il faut donc déterminer à la fois quels seront nos partenaires et quel sera leur accompagnement financier, afin que le coût soit plus raisonnable pour l'État. Surtout, l'efficacité de l'offre culturelle doit permettre de satisfaire la jeunesse. Je vous ferai part des premiers éléments du diagnostic issu de l'expérimentation pour que nous débattions de la possibilité éventuelle de généraliser le Pass Culture. Avant cela, les 34 millions d'euros prévus pour 2019 nous permettront de créer le dispositif et de lancer une expérimentation pertinente.

Le Fonds d'urgence au spectacle vivant, institué après les attentats de 2015, a été indispensable pour aider les festivals de spectacle vivant à sécuriser leurs manifestations. Nous apprécierons, en toute transparence, si les 2 millions d'euros prévus pour 2019 suffisent, et je continuerai à traiter de cette question avec le ministre de l'intérieur, car le problème doit être envisagé de manière globale. Le maire que je fus une décennie durant sait que lorsqu'un événement se déroule sur un territoire, tous les acteurs publics et éventuellement privés concernés par son organisation sont mobilisés pour définir comment assurer la sécurité. Le risque terroriste en a renchéri le coût et il est normal que l'État veille à ce que les manifestations puissent continuer d'avoir lieu sans que les nouvelles contraintes ne mettent le spectacle vivant en péril.

Nous nous mobilisons activement pour corriger les déséquilibres territoriaux dans l'accès à la culture. Le ministère s'est engagé de longue date en faveur des territoires prioritaires de la politique de la ville et les DRAC sont investies dans de nombreux projets en faveur des habitants de ces quartiers, en partenariat avec les associations locales et les élus. Je donnerai pour exemple l'opération « C'est mon patrimoine ! » destinée aux enfants des quartiers populaires pendant les vacances scolaires. J'insiste aussi sur deux mesures prévues dans la feuille de route du 18 juillet relative à la mobilisation nationale pour les habitants des quartiers : jumeler les institutions culturelles avec les quartiers de la politique de la ville, et déployer sur tout le territoire les « micro-folies », espaces modulables de démocratie culturelle et d'accès ludique aux oeuvres des plus grands musées nationaux, qui comprennent un musée numérique, un « FabLab » (laboratoire de fabrication) et un espace de rencontre. D'autre part, le formidable programme Démos créé à l'initiative de Marin Karmitz et qui vise à développer la pratique musicale des jeunes doit être déployé davantage encore. Enfin, pour atteindre l'objectif de 100 % d'enfants bénéficiaires d'une éducation artistique et culturelle, en particulier dans les quartiers prioritaires, les DRAC renforcent leur contractualisation avec les collectivités territoriales.

Il nous faut aussi mettre en conformité les bâtiments des établissements recevant du public pour qu'ils puissent accueillir les personnes handicapées. Un agenda d'accessibilité programmée a été engagé en 2015, qui prévoit une mise en accessibilité échelonnée de 2018 à 2024. Pour ce qui concerne notamment le spectacle vivant, un fonds doté d'un million d'euros a été créé au ministère de la Culture, destiné à l'équipement des salles en matériel d'accessibilité et à la montée en charge d'une programmation accessible au sein du réseau des structures labellisées. Tout aussi essentiel est le renforcement de l'accueil des étudiants en situation de handicap dans les établissements nationaux d'enseignement supérieur sous tutelle du ministère de la Culture.

La contribution du ministère aux efforts d'emploi est équitable et conforme à notre poids dans le budget de l'État. Une réduction de 160 équivalents temps plein dans un ministère dont l'effectif est de plus de 29 000 équivalents temps plein représente certes un effort, mais il me semble raisonnable quand l'argent public se fait rare.

Pour les archives départementales, les crédits sont sanctuarisés à hauteur de 4 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. La baisse affichée à l'action n° 4 du programme 175 correspond à la décélération prévue au schéma directeur des archives nationales.

Parce que nous souhaitons la sincérité budgétaire, 5 millions d'euros supplémentaires sont inscrits sur la ligne « Archéologie », je vous l'ai dit. Nous verrons, au terme de l'exercice 2019, si cela suffit. Outre que nous avons aussi conforté le budget consacré aux monuments historiques, je rappelle que l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) bénéficie d'un crédit d'impôt recherche de plusieurs millions d'euros. La volonté d'agir est là, et j'ai dit aux équipes que j'ai rencontrées à Paris l'importance que j'accorde à l'archéologie dans le périmètre du ministère.

Sont effectivement éligibles au Fonds incitatif pour les monuments historiques situés dans les petites communes à faibles ressources celles qui ont moins de 10 000 habitants, mais le coeur du dispositif concerne les communes de moins de 2 000 habitants, puisque c'est là que sont situés la moitié des sites protégés.

Enfin, je pense, monsieur Larive, que l'on peut traiter des sujets culturels sans caricatures. Nous y avons tous intérêt : c'est la meilleure façon de démontrer aux équipes du ministère, aux opérateurs, aux collectivités territoriales et à tous nos compatriotes notre volonté transpartisane de défendre la culture française et la culture en général, en mobilisant toute notre énergie à son service. Le débat entre nous doit être le plus apaisé et le plus honnête intellectuellement. Nous avons une véritable ambition pour la culture, ce que je pense avoir démontré par la présentation de ce budget.

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