Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du mardi 3 octobre 2017 à 15h00
Fin de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili, présidente de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État – cher Nicolas Hulot – , mes chers collègues, ce n'est pas sans une certaine émotion que j'interviens aujourd'hui à la tribune.

Cette émotion est d'abord liée au moment choisi pour la discussion du projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels. Il s'agit en effet du premier texte inscrit à l'ordre du jour de la première session ordinaire de la législature. Nous ouvrons nos travaux avec ce projet de loi emblématique, plaçant ainsi cette législature sous le signe des défis environnementaux que devra relever la nouvelle majorité.

Consciente de ces enjeux, la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a mesuré avec gravité la responsabilité qui lui était confiée lorsque le texte a été renvoyé à son examen.

Ce choix est la reconnaissance d'une vraie expertise, puisque la commission a travaillé à de nombreuses reprises, lors des législatures précédentes, sur les sujets miniers. Je rends hommage à mon prédécesseur Jean-Paul Chanteguet, à l'origine d'un travail de titan sur la réforme du code minier, qui devrait prochainement se concrétiser – enfin ! – dans un projet de loi.

Mais le choix de notre commission témoigne également d'une nouvelle approche, plus transversale, qui inscrit les questions énergétiques dans une problématique plus vaste liée aux enjeux du développement durable.

C'est donc forte de cette double légitimité que lui confèrent son expertise et la prégnance des enjeux environnementaux que la commission a travaillé.

Ce faisant, elle a pu compter sur l'éclairage irremplaçable de la commission des affaires économiques sur ces questions. Je rends hommage aux deux rapporteurs, Jean-Charles Colas-Roy et Célia de Lavergne, qui ont travaillé en parfaite concertation, permettant ainsi aux deux commissions de se rejoindre pour un travail parlementaire approfondi et un dialogue constructif avec le Gouvernement.

Monsieur le ministre d'État, vous avez parfaitement exposé les motifs qui ont conduit à l'élaboration du projet de loi, à partir d'un constat préoccupant, voire accablant, sur l'état de notre planète.

Il se trouve que, le lendemain de l'examen du projet de loi en commission, la commission du développement durable a auditionné l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture, l'IRSTEA – issu du Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts ou CEMAGREF – , établissement public de recherche spécialisé dans l'environnement et l'agriculture.

J'invite tous les sceptiques à regarder cette audition et à consulter les documents, qui sont maintenant mis en ligne sur la page de notre commission. L'IRSTEA réunit non des militants, mais des chercheurs qui ont étudié l'impact des changements climatiques sur des enjeux aussi essentiels que les ressources en eau de notre pays ou les risques d'incendie. Consultez les cartes, mes chers collègues, et regardez la situation de votre propre circonscription dans un futur très proche. Le doute n'est plus de mise ; il nous faut agir.

Certains contempteurs du projet ont cru bon de dénoncer un texte de loi qui ne serait à leurs yeux qu'un symbole. Je note que, dans le même temps – mais on n'est pas à une contradiction près – , ils n'hésitent pas à crier à l'hérésie économique et à la catastrophe industrielle.

Pour ma part, j'accepte bien volontiers la qualification de symbole. Ce projet de loi est effectivement un symbole, mais, plus que cela, c'est un signal, celui de l'avènement d'un nouveau modèle qui est, lui, porteur d'avenir, de croissance économique, d'innovations technologiques.

On nous reproche d'être le premier grand pays à bannir toute nouvelle exploration d'hydrocarbures sur le territoire national. C'est bien là toute l'audace du texte, toute votre audace, monsieur le ministre d'État, car c'est par ce type même de décisions courageuses que nous lancerons le mouvement qui contribuera à désinhiber d'autres pays.

On nous parle d'hérésie en termes de politique industrielle. Bien au contraire, le projet de loi offre à nos industries un avantage compétitif économique en matière de transition énergétique, dont il faut absolument qu'elles se saisissent.

Je rappelle que les enjeux économiques en la matière sont énormes. La Chine a ainsi annoncé, dans son dernier plan quinquennal, en janvier 2017, un programme massif d'investissement dans le solaire, l'éolien, l'hydraulique et la géothermie, à hauteur de 300 milliards d'euros. Il est temps que notre économie prenne à son tour la mesure de ce changement de modèle de développement.

Ainsi, de ces contraintes environnementales, de ce renoncement à l'exploration et de l'exploitation des hydrocarbures naît une nouvelle économie. Ce projet est donc porteur de nouvelles opportunités.

Il l'est d'abord parce qu'il est clair, explicite. Il annonce clairement que la France s'engage à sortir des énergies fossiles. Avec lui se termine une période d'atermoiements, de tâtonnements sur ce qui relève des hydrocarbures conventionnels ou non-conventionnels, et d'interrogations scientifiques sur les techniques utilisées.

Il l'est également parce qu'il est juste : il veille à ne pas remettre en cause les droits acquis et laisse aux entreprises titulaires d'un permis exclusif de recherches ou d'une concession du temps pour adapter leur stratégie.

Monsieur le ministre d'État, il est clair, alors que débute l'examen du projet de loi, que vous proposez avec ce texte de faire des contraintes environnementales un nouveau modèle de croissance.

Pour ma part, c'est une démarche que je soutiens entièrement, tout comme la commission que j'ai l'honneur de présider, car nous croyons profondément dans les forces économiques et citoyennes de notre pays pour relever ce défi. Comme disait le poète Hölderlin, « Là où croît le danger croît aussi ce qui sauve ». C'est avec confiance et sérénité que je voterai ce texte.

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