Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 16h30
Commission des affaires économiques

Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances :

Je me retrouve complètement dans l'analyse de Mme Melchior sur l'accompagnement des entrepreneurs en difficulté. En France, la peur de l'échec constitue le premier frein au passage à l'acte pour devenir entrepreneur, cette peur est notamment alimentée par la perception présente chez 69 % des Français que la société française ne donne pas assez une seconde chance. Or, lorsque l'on considère les entrepreneurs dont on estime qu'ils ont très bien réussi, on constate que ce sont des serial entrepreneurs, qui souvent ont connu l'échec à partir de l'apprentissage duquel ils ont construit leur succès futur.

Le rapport à l'échec est en effet différent en France comparé à d'autres nations, dites de start-uppers, comme les États-Unis par exemple. Ma prédécesseure s'était particulièrement investie sur ce sujet, et nous avons adopté un certain nombre de mesures, notamment en faveur du droit à l'échec, comme la suppression de l'indicateur de la Banque de France signalant les dirigeants ayant connu un dépôt de bilan, ou l'accompagnement, par le biais du « portail de rebond », des entrepreneurs confrontés à des difficultés. Le projet de loi PACTE prévoit la simplification et l'allégement des démarches, propice au rebond des intéressés, ainsi que la clarification du droit des sûretés et la transposition de la directive européenne relative à l'insolvabilité.

Le financement des acteurs de l'accompagnement procède de l'Agence France Entrepreneur et de la Caisse des dépôts et consignations. Il sera assuré dès le 1er janvier prochain par BPIfrance : orienter les entrepreneurs vers le guichet de la grande banque publique des entreprises constitue une façon de ne pas les stigmatiser, de signifier que l'on pourra ensuite, éventuellement, enchaîner sur un programme d'innovation ou de capital-développement.

Il incombe avant tout aux actionnaires et aux investisseurs financiers d'accompagner les entreprises et les entrepreneurs en difficulté, dans la mesure où un rebond sain de l'entreprise est dans leur intérêt. Il existe d'ailleurs des acteurs privés qui sont spécialisés dans ces typologies d'entreprises. Au cas par cas, l'État pourra être amené à intervenir pour stimuler cet écosystème ou, plus directement, pour accompagner et faire émerger des solutions de rebond lorsque celles-ci ne se présentent pas spontanément.

Il dispose pour cela d'instruments financiers directs, comme le Fonds de fonds de retournement (FFR), qui permet de disposer d'acteurs crédibles, professionnels et à l'écoute des entrepreneurs. Lancé au mois d'avril 2016, ce fonds est financé par le PIA et doté de 75 millions d'euros. Le FFR a vocation à contribuer à faire émerger de nouveaux fonds de capital-retournement et à consolider le développement des meilleures équipes existantes. Cette dimension a toujours été moins présente que le capital-développement classique ou le private accounting. Ce sont donc des équipes qu'il faut soigner et accompagner, et qui, pour certaines d'entre elles comme le Fonds de consolidation et de développement des entreprises (FCDE), sont issues de BPIfrance, qui a créé des track records à la fois très intéressants et rassurants pour les entrepreneurs.

L'État dispose par ailleurs d'un outil dédié pour accompagner sous certaines conditions les entreprises en difficulté via les prêts du fonds de développement économique et social (FDES). Ce dispositif concerne les entreprises en grande difficulté, les prêts étant accordés par le comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) ou par les comités départementaux d'examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI).

De façon générale, devant ces dossiers compliqués, le ministère chargé de l'économie est conscient de ses responsabilités vis-à-vis des salariés et des entrepreneurs, ce qui le conduit à engager toutes ses forces dans la bataille afin de trouver des solutions satisfaisantes, ou afin de savoir dire à un certain moment que les choses doivent s'arrêter, car si l'on brûle les vaisseaux de l'entreprise et que le cash disparaît, il ne reste plus rien pour accompagner les salariés.

Nous vivons un moment de transformation de l'économie française, qui connaît beaucoup de créations et de suppressions d'emplois, dans une sorte de dynamique schumpétérienne de destruction créatrice. Les emplois manufacturiers diminuent, mais d'autres sont créés ; les sites créés sont plus nombreux que les sites qui ferment. Il faut accepter ce mouvement de l'économie car c'est la meilleure façon de permettre le rebond lorsque des projets entrepreneuriaux sont manifestement arrivés à leur bout.

C'est une question de responsabilité, car ces décisions ne sont pas les plus faciles à prendre, mais ce rôle nous échoit.

Je précise que la demande du Gouvernement est de disposer de 50 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 75 millions d'euros en crédits de paiement. Le montant des crédits de l'an passé était de 103 millions d'euros, mais ce niveau très élevé était lié à des dossiers très particuliers, qui avaient pesé très lourdement sur la ligne budgétaire.

S'agissant du « Pass numérique », 10 millions d'euros ont été dégagés par un amendement du Gouvernement pour cofinancer son déploiement, gagé sur le plan France très haut débit dont les crédits ne seront pas entièrement consommés en 2019. Une appropriation du numérique par les citoyens constitue une condition essentielle de l'utilisation utile des infrastructures que nous déployons.

Mais ce seul déploiement n'est pas suffisant : il s'agit d'une politique qui doit être accompagnée, car d'autres acteurs participent à cette appropriation du numérique par les citoyens, appropriation plus naturelle chez les jeunes générations. Il faut donc prendre la mesure des besoins afin d'ajuster les dispositifs d'accompagnement ; le « Pass numérique » constitue un bon exercice pour savoir où se situent ces besoins et quels sont les meilleurs outils à utiliser.

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