Intervention de Amélie de Montchalin

Réunion du lundi 29 octobre 2018 à 16h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAmélie de Montchalin, rapporteure spéciale (Recherche) :

La France se situe à la pointe de la recherche dans de nombreux domaines, mais elle se trouve malheureusement dans la moyenne basse des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques en ce qui concerne la part de la recherche et développement dans le produit intérieur brut : nous sommes notamment derrière les États-Unis, le Japon et l'Allemagne. Notre retard s'explique, certes, par un faible financement privé de la recherche par les entreprises, mais aussi par un niveau de dépense intérieure de recherche des administrations, c'est-à-dire de recherche publique, qui est encore insuffisant : il est de 0,85 %, contre 0,92 % en Allemagne et 0,9 % aux États-Unis.

L'augmentation de ces crédits est une priorité du Gouvernement, que nous avons relayée dans le cadre du travail mené par la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) avec Patrick Hetzel et Danièle Hérin. La mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (MIRES) continuera à être soutenue en 2019. Alors que la loi de programmation des finances publiques a prévu de réaliser un effort de 1,5 milliard d'euros sur trois ans afin d'atteindre un total de 28 milliards d'euros en 2020, nous serons à 28,17 milliards d'euros dès 2019, ce qui représente 500 millions d'euros de plus que les crédits prévus par la loi de finances initiale (LFI) pour 2018.

Au regard de l'ensemble des enjeux de la MIRES, dont certains points sensibles que j'évoquerai tout à l'heure, l'effort reste insuffisant mais il est néanmoins réel, étant entendu que la hausse des crédits sera plus marquée pour la recherche que pour l'enseignement supérieur, dont Fabrice Le Vigoureux vous présentera les moyens. Sur les 500 millions d'euros d'augmentation qui sont prévus pour l'an prochain, 330 millions iront en effet au budget de la recherche. Celui-ci est composé de sept programmes, sur les neuf que compte la MIRES. Cela représente en tout 11,75 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 11,86 milliards en crédits de paiement (CP), soit une hausse de 330 millions d'euros par rapport à 2017, ce qu'il faut saluer.

Deux programmes de la partie Recherche sont gérés directement par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation : le programme 172, qui chapeaute notamment le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), mais aussi beaucoup d'autres opérateurs de recherche, et le programme 193, qui est consacré à la recherche spatiale. Ce sont ces deux programmes qui concentreront l'essentiel de la hausse des crédits en 2019.

Il faut noter, tout d'abord, que plus de la moitié des crédits supplémentaires, soit 210 millions d'euros, seront alloués à l'Agence spatiale européenne, notamment pour le financement du programme Ariane 6. Les efforts de réduction de la dette de la France vis-à-vis des organisations internationales de recherche – ce qui signifie tout simplement que nous nous sommes engagés dans un effort de sincérité budgétaire, après de nombreuses années où les dépenses ont été repoussées – sont un sujet très important. Il y a néanmoins la question stratégique de la poursuite du projet Ariane 6, que nous avons déjà eu l'occasion d'aborder à l'occasion de précédents travaux, à l'heure où des acteurs privés tels que SpaceX changent fortement la donne dans le domaine spatial.

Le montant des dépenses fiscales rattachées à titre principal à cette mission est en légère augmentation. Il faut noter que 90 % de ces dépenses correspondent au crédit d'impôt recherche, qui devrait s'élever à 6,2 milliards d'euros, ce qui représente une augmentation de 200 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2018. Nous pourrons parler du ciblage de ce dispositif lorsque nous examinerons les amendements. Je voudrais aussi confirmer que je vais m'employer à en déposer, en lien avec le rapporteur général, sur un certain nombre de dépenses fiscales qui sont rattachées à cette mission et que je qualifierais d'inutiles ou d'anecdotiques. Au titre du programme 192, il y a ainsi cinq dépenses fiscales dont le coût est inférieur à 2 millions d'euros, pour chacune d'entre elles, ou n'est tout simplement pas connu. Il y a un effort de simplification et de rationalisation à mener.

En ce qui concerne les emplois, les programmes de la MIRES vont connaître une légère baisse, hors opérateurs. On passera, en effet, de 11 923 à 11 855 équivalents temps plein entre 2018 et 2019. Du côté des opérateurs, on constate en revanche une légère augmentation qui est surtout liée au recrutement de 300 doctorants au CNRS. Cela permettra à ce dernier de réintégrer de jeunes chercheurs et, plus généralement, de retrouver de l'agilité afin de soutenir des programmes de recherche spécifiques sur un temps donné. Le schéma des emplois sous plafond de l'ensemble de la mission demeure fixé à zéro. Cela traduit la volonté du Gouvernement de maintenir l'emploi tout en donnant davantage de moyens et d'agilité aux chercheurs en place.

J'en viens à quelques remarques plus spécifiques.

Le budget de l'Agence nationale de la recherche (ANR) augmentera de 86 millions d'euros en CP et de 34 millions d'euros en AE. L'idée est de continuer de financer des appels à projets et d'augmenter le taux de sélection. J'ai déposé un amendement, en lien avec Fabrice Le Vigoureux, qui concerne le taux de mise en réserve des crédits de l'ANR : il est aujourd'hui de 8 %, alors qu'il a été ramené à 3 % pour l'ensemble du budget. On pourrait dégager sur ce plan 50 millions d'euros qui permettraient à l'ANR d'augmenter de 2 points son taux de sélection afin de se rapprocher de l'objectif, qui a été fixé à 20 %.

Je voudrais également saluer la progression des crédits destinés aux conventions industrielles de formation par la recherche, dont le budget s'élèvera à 61 millions d'euros en 2019, ce qui représente 8 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2018. Il y aura au total 1 450 jeunes thésards accompagnés, soit 50 de plus que cette année.

Par ailleurs, je salue la reconduction de l'enveloppe spéciale de 25 millions d'euros destinée à assurer des financements récurrents pour des laboratoires. Il y a néanmoins un effort de traçabilité à accomplir en ce qui concerne l'utilisation et le ciblage de ces crédits.

Dans la continuité des travaux conduits par la MEC, je pourrai vous en dire davantage, si vous le souhaitez, du projet SI Labo, dont le but est de mieux consolider les budgets dédiés à des thèmes de recherche de manière transversale – entre les universités et les opérateurs, mais aussi potentiellement dans le cadre des crédits européens et des appels à projets. Un montant de 10 millions d'euros est engagé en 2019 pour ce projet qui a déjà pris beaucoup de retard.

J'en arrive à une impasse budgétaire qui concerne les crédits du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).

Le programme 190 prévoit 740 millions d'euros pour le financement des activités d'assainissement et de démantèlement des installations nucléaires. Nous avons constaté, lors des auditions, que le contrôle du responsable du programme sur ces crédits est à renforcer. On sait, par ailleurs, que 17 milliards d'euros ont déjà été provisionnés par le CEA pour ses activités d'assainissement et de démantèlement. Il est nécessaire de clarifier les moyens prévus et d'établir une véritable filière industrielle afin que cet argent public puisse bénéficier à des activités de démantèlement et d'assainissement ne relevant pas seulement du CEA mais aussi, par exemple, d'Electricité de France (EDF). Notre collègue Émilie Cariou a déposé un amendement qui demande une véritable expertise financière sur les questions de sûreté. Ce sont des enjeux extrêmement importants.

L'État prévoit de réduire la dotation du CEA de 65 millions d'euros d'ici à 2020, alors qu'il existe d'énormes besoins liés au réacteur expérimental Jules-Horowitz, au démonstrateur technologique ASTRID – Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration – et aux très grandes infrastructures de recherche. À moyen terme, les impasses budgétaires du CEA s'élèveraient à près de 1 milliard d'euros, mais je m'exprime au conditionnel – il y a là, manifestement, un travail à poursuivre.

J'ai déposé un amendement visant à renforcer les moyens de l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN) de 10 millions d'euros. C'est un institut à la pointe de la transition énergétique qui ne bénéficie d'aucune dotation publique pour travailler sur les hydrocarbures, contrairement à ce que l'on croit souvent.

Je voudrais également évoquer l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), qui doit faire face à la multiplication des « grands plans » annoncés par le Gouvernement – l'actuel et le précédent – au sujet des maladies rares, de l'autisme, d'Ébola, du chlordécone ou encore de France Médecine Génomique. La subvention pour charges de service public de l'INSERM est restée constante depuis 2007, à hauteur de 420 millions d'euros. Or on doit impérativement financer ces différents plans si l'on veut que les annonces faites aient une traduction. Je travaille à m'assurer, d'ici à la séance publique, qu'il y ait un engagement fort du Gouvernement en ce sens.

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