Intervention de Loïc Prud'homme

Séance en hémicycle du lundi 5 novembre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Écologie développement et mobilité durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Prud'homme :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, le secteur du bâtiment résidentiel et tertiaire représentait, en 2016, 43 % de la consommation finale d'énergie en France et 19,5 % des émissions de gaz à effet de serre du pays. C'est l'un des gisements les plus importants d'économies d'énergie. Le respect des objectifs de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte nécessiterait d'investir annuellement 4 milliards d'euros dans la rénovation des passoires énergétiques. Le choix du Gouvernement se limite pour sa part, tous dispositifs d'aides confondus, à 1 milliard d'euros à peine, soit quatre fois moins.

Il fait pourtant aujourd'hui consensus que la rénovation des logements et des bâtiments tertiaires doit être une priorité nationale en matière d'énergie et de climat. C'est aussi une priorité sociale, avec 5,5 millions de ménages, soit environ 12 millions de nos concitoyens et concitoyennes, en situation de précarité énergétique. De plus, le potentiel d'emplois locaux et non délocalisables, qui en fait également une priorité économique, peut être chiffré à environ 300 000 emplois. Mais c'est aussi une priorité sanitaire, à l'heure où un ménage sur cinq déclare souffrir du froid dans son logement. Je rappelle également qu'1 euro investi dans la rénovation thermique, c'est une économie de 40 centimes sur les soins à nos concitoyens.

Et pourtant, dans le PLF, les mots « lutte contre les passoires énergétiques » ne sont pas suivis d'actes. Plusieurs problèmes se posent, et les amendements que nous vous présenterons tout à l'heure auront pour but d'y répondre. En premier lieu, le CITE – crédit d'impôt pour la transition énergétique – a vu son montant divisé par deux et reste problématique sur la forme, le crédit d'impôt excluant de fait ceux qui n'ont pas les fonds de départ pour réaliser des travaux. Il faut le transformer en prime, comme le Gouvernement s'y était engagé, et introduire une modulation suivant les revenus des ménages.

Deuxième problème : 3,7 millions de ménages sont éligibles au chèque énergie. Le Gouvernement veut augmenter son montant de 150 euros à 200 euros, mais cela reste bien trop insuffisant. Selon le CLER-Réseau pour la transition énergétique, il faudrait l'augmenter de 200 à 600 euros par an, soit trois fois plus, et mettre en place la possibilité d'un audit gratuit. En outre, les plafonds pour accéder à ces chèques énergie sont extrêmement bas : ainsi, un foyer de deux personnes doit avoir des revenus inférieurs à 11 550 euros par an – soit moins de 962 euros par mois, ce qui est largement en dessous du seuil de pauvreté – pour y avoir droit.

De son côté, l'Agence nationale de l'habitat est visée par un plafonnement de ses subventions, conformément à l'article 29 de ce PLF. Le produit de la vente aux enchères des quotas de CO2 qui lui est versé est réduit de 130 millions d'euros. Fixé à hauteur de 550 millions d'euros, ce montant sera plafonné à 420 millions d'euros. Il sera prétendument compensé par la hausse des taxes sur les logements vacants, mais le Gouvernement renonce au potentiel d'augmentation par la hausse de la trajectoire carbone.

Enfin, dans le même temps, vous faites le choix de supprimer l'APL – aide personnalisée au logement – accession, et donc l'allocation logement travaux, dans le seul but de faire des économies – une fois de plus, sur le dos des plus précaires. Pourtant, en 2019, la TICPE devrait rapporter au total 37,7 milliards d'euros. Seulement 19 % de cette somme sera directement consacré à la transition énergétique, contre 21 % en 2018 : allez comprendre la logique de cette trajectoire ! 17 milliards retourneront au budget général de l'État, pour financer potentiellement tout et n'importe quoi. Or la transition écologique, et plus particulièrement la transition énergétique, nécessite des investissements publics conséquents. Les besoins d'investissement annuels pour atteindre les objectifs climat se situent entre 45 et 75 milliards d'euros par an de 2016 à 2030. Actuellement, nous ne dépensons que 31 milliards d'euros, répartis à parts égales entre ménages, entreprises et acteurs publics. Le Gouvernement n'investit finalement que 10 milliards d'euros dans cette transition énergétique. Le compte n'y est pas ! Le besoin de financement public est de l'ordre de 10 à 20 milliards d'euros supplémentaires par an pour financer la seule transition énergétique : vous vous y refusez consciemment et obstinément !

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