Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du mardi 30 octobre 2018 à 21h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des comptes publics :

M. Poulliat a évoqué l'apprentissage. Si nous ne retrouvons pas tels quels les 29,8 millions d'euros consacrés l'an dernier, dans le programme 148, à l'apprentissage, parce qu'ils ont été répartis différemment, ils n'en sont pas moins garantis. Nous avons travaillé avec tous les ministères auxquels sont alloués des crédits dédiés à l'apprentissage dans la fonction publique de l'État pour assurer un suivi des recrutements d'apprentis, veiller à la consommation des crédits et voir, en lien avec les schémas d'emploi, comment se répartissent les recrutements, sachant que nous voulons atteindre 10 000 recrutements en 2019 pour continuer la montée en puissance de l'apprentissage dans la fonction publique.

Quant aux contractuels, nous ne voulons pas substituer un modèle de recrutement à un autre et notre objectif est non pas de recourir massivement aux contractuels mais de donner une liberté aux employeurs – et c'est à eux qu'incombera avant tout le choix. L'État continuera à organiser des concours de recrutement, mais nous voulons permettre aux employeurs publics, pour des emplois équivalents à ceux de catégories B et C, de recruter en recourant à des contrats de trois ans renouvelables une fois, plutôt que des contrats d'un an renouvelables une fois, notamment pour des questions d'attractivité – des postes ou des territoires. Nous voulons aussi autoriser des contrats de mission, pour une durée déterminée, pour qu'un employeur public puisse s'adjoindre des compétences particulières le temps que la mission concernée soit réalisée.

Nous voulons aussi assouplir un certain nombre de règles. J'ai ainsi évoqué les dérogations à l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983, qui doivent viser non pas un objectif quantitatif, telle une proportion précise de contractuels, mais donner une plus grande liberté à la fois aux employeurs et à celles et ceux qui, parmi nos concitoyens issus du secteur privé ou qui viennent de finir leurs études, souhaiteraient travailler quelques années au service de l'administration. Nous souhaitons que cela s'accompagne de mesures visant à lutter contre la précarité – j'ai évoqué les contrats courts – et d'un référentiel de rémunération qui tienne compte de la qualification, du poste occupé et des compétences de l'agent contractuel, de manière à éviter un effet inflationniste du recours aux contrats mais aussi de manière à éviter que tel ou tel employeur public ne recoure au contrat pour payer une compétence moins cher que celle qu'il aurait dû payer. Il faut, par ailleurs, toujours conserver à l'esprit l'article 32 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, en vertu duquel les agents ont les mêmes droits, les mêmes devoirs et les mêmes engagements que les agents titulaires. Cela répond notamment à la question de M. Viala. Une illustration de notre volonté de continuer à pratiquer les deux modèles de recrutement vous est donnée par ce que nous appelons le « chantier complémentaire », complémentaire aux quatre premiers, définis à l'occasion du comité interministériel de la transformation publique du 1er février dernier, les organisations syndicales nous ayant demandé de travailler sur l'attractivité des concours et des métiers titulaires. Dans une logique d'extinction des concours, nous n'aurions pas ouvert un cycle de discussions sur la qualité des concours, leur attractivité et leur organisation !

Quant au management, nous avons trois objectifs. Le premier, c'est la formation. Nous voulons lier l'accès à un emploi d'encadrement au suivi d'une formation idoine, car l'exercice de ces responsabilités ne s'improvise pas. Surtout, nous souhaitons donner plus de responsabilités à l'encadrement de proximité. Le Président de la République s'est engagé à une déconcentration managériale, à faire en sorte que celles et ceux qui, au quotidien, encadrent les équipes sur le terrain et dans les services aient plus de latitude, plus de liberté, plus de marges de manoeuvre tant en matière de gestion de leurs services que de pilotage budgétaire de la masse salariale ou de capacité à peser sur les choix de promotion ou de mobilité. Nous prévoyons évidemment les garanties nécessaires – recours, droits collectifs, rôle de l'instance unique que j'évoquais pour fixer des règles de gestion – pour que la souplesse aille de pair avec la protection des droits des agents.

Peut-être faisiez-vous allusion, monsieur Viala, aux postes de directeurs généraux. J'ai dit ma disponibilité, dans d'autres cadres, pour travailler avec leurs représentants non pas sur un statut mais sur une meilleure manière de définir ces postes et ces missions, pour parvenir à une lecture plus partagée des missions des directeurs généraux et secrétaires généraux.

En ce qui concerne l'échelle des rémunérations, un premier chantier sera l'application pleine et entière du programme du protocole « Parcours, carrières et rémunérations » (PPCR) d'ici à 2022. Nous l'avons suspendu en 2018 mais, au cours cette année, nous avons signé la quasi-totalité des décrets et textes d'application nécessaires pour y parvenir. L'intégralité des décrets nécessaires à son application à la fonction publique territoriale et à la fonction publique hospitalière sont signés. Manquent une toute petite dizaine de décrets relatifs à la fonction publique de l'État, qui concernent quelques centaines d'agents appartenant à des corps résiduels en nombre. Ils seront signés au cours des prochaines semaines à l'issue d'échanges interministériels.

Nous aurons à réfléchir à la nature et à la structure même de la rémunération dans le cadre de la mise en oeuvre de la réforme des retraites. À court terme, il n'y a pas, au-delà de l'application de ce protocole, de travail particulier sur l'échelle des rémunérations. Nous voulons simplement un référentiel pour la rémunération des contractuels, puisqu'aujourd'hui, nous en manquons cruellement.

J'en viens à la modernisation des mobilités. L'agence de reconversion que nous voulons créer a vocation à la fois à accompagner celles et ceux de nos agents qui souhaitent aller vers le secteur privé et celles et ceux de nos agents qui souhaitent et qui ont droit à un reclassement dans la fonction publique. Différentes modalités devront le permettre mais cela suppose aussi l'amélioration de toutes les mobilités, et donc un certain nombre d'harmonisations. Ce qui est le plus difficile à harmoniser – nous ne pourrons le faire à court terme –, c'est ce qui relève du régime indemnitaire : d'un employeur public à l'autre, d'un versant à l'autre de la fonction publique, sur un même versant, les régimes indemnitaires ont des niveaux tellement disparates qu'ils en constituent certainement le premier frein à la mobilité. C'est ce qui nous a amenés à décider que l'administration d'origine d'un agent amené à changer d'employeur dans le cadre d'une restructuration prendrait en charge sa rémunération nette, indiciaire et indemnitaire, si son nouveau poste était moins bien rémunéré que le précédent.

Le congé de transition professionnelle est une position statutaire nouvelle qui permettra de proposer à des agents amenés à exercer un nouveau métier, à la suite d'une restructuration ou d'une réorganisation, d'être formés pendant une durée d'un maximum de douze mois en continuant à percevoir la totalité de leur traitement. Le bénéfice de ce congé sera évidemment subordonné à une proposition ferme de poste à occuper, puisqu'il s'agit véritablement d'assurer le passage d'un poste à l'autre. La différence avec le congé de formation professionnelle est grande. Tout d'abord, l'agent sait quel poste il occupera au terme de son congé de transition professionnelle. Ensuite, le congé de formation professionnelle, qui est à l'initiative de l'agent, n'est indemnisé qu'à hauteur de 85 % du traitement indiciaire hors primes, non à 100 % du traitement indiciaire et indemnitaire.

M. Schellenberger m'a interrogé sur la présence de cadres dans les administrations territoriales de l'État. C'est l'un des objectifs que nous visons avec la réforme de la scolarité des instituts régionaux d'administration (IRA). La réforme de la scolarité que j'ai évoquée nous permettra de former chaque année une centaine d'attachés d'administration centrale de plus, et donc de répondre à des besoins exprimés sur le territoire. Par ailleurs, dans le cadre de la réorganisation territoriale des services de l'État, nous veillerons à respecter la circulaire prise le 24 juillet dernier par le Premier ministre. Elle rappelle que, aux yeux du Gouvernement, l'échelon départemental est l'échelon d'intervention pertinent pour les services de l'État. Il s'agit donc de privilégier le maintien d'effectifs et de capacités d'intervention dans les services déconcentrés au niveau départemental ou infradépartemental. Avec la formation de plus de stagiaires au sein des IRA, cela devrait, à terme, répondre à la préoccupation que M. Schellenberger a exprimée.

Aujourd'hui, madame Degois, nous ne connaissons pas précisément l'impact sur le budget de l'État du passage à un système de retraite à points pour l'ensemble des salariés du secteur privé et des agents publics. Votre question n'en souligne pas moins la nécessité de bien articuler la réflexion sur la fonction publique et la réforme des retraites, dont le chantier a été confié au haut-commissaire Jean-Paul Delevoye. Les spécificités de la fonction publique feront l'objet de moments de concertation propres. Nous savons d'ores et déjà qu'il y aura quelques conséquences ou quelques points à éclaircir.

Premièrement, la mise en place d'un système notionnel ou à points à l'échelle d'une carrière remettrait en question la règle du calcul de la pension à partir des six derniers mois de la carrière. Cela implique une réflexion sur le profil de rémunération des agents à l'échelle de toute leur carrière. Le contrat implicite, reposant sur une progression linéaire, avec une rémunération de départ parfois basse, une rémunération de fin de carrière relativement élevée et, surtout, un taux de remplacement plus élevé qu'ailleurs, serait remis en cause. Il nous faut y réfléchir.

Deuxièmement, le haut-commissaire a d'ores et déjà indiqué qu'une des pistes serait l'intégration du régime indemnitaire dans l'assiette de cotisations pour les retraites. Cela me paraît une bonne chose, conforme aux attentes des agents, dont une large partie de la rémunération est constituée de primes. Il faut cependant penser à l'impact que peut avoir l'intégration d'une part importante des primes à l'assiette sur le niveau de cotisation, a fortiori si elles sont soumises au même taux de cotisation ; il faut du temps, il faut prévoir des tunnels de convergence, il faut éviter toute modification brutale de la rémunération. Il faut également penser aux agents qui, au contraire, perçoivent extrêmement peu de primes et méritent peut-être encore plus que l'on réfléchisse au profil de leur rémunération sur l'ensemble de leur carrière. C'est la raison pour laquelle nous concentrons à ce stade nos efforts sur la question de l'individualisation et de la systématisation d'une part variable dans la rémunération de l'ensemble des agents publics. Les hypothèses visant à reconsidérer soit le déroulement des carrières, soit la division de la rémunération en deux blocs, indiciaire et indemnitaire, présentent un caractère tellement structurel qu'elles ne peuvent être évoquées que dans le cadre d'une concertation plus large liée à la mise en oeuvre de la réforme des retraites lorsque celle-ci aura été précisée. Cela fait plutôt partie des chantiers qui nous attendent à moyen et long terme.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.