Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du lundi 29 octobre 2018 à 14h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics :

Tout d'abord, en ce qui concerne l'enveloppe globale et la maîtrise de la trajectoire, je vous le répète : les dotations et le total des concours de l'État aux collectivités sont maintenus. Nous passons de 47,8 milliards d'euros en 2017 à 48,1 milliards d'euros en 2018 et 48,2 milliards d'euros en 2019, et le montant de la dotation globale de fonctionnement est maintenu au même niveau.

L'avis de la Cour des comptes comporte des éléments extrêmement intéressants. Elle écrit notamment que le mécanisme de contractualisation est plus intelligent qu'une baisse unilatérale des recettes. Il y a cependant aussi au moins deux sources d'interrogations, pour ne pas dire de confusion, ou des paradoxes. Ainsi, les dépenses des collectivités sont souvent évoquées sans que ce dont il est question soit précisé. Le contrat de maîtrise de la dépense locale ne porte que sur les dépenses de fonctionnement. De 2014 à 2016, la progression moyenne est inférieure à 1 %. En 2017, elle se situe autour de 1,5 % ou 1,6 %. Par ailleurs, il peut être difficile de respecter la double injonction de la Cour des comptes : à la fois une maîtrise du niveau d'augmentation des dépenses et une prise en compte parfaitement individualisée des différentes collectivités. Parfois, cela suscite en nous quelques interrogations.

Il y a une différence dans l'exécution budgétaire des collectivités signataires et des collectivités non signataires. Lorsque nous considérons, à la fin du mois de septembre 2018, l'évolution des dépenses réelles de fonctionnement des 36 000 collectivités, l'augmentation est de 0,6 %. Dans les 322 collectivités à qui il a été proposé de signer un contrat de maîtrise de la dépense locale, elle est de 0,3 %. Dans les 229 collectivités effectivement signataires, elle est de 0,2 % – contre 0,5 % dans les 93 collectivités non signataires. Il y a donc une différence entre l'ensemble des collectivités et ces 322, et, ensuite, au sein des 322, entre les signataires et les non-signataires.

Paul Molac et Christine Pires Beaune ont évoqué une clause de revoyure. Au printemps prochain, ce sera la première période d'évaluation des contrats, qui permettra donc d'examiner la première année d'exécution. Jacqueline Gourault et moi avons dit en comité de suivi que si clause de revoyure il devait y avoir, il nous paraissait plus utile de la prévoir après l'examen du premier exercice achevé plutôt qu'au cours de l'examen du premier exercice – si nous devions y travailler, par exemple, dès cette semaine. C'est la raison pour laquelle nous avons renvoyé la période d'examen à l'année prochaine, avec un certain optimisme, car les chiffres que je viens d'évoquer nous laissent penser que l'immense majorité des collectivités signataires seront plutôt dans une situation favorable au regard des engagements pris. Il est en effet plus facile de réfléchir à une clause de revoyure lorsque le contrat est tenu et qu'il n'y a pas de mécanisme de reprise que s'il y en a un, la détermination du niveau de reprise suscitant évidemment des tensions.

Madame la députée Pires Beaune, je crains une petite confusion à propos des accords locaux. Nous les envisageons plutôt sous l'angle de la décision rendue par le Conseil constitutionnel à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par la commune de Salbris, décision qui a déterminé la composition des conseils communautaires. Une proposition de loi sénatoriale, portée alors par Jacqueline Gourault, apporte des réponses que certains jugent parfois insuffisantes. Nous avons jusqu'aux prochaines élections pour voir s'il peut y avoir des améliorations, avec une obligation : respecter cette décision dite « QPC Salbris » rendue le 20 juin 2014 par le Conseil constitutionnel et ne pas aggraver les problèmes tenant au respect de l'égalité des suffrages.

Quant au suffrage universel, le Premier ministre a eu l'occasion de le dire : à ses yeux, les intercommunalités pour lesquelles une forme de suffrage universel doit être envisagée étaient plutôt les collectivités à statut particulier – en l'occurrence, Lyon, collectivité à propos de laquelle des dispositions législatives ont été prises par ordonnances et ratifiées. Il a indiqué qu'il s'inscrivait dans la même perspective pour de nouvelles collectivités qui verraient le jour sous cette forme.

Je n'ai pas l'information que vous souhaitez sur le produit des amendes. Nous regarderons cela. S'agissant des simulations, M. Lecornu pourra vous donner les garanties nécessaires.

M. Philippe Dunoyer m'a interrogé sur les réorganisations territoriales et l'évolution des crédits ouverts en DSIL. Vous avez raison, monsieur le député : cette mission ne retrace qu'une faible part des concours financiers de l'État aux collectivités, puisque nous parlons de moins de 4 milliards d'euros, sur un montant global de 48 milliards d'euros. Nous pourrions même ajouter un certain nombre de compensations et d'autres concours pour arriver à près de 100 milliards d'euros de transferts entre l'État et les collectivités.

Sur la DSIL, l'évolution des crédits de paiement entre 2018 et 2019 tient au fait que c'est en 2018 qu'ont été conclus les contrats de ruralité. Ces contrats ont bénéficié de financements, certains ont été soldés, ce qui expliquent cet écart conjoncturel. De même, il y a un écart au niveau de la mission, qu'on ne retrouve pas au niveau des concours globaux, lié aux 250 millions d'euros versés aux régions que j'évoquais tout à l'heure.

Il est prévu que le projet de loi de finances rectificative portant réforme de la fiscalité locale soit adopté au cours du premier semestre de l'année 2019. Nous avons donc quelques semaines pour mener à bien la concertation sur les différents scénarios, notamment celui évoqué par la mission conduite par MM. Alain Richard et Dominique Bur, mais aussi tous les scénarios alternatifs possibles, auxquels nous restons ouverts. Nous voulons aboutir au premier semestre de l'année 2019, en vue d'une application après l'année 2020, à la suite de la première période transitoire de suppression de la taxe d'habitation. Il s'agit avant tout de permettre aux candidats aux élections municipales, et donc communautaires de 2020, de savoir dans quel cadre financier inscrire la préparation de leur programme et leur action. Il s'agit aussi de permettre à l'ensemble de nos services de préparer la mise en place de la réforme. Nous n'aurons pas trop de plus d'un an et demi pour mettre en place cette réforme ; il est plus prudent de prévoir ce délai.

Quant aux questions liées à la taxe professionnelle, nous retrouvons, monsieur le député de Courson, le même débat que sur les variables d'ajustement, avec la volonté d'une répartition entre les différentes strates. Pour les départements, de manière assez traditionnelle, c'est sur cette dotation de compensation qu'est prise l'enveloppe dite des variables d'ajustement.

La piste de la CVAE a été évoquée pour compenser la perte des recettes de taxe d'habitation aux intercommunalités, avec le risque, cependant, que cela ne bloque une éventuelle réforme de la CVAE. A aussi été évoquée, a contrario, la crainte qu'une affectation d'une fraction de la fiscalité nationale ne soit contraire à l'esprit de l'intercommunalité et du transfert de compétences. Les élus intercommunaux doivent avoir un débat sur le choix de cette ressource de remplacement. Faut-il une fraction d'un impôt national ou un impôt dit « territorialisable » ? Pour prendre une décision éclairée, il faut conserver deux éléments à l'esprit. Tout d'abord, la territorialisation d'un impôt, comme la CVAE ou la TICPE, impose la mise en place de mécanismes de péréquation pour éviter de renforcer les inégalités entre territoires au dynamisme inégal. Ensuite, à l'aune de l'expérience des régions, nous savons que la TVA est extrêmement dynamique – sa trajectoire actuelle est ainsi bien supérieure à celle qui était prévue en 2017 –, tandis que la trajectoire de la CVAE est beaucoup plus volatile. Ainsi, le produit de la CVAE a progressé de 4,3 % en 2017 mais de moins de 1 % en 2018. Comme tous les élus communautaires le savent, les recettes de CVAE sont fortement imprévisibles.

Des questions, posées notamment par M. Savatier et Mme Louwagie, ont porté sur l'évolution de la DGF en 2018 et la crainte de possibles variations en 2019. Nous sommes beaucoup plus sereins pour 2019. En effet, pour la partie péréquation, la dotation est déterminée par le potentiel financier des communes et des intercommunalités, l'accès à la DSU, à la DSR et à la DSR « cible ». Or le potentiel financier de la commune tient compte à la fois des indicateurs de la commune et de ceux de l'intercommunalité d'appartenance. Cela signifie qu'en 2017, dernière année de baisse des enveloppes globales, ces dotations ont été réparties sur la base du potentiel financier de 2016, soit du dernier exercice connu. En 2018, les dotations ont été réparties sur la base du potentiel financier de 2017, mais, le 1er janvier 2017, la carte de l'intercommunalité a été profondément modifiée, ce qui a très fortement affecté le potentiel financier des communes concernées, notamment celles de la communauté urbaine du Grand Poitiers. Pour 2019, l'absence presque totale de mouvements au sein des intercommunalités appelle plus de sérénité. Les évolutions de potentiel financier tiendront donc quasi uniquement à l'évolution des indicateurs économiques et non à une évolution artificielle liée à un changement de périmètre. La stabilité devrait ainsi être plus grande. En tout état de cause, le CFL peut se saisir de ce sujet comme du montant de l'augmentation de la DSU ou à la DSR dans le cadre de l'enveloppe normée, et qui a un impact sur les variables. Il serait peut-être utile qu'un travail soit effectivement mené pour voir dans quelles conditions les communes peuvent perdre le bénéfice d'une dotation de péréquation. En matière de DSU, un mécanisme de sortie en sifflet joue un rôle assez protecteur pour « limiter la casse » lorsque les critères d'éligibilité ne sont plus remplis. Peut-être serait-il utile de faire ce travail au moins pour la DSR « cible ». Le CFL n'avait pas poussé plus loin cette réflexion lorsque nous avions supprimé l'effet d'escalier pour la DSU, notamment la part « cible » de cette dotation.

Sébastien Lecornu pourra rassurer M. Saulignac à propos des fonds attribués à l'Aude.

Il est vrai que FPIC et FSRIF restent au même niveau que l'année précédente, un problème de soutenabilité se posant pour les communes contributrices. Le débat aura lieu comme chaque année, au moins à propos du FSRIF – c'est peut-être là qu'il y a le plus d'inégalités. Quant aux compensations, nous en avons déjà débattu à plusieurs reprises. Je me rappelle les interventions de la précédente rapporteure générale, Valérie Rabault, qui avait demandé et obtenu un rapport. Je crains, pour finir sur une note pessimiste, qu'il ne s'écoule un peu de temps avant qu'un gouvernement, quel qu'il soit, ne soit en mesure, budgétairement, de verser l'intégralité de ce qu'il devrait verser sous forme de compensation. Les dégrèvements, compensations et suppressions d'impositions locales qui ont fait l'objet d'une compensation avant que celle-ci n'intègre les variables d'ajustement ont été tellement nombreux, en effet, depuis trente ans que le chemin sera long avant de pouvoir rétablir l'équilibre.

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