Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mardi 6 novembre 2018 à 18h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse :

Nous allons, bien entendu nous efforcer de répondre à toutes vos questions mais, il est important de le préciser, le projet de loi pour l'école de la confiance permettra de répondre à certaines des attentes que vous formulez et de prolonger certains débats extrêmement importants qui peuvent appeler des évolutions juridiques.

Madame la rapporteure pour avis, je vous remercie, tout d'abord, pour votre propos liminaire. Vous m'avez interrogé sur l'utilisation des 2 325 postes supplémentaires que nous créons dans le premier degré. Ces postes devant élèves font mieux que compenser la baisse démographique, qui a été soulignée par plusieurs d'entre vous et qui se traduira, à la rentrée prochaine, par une diminution de 60 000 élèves à l'école primaire. Si nous avions une vision purement comptable de la question, nous aurions dû, en conséquence, supprimer des postes – 3 000 si l'on se fonde sur un effectif de vingt enfants par classe dans le premier degré. Au lieu de cela, nous en créons 2 325 ; nous créons donc, de fait, 5 325 postes. J'ajoute qu'en améliorant la gestion de nos moyens – je pense à la façon dont nous allons organiser le remplacement –, nous dégagerons, pour l'année prochaine, des marges de manoeuvre. Nous atteindrons ainsi aisément les 3 900 créations de postes nécessaires au dédoublement.

À ce propos – je réponds, ici, à une question qui m'a été posée sur l'irréversibilité du dispositif –, je précise que nous parvenons à un plateau, puisque 300 000 élèves sont désormais concernés. Rentrée après rentrée, le dispositif atteindra sa maturité. Il est important de l'indiquer car celui-ci va s'inscrire, d'une certaine façon, dans le paysage de l'école primaire. En tout état de cause, le Gouvernement ne reviendra pas en arrière, non plus, j'ai tendance à le penser, qu'aucun autre gouvernement, pour des raisons que vous comprenez tous aisément et qui tiennent aux évaluations positives, je l'espère, dont le dispositif fera l'objet.

Je dirai même mieux : on constate un effet de contagion – je réponds ici à plusieurs questions qui ont été posées sur la ruralité –, au-delà des REP et REP+, du raisonnement qui a conduit au dédoublement. Les esprits sont en effet peu à peu conquis par l'idée selon laquelle il est important que le taux d'encadrement soit favorable, notamment dans les premières années de la scolarité, et par le raisonnement qualitatif lié à cette préoccupation. Ainsi, en milieu rural, où le taux d'encadrement est souvent supérieur, une approche qualitative permet à l'école primaire rurale d'être meilleure que la moyenne des écoles primaires de France. En effet, le nombre d'élèves par classe est en moyenne de quatorze dans le Cantal, de quinze en Vendée, de seize en Lozère, et ce de la petite section jusqu'au CM2.

Que faisons-nous de positif de cette situation ? Telle est la question qualitative qui nous est posée et à laquelle de très bonnes réponses ont souvent été apportées, et depuis longtemps – on a cité l'exemple de la Haute-Saône. C'est à cette réflexion sur notre manière d'utiliser les moyens que nous invite, en quelque sorte, la mesure relative au dédoublement. Dans l'académie de Reims, par exemple, certaines classes hors REP sont actuellement dédoublées, car c'est ainsi que l'académie a géré ses moyens compte tenu des taux d'encadrement favorables qui sont les siens. Ces exemples permettent de lier la question quantitative, qui va se stabiliser à l'occasion de la prochaine rentrée, avec les enjeux qualitatifs, c'est-à-dire l'ancrage des savoirs fondamentaux.

Mme la rapporteure pour avis m'a interrogé sur les conséquences de la réforme du baccalauréat sur l'organisation de l'enseignement et des emplois. Il n'y a pas d'impact quantitatif car, l'an prochain, la démographie de l'enseignement secondaire évoluera surtout à l'âge du collège et beaucoup moins à l'âge du lycée. En revanche, les évolutions sont très importantes d'un point de vue qualitatif – elles sont mesurables, mais pas toujours au centimètre près, si je puis dire. L'implantation des spécialités aboutit à des évolutions très intéressantes des ressources humaines dans les lycées. Ce matin, j'étais dans l'académie d'Orléans-Tours devant des proviseurs très en avance dans leur capacité à prévoir les spécialités qui seront installées officiellement au mois de janvier prochain dans tous les lycées de France. Le travail qu'ils font conduit évidemment à des plans pour que les ressources humaines soient adaptées. J'en veux pour preuve notre capacité à assurer la spécialité nouvelle « numérique et sciences informatiques », de même que l'enseignement scientifique commun qui est dans le bloc commun pour toutes les élèves. Cela amène certains professeurs à faire actuellement de la formation continue intensive en vue d'obtenir une « valence » informatique. C'est la même chose dans l'enseignement professionnel. Le fait que nous ayons annoncé que nous allions fermer certaines sections dans des domaines peu attractifs et en ouvrir dans d'autres domaines entraîne bien évidemment des plans de formation continue volontaristes, ce qui représente une chance à la fois pour notre système, pour nos élèves et pour nos professeurs. C'est le discours que je tiens devant tous les proviseurs et dans tous les rectorats de France.

Ce qu'a dit Mme la rapporteure pour avis est extrêmement intéressant et va nourrir les réflexions que nous aurons sur le rebond de l'école rurale en France. Tout à l'heure, M. Bournazel s'est inquiété de la baisse démographique dans les écoles rurales et à Paris. Si la diminution du nombre d'élèves crée un contexte favorable dans la mesure où les augmentations budgétaires nous permettent de rattraper des retards, elle nous interpelle d'un point de vue plus structurel. Nous devons contribuer à un rebond démographique, me semble-t-il, notamment en milieu rural. À cet égard, l'école peut faire partie, avec le haut débit et un certain nombre d'autres sujets, des éléments de ce rebond auquel nous devons nous atteler. Certaines écoles sont déjà extrêmement dynamiques en la matière et, comme l'a dit M. Reiss, nous ne devons pas avoir en tête un modèle unique, mais une vision à géométrie variable qui soit fonction des réalités que nous rencontrons. Par exemple, le rapprochement entre l'école et le collège en milieu rural peut être très fructueux, redynamisant, de même que la revitalisation des internats de collèges dont nous reparlerons au cours des prochaines semaines.

Le rapport Azéma-Mathiot et le travail que vous présentez, madame la rapporteure, contribueront à l'évolution de nos réflexions en la matière, notamment sur l'éducation prioritaire dont il a été question à plusieurs reprises dans vos questions – je pense à ce qui vient d'être dit sur les écoles « orphelines ». Il faut pouvoir remettre à plat la question de l'éducation prioritaire pour avoir une vision complète et systémique du milieu rural, du milieu urbain et de la difficulté scolaire dans notre pays. Ces sujets, qui sont encore devant nous, doivent nous permettre de tenir des discours d'espoir pour nos banlieues et nos milieux ruraux qui se sentent en déperdition, et aussi pour nos villes moyennes, autrement dit pour ce qu'on a parfois appelé la France périphérique, car nous avons une véritable visée pour l'école dans ces territoires. Nous attendons beaucoup du rapport Azéma-Mathiot. Reste à savoir comment nous allons, avec votre aide à tous, avec l'apport intellectuel et la part d'expérience que vous représentez, emprunter ce chemin pour donner plus à ceux qui ont besoin de plus, mais de manière toujours plus fine, toujours plus subtile, en ayant une réflexion à la fois au niveau du territoire et à celui de l'élève.

Beaucoup de questions ont été posées sur le Service civique et le Service national universel. C'est Gabriel Attal qui va vous répondre sur ces deux sujets. Je reprendrai ensuite la parole sur les questions scolaires.

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