Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du mardi 6 novembre 2018 à 8h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Nicole Belloubet, ministre de la Justice, garde des Sceaux :

Je suis d'accord avec vous.

En ce qui concerne l'aide juridictionnelle, j'ai indiqué que nous faisons un travail avec les avocats.

Quant à la spécialisation au sein des cours d'appel, sur laquelle M. Houbron m'a interrogée, je rappelle qu'il s'agit d'une expérimentation. Elle ne sera possible qu'en matière civile, dans des domaines listés par un décret en Conseil d'État que j'aurai l'occasion de préciser plus tard dans le cadre de nos échanges. Les spécialisations auront lieu en fonction de la technicité et de la volumétrie des affaires.

L'expérimentation que nous proposons en lien avec les caisses d'allocations familiales permettra une harmonisation des réponses et une plus grande rapidité pour des femmes souvent confrontées à des difficultés. Par ailleurs, un recours devant une juridiction sera toujours possible en cas de contestation.

Deux dispositions figurant dans le projet de révision constitutionnelle permettront de renforcer l'indépendance des membres du parquet : ils seront nommés sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, auquel le pouvoir disciplinaire sera par ailleurs confié entièrement.

En réponse à Mme Degois, je voudrais préciser que nous avons beaucoup travaillé avec le ministère de l'intérieur sur la question des outils technologiques destinés aux forces de l'ordre. La procédure pénale numérique « native » est un outil qui facilitera leur travail. Nous envisageons, comme l'a prévu un amendement, d'aller dans le sens d'une oralisation limitée à un seul stade de la procédure d'enquête. Tout le dispositif relatif à l'enquête a fait l'objet d'un travail avec les forces de l'ordre, et il permet de répondre à des attentes fortes, même si ce n'est sans doute pas suffisant. J'ai toujours veillé à l'équilibre entre les attentes des forces de l'ordre et le respect des garanties et des libertés individuelles.

Quant à une extension de la forfaitisation à de nouvelles infractions, je ne suis pas fermée a priori à cette idée, mais il faudra que nous en discutions davantage.

En réponse à MM. Diard et Breton, qui ont évoqué la violation du secret de l'instruction, je voudrais dire que je suis très choquée, moi aussi, lorsqu'une partie d'une procédure est retranscrite dans la presse dès le lendemain. Nous savons très bien qu'une telle violation peut avoir été commise par plusieurs parties, que je ne citerai pas. Je ne suis pas fermée, là encore, à l'idée de travailler sur ce sujet avec ceux qui le souhaiteraient, étant entendu qu'il faudra être vigilant sur ce que nous pourrions proposer dans le cadre de la loi : on doit être très attentif à la liberté de la presse et au travail des avocats.

L'interdiction de paraître, qui a été mentionnée par Mme Guerel, sera étendue. Elle sera désormais possible dans le cadre de la composition pénale, ce qui rendra les choses plus simples. C'est le procureur de la République qui proposera cette mesure, mais il reviendra évidemment à un juge du siège de la valider. Il y a, en effet, dans l'interdiction de paraître, une atteinte à la liberté d'aller et venir : seul un juge peut en décider, c'est une question de constitutionnalité. Ceux qui en doutaient peuvent constater que je suis très attentive à cet aspect.

Vous m'avez demandé, madame Fajgeles, comment garantir l'équilibre entre la protection et la simplification. Pardonnez-moi si je ne réponds pas très longuement à cette question, car nous aurons l'occasion d'y revenir mesure par mesure. Je voudrais simplement rappeler que les membres du parquet qui interviennent pour donner des autorisations sont des magistrats, et que les juges des libertés et de la détention sont des juges du siège. Par ailleurs, nous avons strictement limité les champs concernés lorsque nous proposons des extensions : s'agissant des techniques spéciales d'enquête, par exemple, nous ne le faisons que pour les crimes. Nous avons essayé de maintenir un équilibre entre l'efficacité et les garanties.

Je ne suis pas bloquée sur le montant de l'amende forfaitaire, que M. Poulliat trouve trop élevé. C'est un sujet dont nous pourrons discuter.

Je ne reviens pas sur la question du secret de l'instruction, monsieur Breton. Pour ce qui est des fouilles en détention, je crois que vous nous proposerez des évolutions par voie d'amendement, à la suite du rapport dont vous êtes l'auteur avec M. Houbron. Nous serons favorables à ces propositions, et je vous remercie pour le travail que vous avez réalisé. Il a correspondu, au moment nécessaire, à une attente très forte des personnels pénitentiaires. Les mesures que nous pourrons prendre permettront d'y répondre.

Monsieur le député Morel-À-L'Huissier, vous m'interrogez sur le lien entre le pénal et l'administratif. Il me semble que l'articulation est la suivante : le juge pénal est pleinement souverain dans l'appréciation de la légalité d'actes administratifs tels que les plans locaux d'urbanisme (PLU) ou les permis de construire ; le juge administratif annule les actes administratifs illégaux. En matière d'urbanisme, il est essentiel que le juge administratif se prononce vite, c'est pourquoi des procédures accélérées sont souvent prévues et la possibilité de soulever des moyens de légalité externe est encadrée. Lors d'une récente visite au tribunal administratif de Nice, que j'ai effectuée en compagnie du vice-président du Conseil d'État, j'ai annoncé la création d'une nouvelle cour administrative d'appel en Occitanie, la neuvième de France. Cette nouvelle juridiction permettra de réduire les délais en diminuant la charge des autres cours administratives d'appel. Ce ne sont que de brefs éléments de réponse sur un sujet qui mériterait des développements plus affinés.

Monsieur le député Ciotti, vous m'interrogez sur la délinquance des mineurs. Au cours des débats, j'aurai l'occasion de vous donner des chiffres pour essayer d'objectiver la réalité. Quoi qu'il en soit, vous avez raison : c'est une préoccupation majeure de nos concitoyens et il est important de pouvoir y répondre. Vous me demandez de modifier l'ordonnance de 1945, de créer un code pénal pour les mineurs et des sanctions plus affermies – ce n'est pas le terme que vous avez employé mais l'idée est celle-là.

L'ordonnance de 1945 mériterait sans doute un balayage d'ensemble car, revue à de nombreuses reprises, elle est devenue assez incohérente. Il ne me semblerait pas absurde de la reprendre pour lui redonner une structure et, le cas échéant, effectuer certains ajouts. D'ailleurs, des députés et des sénateurs travaillent sur ce sujet.

Quand ils évoquent de nouvelles sanctions, certains proposent l'abandon de l'atténuation de responsabilité pour les mineurs. En fait, je n'y suis pas favorable. L'atténuation de responsabilité joue différemment selon les âges : pour un mineur de treize à seize ans, elle s'impose au juge et permet de diminuer par deux la sanction encourue ; pour un mineur de seize à dix-huit ans, elle n'est qu'une simple faculté pour le juge qui, s'il motive sa décision, peut ne pas l'appliquer. Résultat, notre politique de sanctions ne peut pas être taxée de laxiste. Au moment où nous parlons, monsieur le député, plus de 900 jeunes sont incarcérés dans des établissements pour mineurs.

En revanche, il me semble que nous devons travailler ensemble à l'amélioration de la mise en oeuvre opérationnelle des mesures. Pour être crédible, la justice doit être rapide à l'égard des mineurs. Une modification de la loi me semble moins importante que la rapidité de sa mise en oeuvre opérationnelle. Cette rapidité a été effective à l'égard de l'élève du lycée Edouard-Branly de Créteil qui avait braqué une arme factice sur une enseignante, ce qui est absolument indigne. Dès le lendemain des faits, le jeune avait été mis en examen. Le surlendemain, il avait été éloigné avec interdiction de paraître et placé sous contrôle judiciaire en attendant son jugement. Deux autres élèves, qui avaient notamment filmé la scène, ont aussi été mis en examen. Nous devrions être en mesure d'agir avec la même rapidité face à toutes les incivilités, à toutes les infractions. C'est ce à quoi je veux m'attacher plus qu'à une modification du texte même si je pense qu'il serait utile de revoir l'ordonnance de 1945 et, à l'occasion, d'y apporter les compléments nécessaires. Voilà ce que je souhaitais vous répondre, monsieur le député.

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