Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du mercredi 7 novembre 2018 à 14h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Je voudrais prendre quelques instants pour présenter la problématique générale et l'ambition de cet article, afin de ne pas avoir à y revenir à chaque amendement.

Les plateformes de résolution de litiges en ligne existent. C'est une réalité. Pour nous, il n'est nullement question d'ouvrir un nouveau marché ou d'empiéter sur le service public de la justice. Ces plateformes existent, se développent, se multiplient. Elles n'ont pas attendu que les pouvoirs publics s'y intéressent pour prendre une part de plus en plus importante du marché. Peut-être connaissez-vous des gens qui sont déjà allés sur ces plateformes. Pour ma part, j'en connais beaucoup. Ils vont voir, par exemple, s'ils ont une chance de gagner dans un litige.

Nous avons pris le parti de ne pas nier cette réalité. Nous avons fait le choix d'accompagner ce développement, de le réguler et de le sécuriser – deux mots-clés que je voudrais mettre en exergue. En régulant et en sécurisant, nous voulons restaurer un climat de confiance dans ce domaine. Notre but est de ne pas laisser au seul libre marché, le contrôle de la qualité de la prestation proposée. Au fond, nous cherchons à réguler cette jungle.

Pour ce faire, le projet de loi de réforme de la justice prévoit deux choses : une série d'obligations à respecter dans toutes les hypothèses ; une certification facultative.

Toutes les plateformes qui proposent des services en ligne seront soumises aux obligations suivantes : la protection des données à caractère personnel ; l'obligation d'information sur le déroulement de la résolution amiable ; les obligations de diligence, de compétence, d'indépendance, d'impartialité, de procédure équitable et, sauf accord des parties, de confidentialité. Tout cela est écrit dans le texte que nous vous proposons. Je rappelle que l'article 226-13 du code pénal, qui sanctionne l'atteinte au secret professionnel, leur est également applicable. Nous avons réaffirmé ces obligations.

Quant à la certification facultative des plateformes de résolution amiable des différends, elle nous semble être la meilleure solution pour contrôler leur bonne application sans contrarier le principe à valeur constitutionnelle de liberté d'entreprendre. Dans cette optique d'encadrement et de protection, il est prévu que la résolution amiable en ligne ne pourra pas exclusivement résulter d'un traitement algorithmique. En cas d'utilisation d'un algorithme, la plateforme doit en informer les parties et recueillir leur accord.

Le texte que nous vous proposons résulte d'un travail avec les avocats, qui ont émis une série de critiques. Deux précisions ont été apportées afin qu'ils ne voient pas dans ces « legal tech » de potentiels concurrents. D'une part, il est rappelé que les actes d'assistance ou de représentation nécessitent le concours d'un avocat, la profession ayant le monopole de ces actes. D'autre part, l'utilisateur doit être informé de l'identité des avocats intervenant pour chacun des actes d'assistance ou de représentation qu'ils accomplissent et de celle des professionnels habilités et autorisés à donner des consultations juridiques ou à rédiger des actes sous seing privé. Autrement dit, dès qu'une prestation nécessite l'acte d'un avocat ou d'un membre d'une profession réglementée, cela doit être mentionné ainsi que l'identité de l'intervenant. Nous avons apporté ces précisions à la demande des avocats.

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