Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du lundi 12 novembre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2018 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Ce projet de loi de finances rectificative est à la fois traditionnel et novateur. Il est traditionnel en fin d'exercice d'ajuster les prévisions budgétaires en fonction des données constatées en cours d'exécution. Cela permet au Parlement de porter une appréciation et d'être pleinement informé sur les données budgétaires de l'exercice en cours, sans attendre la loi de règlement.

Cette année, nous pouvons constater que l'amélioration de nos finances publiques est plus rapide que prévu. Le déficit budgétaire est réactualisé à 80 milliards d'euros, en amélioration de 5,7 milliards par rapport à la loi de finances initiale. La dépense est tenue, avec une ouverture nette de crédits de seulement 80 millions sur le budget général. Le déficit public va se réduire à 2,6 % du PIB alors que la loi de finances initiale et la loi de programmation des finances publiques le prévoyaient à 2,8 %. En résumé, le rétablissement de nos comptes publics se poursuit durant l'exercice 2018 avec un retour durable sous la barre des 3 % de déficit public, comme en témoigne la sortie de la France de la procédure pour déficit excessif. C'est le message politique principal de ce collectif : alors que beaucoup en doutaient l'an dernier, le déficit public continue de baisser et s'éloigne de la barre des 3 % du PIB.

Ce projet de loi de finances est également novateur. Pour la première fois depuis 1985, il permet d'éviter qu'un décret d'avance ne soit pris pour réaliser les ajustements budgétaires en cours ou en fin de gestion, c'est-à-dire sans autorisation parlementaire. C'est un progrès considérable pour les droits du Parlement : plutôt que d'être soumise à un simple avis consultatif, la copie du Gouvernement doit, en effet, en obtenir l'autorisation du Parlement. Pour cela, le PLFR se limite aux aspects budgétaires et ne contient aucune disposition fiscale. Je m'en félicite ; je l'avais demandé, comme nombre d'entre vous, sur tous les bancs, et plusieurs de mes prédécesseurs.

Le calendrier est resserré, mais il reste parfaitement compatible avec l'objet du texte. Les neuf articles du projet de loi contiennent soit des ajustements budgétaires, soit des dispositions qui doivent, de manière impérative, figurer dans une loi de finances en vertu des règles fixées par la LOLF. Contrairement aux années précédentes, il ne comporte aucune disposition complexe qui nécessite du temps pour être analysée. Même si je peux déplorer, avec vous, que nous n'ayons pas eu plus de temps pour l'examiner, je soutiens donc sans état d'âme et avec conviction, sur le fond, ce recentrage du PLFR de fin d'année. Cette évolution s'inscrit d'ailleurs dans le contexte de réforme des modalités d'examen des lois de finances, dont l'objectif était de parvenir à une meilleure gestion du temps et à une meilleure organisation de la discussion parlementaire.

Les deux premières étapes de cette réforme ont été mises en oeuvre dès cette année, à droit constant, en attendant la révision de la Constitution et de la LOLF. La première étape a été réalisée à l'initiative de la commission des finances de l'Assemblée nationale, avec la mise en place du printemps de l'évaluation. Nous avons renforcé l'examen de la loi de règlement pour mettre l'accent sur les résultats effectifs des politiques publiques, dont nous n'avions pas le temps de parler durant l'automne. Désormais, au printemps, on évalue ; à l'automne, on décide pour l'année à venir. Auparavant, on essayait de faire les deux en même temps, ce qui n'était pas rationnel.

La seconde étape de la réforme est réalisée à l'initiative du Gouvernement avec le recentrage du PLFR sur les seules dispositions budgétaires. Ce changement permet d'opérer une distinction claire entre le projet de loi de finances initiale, qui porte la politique fiscale et les mesures budgétaires de l'année à venir, et le PLFR, qui se concentre sur l'ajustement budgétaire de fin de gestion. Cette clarification entre le PLF et le PLFR de fin d'année, qui avait été appelée de ses voeux par le groupe de travail sur la réforme budgétaire réuni par notre commission, permet d'améliorer la lisibilité des débats budgétaires de l'automne.

Au fil des ans, le collectif de fin d'année était, en effet, devenu au mieux un projet de loi de finances bis, un PLF de rattrapage, au pire le déversoir de mesures fiscales qui n'avaient été ni préparées ni arbitrées dans un temps suffisant pour figurer dans le PLF, sorties des placards de Bercy. Le Parlement ne disposait alors que d'une dizaine de jours pour examiner des dispositifs fiscaux très complexes. Ainsi, progressivement, le PLFR était devenu le symbole de la mauvaise législation, car examiné dans des délais incompatibles avec un travail sérieux – un texte lourd de dispositions ambiguës, gros de risques contentieux.

Je voudrais que tout le monde ait conscience que la discussion budgétaire se déroule cette année dans des conditions objectivement beaucoup plus respectueuses du Parlement. Auparavant, nous discutions des mesures fiscales dans deux textes séparés. Nous disposions de très peu de temps pour traiter celles du PLFR, et les ajustements budgétaires étaient réalisés par un décret d'avance sur lequel nous ne pouvions que donner un avis consultatif. À partir de cette année, le Gouvernement s'est astreint à présenter toutes les mesures fiscales dans le PLF, ce qui nous laisse plus de temps pour les examiner et nous permet de nous prononcer sur les ajustements budgétaires, voire de les amender dans le cadre d'un PLFR recentré.

Je souhaite la réussite de cette réforme. Cela implique de promulguer le PLFR au tout début du mois de décembre, afin de garantir les payes de décembre, dont la pré-liquidation intervient au début du mois. Nous devons donc nous obliger à une discipline collective : le Gouvernement doit tenir son engagement de limiter le contenu du PLFR aux aspects budgétaires et s'abstenir de déposer des amendements extra-budgétaires ; quant aux parlementaires, ils doivent réserver leurs amendements fiscaux au PLF, en discussion au même moment.

Je donnerai donc systématiquement un avis défavorable, avec un argumentaire bref, à tous les amendements qui relèvent du PLF. Beaucoup ont d'ailleurs déjà été vus dans le cadre du débat sur la première partie, ou en commission sur la seconde partie. D'autres, dont certains relevant des articles non rattachés, le seront en séance sur la seconde partie. Pour ces raisons, les amendements fiscaux que certains groupes ont redéposés en masse me paraissent démontrer une volonté de ralentir la discussion, voire représenter une forme d'obstruction.

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