Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du lundi 12 novembre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2018 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

En raison du surcoût, pourtant prévisible, d'opérations extérieures qui ont largement excédé l'enveloppe initialement prévue au titre de la mission « Défense », le Gouvernement a décidé d'annuler plus de 404 millions d'euros de crédits du budget des armées dans ce projet de loi de finances rectificative. Or, si la loi de programmation militaire 2014-2019 avait été respectée, la prise en charge de ces surcoûts aurait dû être assurée par un financement interministériel. Le Gouvernement, avec cet insupportable coup de rabot, enfreint un usage en vigueur depuis plus de dix ans qui vise à éviter de puiser dans les crédits d'équipement des armées.

Cette initiative est d'autant plus inacceptable que la nouvelle loi de programmation militaire 2019-2025, votée il y a quelques mois à peine, réaffirme le principe du financement interministériel au-delà de la dotation initiale. C'est la parole de l'État qui est remise en cause dans ce PLFR. En totale contradiction avec l'engagement du Président de la République en tant que chef des armées, engagement inscrit dans la loi de programmation militaire, ce reniement est un formidable coup de massue asséné sur la tête des forces en charge de la défense de nos concitoyens. Sans compter qu'avec 3 % des crédits d'équipement rayés d'un trait de plume, c'est l'indispensable modernisation des armées qui se trouve menacée. Aussi les députés du groupe Les Républicains ont-ils déposé un amendement, qui sera soutenu par François Cornut-Gentille, visant à rétablir les crédits annulés de la mission « Défense », au nom du respect de l'article 4 de la loi de programmation militaire.

Enfin, s'agissant de la situation des 30 000 réservistes de la gendarmerie nationale envoyés sur le terrain depuis septembre 2018, je regrette que ce projet de loi de finances rectificative ne prévoie pas l'augmentation des crédits indispensable au financement de cette nouvelle masse salariale. Il n'est pas admissible que des femmes et des hommes qui ont décidé de donner de leur temps afin de pallier les besoins croissants de la gendarmerie ne perçoivent leurs soldes qu'en 2019, soit avec plus de quatre mois de retard. Le programme 152 de la mission « Sécurités » aurait pourtant pu corriger la situation pour que le paiement de ces soldes intervienne en 2018.

Au terme de ce bilan non exhaustif des nombreuses erreurs commises par le Gouvernement, il m'apparaît important d'aborder la question des solutions. Car si la France est malade, les remèdes existent. À condition d'avoir le courage de les administrer… Il est possible d'interrompre le cercle vicieux du décrochage et de conserver notre rang parmi les grandes puissances européennes.

Afin de relancer la croissance et le pouvoir d'achat des Français, l'assainissement des dépenses publiques est une étape indispensable. En effet, seul un allégement massif de la fiscalité qui écrase aujourd'hui nos entreprises pourra redonner des couleurs aux forces vives de notre pays. C'est pourquoi Les Républicains proposent 20 milliards d'économies budgétaires, pour en finir avec l'excès des dépenses publiques. C'est un préalable indispensable pour assainir nos comptes publics et nous redonner des marges de manoeuvre afin de pouvoir, ensuite, baisser les impôts. Sans baisse de la dépense, toutes les promesses de baisse d'impôts ne sont qu'illusion. Les Français le savent. Ils vont en avoir confirmation avec la suppression de la taxe d'habitation, qui sera finalement remplacée par une fiscalité à l'échelle nationale – le président de la commission des finances soulignait l'importance des transferts qui se produisent dans vos textes budgétaires.

Par ailleurs, alors que le déficit extérieur de notre pays explose, atteignant 62,7 milliards d'euros en 2018, la suppression du taux réduit de TICPE – taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – est une mesure incompréhensible, à l'origine d'une hausse d'impôts de près de 1 milliard d'euros pour des secteurs entiers de notre économie. Supprimer les taxes de production, accroître la diminution de l'impôt sur les sociétés, défiscaliser davantage les heures supplémentaires, alléger les charges sur les salaires, jusqu'à trois SMIC par exemple : telles sont les recommandations du groupe Les Républicains à l'attention d'une majorité qui n'a déjà perdu que trop de temps. Pour diminuer le déficit public, il faut agir sur les dépenses publiques, et pour diminuer le déficit commercial, il faut agir sur la compétitivité des entreprises.

D'une manière générale, la confiscation systématique doit cesser. Et ce ne sont pas le surcoût causé par la mise en place du prélèvement à la source ou encore les contraintes liées à la nouvelle organisation de la réglementation sur les brevets qui nous permettront d'éviter le cataclysme.

Il serait de la responsabilité du Gouvernement d'en finir avec le matraquage fiscal de certaines classes de population qui voient leur pouvoir d'achat décroître. Certes, il promet une baisse de la fiscalité des ménages de 6 milliards d'euros : mais en réalité, il fait les calculs qui l'arrangent ! Si l'on inclut d'une part les baisses de prestations sociales, c'est-à-dire le quasi-gel des retraites, des prestations familiales et des APL – aides personnalisées au logement – et d'autre part les hausses de cotisations – AGIRC et ARRCO par exemple – et de l'impôt sur le revenu, les Français vont en réalité perdre 300 millions d'euros ! Sans compter la hausse de la fiscalité sur les carburants routiers, qui augmentera de 3,7 milliards d'euros TVA comprise. C'est une hausse considérable puisqu'en cinq ans, les ménages et les entreprises auront payé environ 46 milliards de plus.

Au contraire, le retour sur la désindexation des pensions de retraites, des allocations familiales et des APL, la diminution de la fiscalité énergétique ou encore la baisse de l'impôt sur le revenu – qui neutraliserait les effets du prélèvement à la source sur le pouvoir d'achat – sont des remèdes faciles à mettre en oeuvre et qui permettraient de redonner de l'air à des Français aujourd'hui asphyxiés.

Enfin, je voudrais terminer en soulignant le matraquage fiscal sans précédent et absolument insupportable de tous les Français qui doivent utiliser leur voiture. En effet, sous couvert de convergence de la fiscalité de l'essence et du diesel, le Gouvernement a organisé une course sans fin à la hausse des taxes sur l'ensemble des carburants.

Car il y avait deux solutions, pour assurer la convergence : diminuer le tarif le plus élevé ou augmenter le plus faible. Or les deux trajectoires sont ascendantes ! Alors que le niveau des taxes sur les carburants atteint des sommets, vous prévoyez de les augmenter encore et encore, en janvier 2019, puis en janvier 2020, puis en 2021, et encore en 2022.

Une telle fiscalité punitive est inconcevable dans un contexte de baisse généralisée du pouvoir d'achat. Car si vous n'êtes pas responsables des hausses du prix du baril, vous avez le devoir de suspendre cette hausse des taxes quand le prix du pétrole flambe. Vous auriez pu retenir notre proposition, dans le cadre du PLF, d'effectuer une pause en 2019 en matière de taxes sur les carburants.

Vous ne pouvez pas, comme vous le faites, prendre l'argument de la transition énergétique pour justifier ces taxes alors que vous ne reversez à la transition énergétique que moins de 20 % de leur produit. Ce sont, en réalité, de pures mesures de rendement visant à alimenter les caisses d'un État incapable aujourd'hui de réduire ses dépenses. Aussi un amendement du groupe Les Républicains proposera-t-il de geler les hausses de taxes sur les carburants pour faire cesser cette gigantesque opération de baisse du pouvoir d'achat de nos compatriotes.

Si le groupe Les Républicains regrette que ses arguments n'aient pas été davantage entendus par la majorité dans le cadre des débats relatifs au projet de loi de finances, je conserve l'espoir – toujours ! – que le Gouvernement retrouve le sens des responsabilités et abandonne une politique de transferts démagogique et dangereuse au profit d'un véritable plan de sauvetage économique de notre pays.

Tels sont les différents éléments de fond qui nous conduisent à vous présenter cette motion.

Vous l'avez compris, à la fois au titre de la forme et du fond, les arguments évoqués justifient cette motion de rejet déposée par le groupe Les Républicains. Son adoption nous permettrait de reprendre l'examen du projet de loi dans des conditions beaucoup plus sereines.

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