Intervention de David Gruson

Réunion du mardi 23 octobre 2018 à 11h40
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

David Gruson, membre du comité de direction de la chaire Santé de Sciences Po, professeur associé à la faculté de médecine Paris-Descartes, fondateur de l'initiative Ethik IA :

Concernant la partie industrielle, ma première préconisation est celle d'une modération législative, d'une juste mesure, pour ne pas créer un environnement encore plus compliqué pour les acteurs de l'innovation.

Dans cette émergence de solutions innovantes, le Health Data Hub, avec un mode d'alimentation adapté, serait un vrai atout pour franchir des étapes complémentaires.

Un troisième point relève plus du choix stratégique : il s'agirait de repérer quelle est la zone de compétitivité de la France sur l'intelligence artificielle en santé. Je vais peut-être vous paraître un peu brutal, et c'est évidemment un point de vue personnel : je ne crois pas que nous puissions entrer en compétition avec des fabricants de solutions d'IA très généralistes dans le secteur de la santé. Ils ont trop de longueurs d'avance.

En effet, les solutions d'IA généralistes qui se construisent sont le prolongement de solutions informatiques numériques généralistes que vous connaissez déjà, et pour lesquelles la France et l'Union européenne accusent un retard trop important.

En revanche, nous avons sans doute la possibilité de développer une stratégie ambitieuse pour élaborer des solutions d'IA de référence dans des champs de spécialité : en radiologie, en cancérologie, en dermatologie ou en ophtalmologie.

Tout ce qui fait l'excellence de la médecine française pourrait faire émerger ces solutions, si une stratégie déterminée identifiait un nombre resserré de priorités sur lesquelles nous nous mobiliserions et si les moyens du programme d'investissement d'avenir étaient résolument orientés vers elles. Ces solutions auraient vocation à devenir des algorithmes de référence dans tel ou tel champ de spécialité et qui, demain, viendraient se « plugger » sur des solutions d'IA, éventuellement conçues ailleurs. Mais si nous agissons intelligemment, à la fois en termes de cadrage législatif et de régulation, nous pourrions essayer de les acclimater dans un environnement éthique conforme à nos valeurs.

S'agissant de la fondation, c'est une proposition que nous avions introduite au cours de la consultation qui avait eu lieu lors de la mission Villani. L'idée est de définir un vecteur permettant d'accueillir des financements publics et privés, le cas échéant industriels, dans un cadre vierge de tout conflit d'intérêts et avec une exigence déontologique très forte.

« Ethik IA » a été construit sans aucun moyen, au titre de nos missions académiques respectives et de l'engagement citoyen que nous avons porté collectivement. Avec un investissement de quelques centaines de milliers d'euros, pas plus, nous pourrions amorcer le mouvement et avancer.

Il y a trois moments dans le processus de régulation positive de l'IA. Le premier est celui de la recherche et du développement pour la construction de ces outils de régulation positive et le développement des techniques de régulation de soft law appropriées. Le lieu de validation de ces instruments devra être indépendant : pourquoi pas la HAS ? Pourquoi pas des techniques de normalisation discutées avec l'Association française de normalisation (AFNOR) ? Enfin, a posteriori, vient le besoin d'accompagnement et la conduite du changement. Comment aider les acteurs à se saisir de ces nouveaux outils de garantie humaine de l'intelligence artificielle ? Comment les faire vivre concrètement ? Comment aider les établissements de santé qui voudraient se doter d'un collège de garantie humaine pour suivre, au fil du temps, le déploiement de l'IA ? Et comment gérer, dans une vraie stratégie de conduite du changement, les impacts sur les métiers de la santé et du champ sanitaire et médico-social ?

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