Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du vendredi 9 novembre 2018 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice :

J'ai un peu de mal à accepter, monsieur le député Savignat, la terminologie de « sous-juridiction d'assises ». Les jugements prononcés par la cour d'assises, le tribunal correctionnel ou le futur tribunal criminel départemental sont rendus au nom du peuple français ; il n'y a pas de sous-juridiction.

Je ne reprendrai peut-être pas votre mot de « théâtralisation » mais, comme vient de le rappeler Mme Untermaier, l'accusé, la victime et les témoins se retrouveront dans ce tribunal face à cinq magistrats : ce sera un symbole fort de la présence de la justice. Il est tout aussi important de souligner que l'oralité n'en sera pas exclue puisque les magistrats, qui disposeront du dossier, pourront évidemment auditionner les témoins à leur convenance.

Enfin, comme l'a expliqué Mme Louis, il sera possible de faire appel de la décision du tribunal criminel départemental devant la cour d'assises, juridiction de second degré depuis qu'il a été reconnu, par la loi du 15 juin 2000, que la décision d'un jury citoyen n'était pas nécessairement infaillible et que l'on pouvait la contester.

Je conclus en insistant sur l'idée que la création du tribunal criminel départemental est un élément positif pour la sécurité de la société. La requalification actuelle en délits de crimes tels que le viol aboutit à un amoindrissement des peines prononcées. Demain, ces crimes seront jugés en tant que tels et sanctionnés au niveau qu'il convient.

Monsieur Gosselin, il s'agira vraiment d'une expérimentation. Le succès que ne manquera pas de recueillir, je crois, ce nouveau tribunal soulèvera de nombreuses questions d'organisation et il nous faudra effectivement, madame Untermaier, prévoir les postes de magistrats en conséquence. Il conviendra aussi de repenser l'usage des locaux : certains tribunaux m'ont signalé qu'il leur serait impossible de faire fonctionner simultanément la cour d'assises et le tribunal criminel. Ces trois années d'expérimentation ne seront pas inutiles pour organiser tout cela.

Au-delà de ces questions d'ordre matériel, des questions de fond autrement plus sérieuses se posent. J'ai rencontré les magistrats d'une cour d'assises favorables à la création d'un tribunal criminel départemental mais qui ne comprenaient pas pourquoi l'expérimentation était limitée aux seuls crimes punis de quinze ou vingt ans de réclusion et ne concernait pas tous les crimes en première instance. Nous avons fait le choix de cette césure, mais vous voyez que la question existe. L'expérimentation permettra de dire si ce choix est pertinent.

Pour conclure, je reprendrai les propos très justes de Mme Alexandra Louis : ce qui est important, c'est l'accès aux juges. Peu importe qu'il s'agisse d'un tribunal criminel ou d'une cour d'assises, c'est ce qui compte pour les victimes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.