Intervention de Gérard Cherpion

Séance en hémicycle du lundi 10 juillet 2017 à 16h00
Renforcement du dialogue social — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Cherpion :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'Assemblée nationale est appelée à examiner son premier projet de loi. C'est un projet majeur, car il s'attaque à l'un des chantiers prioritaires de cette nouvelle législature : le travail et l'emploi.

Alors que le précédent président de la République avait fait du combat contre le chômage une priorité, promettant à maintes reprises une inversion de sa courbe, la France n'a jamais connu une telle augmentation de demandeurs d'emploi. Il faut le rappeler, notamment à ceux qui pensent avoir laissé le pays dans un bien meilleur état : entre mai 2012 et mai 2017, ce sont 583 000 demandeurs d'emploi de catégorie A supplémentaires et 1 216 500 pour les catégories A, B et C. Je n'aborderai même pas l'état calamiteux des finances publiques, dénoncé par la Cour des comptes.

Face à cette situation, nous sommes dans une urgence absolue. Tout doit être mis en oeuvre pour combattre le fléau que représente le chômage. Votre texte, madame la ministre, entend être une première réponse. Fidèle à ses valeurs, le groupe Les Républicains abordera sa discussion de façon ouverte, volontariste, mais aussi attentive et vigilante.

Madame la ministre, vous avez respecté l'article L1 du code du travail, ce qui n'a pas toujours été le cas sous la précédente législature. En effet, cet article issu, rappelons-le, de la loi de modernisation du dialogue social, dite « Larcher », oblige le Gouvernement à consulter les partenaires sociaux, lorsqu'il souhaite légiférer sur les sujets sociaux. Le Président de la République, le Premier ministre et vous-même avez reçu, et recevez encore, les représentants patronaux et les syndicats de salariés. Si la démocratie sociale a toute sa place et toute son importance dans un projet comme celui-ci – et vous l'avez rappelé – il ne faut pas oublier la démocratie politique, à savoir le rôle de l'Assemblée nationale, représentante du peuple français.

Sur ce point, madame la ministre, la méthode retenue est contestable. Les conditions d'examen de ce texte dans notre assemblée ne sont pas acceptables. Ainsi, nous avons été contraints de vous auditionner alors que le délai de dépôt des amendements était déjà clos ; et la commission des affaires sociales a dû se réunir en urgence. Plus grave, vous nous demandez de voter un texte vous autorisant à légiférer en lieu et place du Parlement, sans même que nous ne connaissions le contenu des ordonnances. En effet, lorsque nous vous posons des questions précises sur celui-ci, sur la direction que vous allez prendre, vous êtes dans l'incapacité de nous répondre, car vous êtes encore en concertation avec les partenaires sociaux.

Cette façon de faire est en totale contradiction avec les propos tenus par le Président de la République lors de son discours au Congrès à Versailles, selon lesquels il faut prendre le temps pour légiférer. Est-ce une manière de gouverner qui deviendra une habitude sur tous les projets de loi ou allez-vous respecter les droits du Parlement dans cette législature nouvelle ?

Le texte démontre la limite de l'exercice des ordonnances. J'ai toutefois été surpris de voir que des gens qui avaient eu recours à l'article 49, alinéa 3, ce qui est, à mon sens, bien plus embêtant et bien plus grave, défendaient tout à l'heure une motion de renvoi en commission… En commission, en réponse à une proposition d'amendement de notre groupe, le rapporteur nous a répondu que : « une telle mesure aboutirait à restreindre les possibilités offertes au Gouvernement dans le projet de loi d'habilitation. Je souhaite, pour ma part, que le champ de la concertation soit le plus large possible. »

Non, monsieur le rapporteur, le Parlement n'a pas à donner le champ le plus large possible au Gouvernement. En accord avec notre Constitution, le Parlement peut déléguer son pouvoir de légiférer au Gouvernement, mais pour cela nous devons définir un cadre précis à la prise des ordonnances. Nous ne devons pas signer un chèque en blanc. Les Républicains, qui veulent la réussite de la France et de son projet, ne le donneront pas.

Lorsque notre collègue de La France insoumise a interpellé la commission sur le fait que pas un seul amendement n'avait été adopté, la réaction de Mme la présidente de la commission a été de dire : « Mais bien évidemment ! ». Je pose donc sérieusement la question, madame la ministre : considérez-vous le Parlement comme une simple chambre d'enregistrement qui n'aurait pas son mot à dire ? Le Parlement n'est pas le greffier des partenaires sociaux. Mais il est vrai que nous n'avons pas beaucoup entendu nos collègues de la majorité lors de l'examen de ce texte.

Enfin, sur le fond, je serai beaucoup moins sévère. Je ne peux m'opposer à des propositions que j'ai moi-même portées avec mon groupe durant les cinq dernières années. En 2014, j'avais rédigé, avec Christian Jacob, une proposition de loi en ce sens, et nous avions déposé à maintes reprises des amendements sur ces sujets. La majorité d'alors, dont certains membres siègent dorénavant dans la nouvelle majorité, avait systématiquement refusé nos propositions. Aujourd'hui, elle va servilement tout accepter. Il est regrettable d'avoir perdu autant de temps, mais comme le dit l'adage, mieux vaut tard que jamais.

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