Intervention de Émilie Chalas

Séance en hémicycle du mercredi 14 novembre 2018 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Gestion des finances publiques et des ressources humaines

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Chalas, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Au début de l'année prochaine, le Parlement examinera le projet de loi de réforme de la fonction publique. Plus qu'une réforme, il s'agira de mener à bien une véritable transformation de l'action publique, fruit d'une longue concertation menée depuis près d'un an par le Gouvernement avec l'ensemble des organisations représentatives au sein des trois versants de la fonction publique. Qu'il s'agisse de la gestion des ressources humaines et du développement de la contractualisation, de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, du renforcement du dialogue social ou encore des politiques de rémunération des agents publics, tous les sujets importants ont fait – ou font encore – l'objet de discussions approfondies qui serviront de fondements à ce texte que nous examinerons dans les prochains mois. En tant que législateurs, nous assumerons, mes chers collègues, une responsabilité décisive : déterminer le cadre global dans lequel nos services publics vont devoir fonctionner afin de répondre dans les meilleures conditions possibles aux attentes croissantes qu'expriment nos concitoyens. Loin des clichés et des fausses évidences, la fonction publique n'est pas un bloc monolithique rétif au changement ; elle sait déjà s'adapter à l'évolution des réalités sociales et économiques, aux exigences légitimes d'efficacité et même d'efficience, ainsi qu'à un impératif d'ouverture que personne ne doit mésestimer. Mais aujourd'hui, ces enjeux nécessitent de redéfinir un cadre général permettant de répondre précisément et concrètement à l'ensemble de ces défis.

À l'occasion de l'examen de ce projet de loi de finances pour 2019, j'ai souhaité cette année, en tant que rapporteure pour avis de la commission des lois sur le programme « Fonction publique », m'intéresser plus particulièrement au thème du management. Il m'est en effet apparu que ce sujet transversal regroupe l'essentiel des questions cruciales que soulève le devenir de la fonction publique. Le management n'est pas un concept réservé à ce que l'on appelle péjorativement « la technocratie » : c'est une réalité du quotidien dans tous nos services publics de proximité, celle à laquelle sont confrontées chaque jour des centaines de milliers d'agents publics, notamment dans la fonction publique territoriale, qui exercent des fonctions d'encadrement technique ou intermédiaire. Or être un bon manager ne se décrète pas et ne s'improvise pas. Cela s'apprend. Dans cette perspective, j'ai formulé plusieurs préconisations afin de renforcer la formation au management de l'ensemble des agents publics en situation d'encadrement, quel que soit leur domaine d'activité ou leur niveau hiérarchique. Lors de votre audition par la commission des lois, vous avez, monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, pris plusieurs engagements qui vont dans le bon sens. Tout d'abord, vous avez confirmé la détermination du Gouvernement à respecter l'objectif de 10 000 apprentis sous contrat au sein de la fonction publique chaque année. Le projet de loi de finances prévoit à cet effet de redéployer les crédits dévolus au financement de l'apprentissage dans la fonction publique, soit environ 30 millions d'euros, vers l'ensemble des programmes pilotés par chaque ministère afin de simplifier la gestion financière du recours aux apprentis. Il est évidemment indispensable de s'assurer que l'enveloppe financière globale affectée à l'apprentissage en 2019 ne diminuera pas. Vous vous êtes également prononcé en faveur d'une réflexion sur la mise en place de passerelles afin d'intégrer des apprentis comme agents contractuels de la fonction publique : j'y suis évidemment favorable et j'espère que nous aurons l'occasion d'en rediscuter lors de l'examen du futur projet de loi.

L'ouverture de la fonction publique à la diversité des talents, des profils et des parcours constitue bien sûr une priorité au coeur de la transformation de l'action publique. Cette priorité se décline à plusieurs niveaux. Tout d'abord, elle concerne les 5,5 millions d'agents publics qui travaillent dans les trois versants de la fonction publique, car la mobilité entre les fonctions publiques de l'État, territoriale et hospitalière doit être encouragée, la diversité des expériences acquises au service de l'intérêt général étant une force pour nos administrations, nos collectivités et nos hôpitaux. De plus, cet objectif d'ouverture a vocation à se matérialiser dans le recrutement des fonctionnaires par concours, car c'est une voie d'accès éminemment méritocratique, qui consacre les seuls « talents et vertus » des candidats comme le proclamait dès 1789 la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Mais force est de constater que les concours internes et le troisième concours de certaines écoles de la haute fonction publique, je pense ici à l'ENA, souffrent d'un déficit de sélectivité, notamment renforcé par une forme d'autocensure de la part de nombreux candidats potentiels. Des moyens existent pour remédier à ces problèmes, et leur impact budgétaire serait résiduel comparé aux bénéfices dont l'État et les collectivités territoriales pourraient tirer profit. Enfin, l'ouverture de la fonction publique implique évidemment de développer le recours aux contractuels ; la mobilité entre le secteur public et le secteur privé n'est pas un gros mot, c'est déjà une réalité pour des millions de femmes et d'hommes dont les carrières se nourrissent d'expériences diverses, et il s'agit aujourd'hui de favoriser cette mobilité en posant des règles claires et justes qui permettront d'adapter le cadre de gestion des ressources humaines de la fonction publique aux enjeux du XXIe siècle.

Nous ne devons pas avoir peur du changement. La fonction publique dispose de toutes les qualités et de toute la créativité nécessaire pour réussir sa transformation. De multiples initiatives issues du terrain contribuent tous les jours à moderniser le service public, j'en ai fait état dans mon rapport pour avis. Elles sont le signe évident que tous les acteurs de terrain, les associations et les administrations sont mobilisés pour relever les nombreux défis auxquels la fonction publique est confrontée, tels que la dématérialisation des procédures et plus généralement la révolution numérique. À ce titre, la modernisation de nos structures de formation, qu'il s'agisse de la formation initiale ou continue, représente un levier d'action indispensable au succès de la fonction publique que nous appelons toutes et tous de nos voeux.

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