Intervention de Francis Vercamer

Séance en hémicycle du lundi 10 juillet 2017 à 16h00
Renforcement du dialogue social — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Vercamer :

La branche professionnelle a un rôle régulateur qu'il ne faut pas remettre en cause, particulièrement important pour les TPE, PME et leurs salariés. Il doit être préservé.

Par ailleurs, nous partageons plusieurs objectifs affichés par ce projet de loi. Ainsi, rendre le dialogue social plus accessible, c'est d'abord simplifier l'organisation des instances au sein desquelles il doit avoir lieu. De ce point de vue, l'instauration d'une instance fusionnée de représentation du personnel va dans le bon sens. Nous serons cependant attentifs à la manière dont les prérogatives des instances fusionnées seront effectivement exercées dans l'entreprise, en particulier celles relatives aux conditions de travail et à la sécurité des salariés.

En matière de sécurisation de la relation de travail, notre groupe accueille avec intérêt les mesures qui visent à sécuriser la procédure de licenciement, tant pour l'employeur que pour le salarié. Dans le même esprit, nous pensons nécessaire qu'une erreur de forme ne puisse pas être sanctionnée de la même manière qu'une erreur de fond. Nous approuvons également la volonté affichée par le Gouvernement de favoriser le recours à la conciliation devant le conseil des prud'hommes. De même, sécuriser la réparation financière des irrégularités de licenciement nous paraît un objectif répondant à la nécessité de lever les incertitudes juridiques qui peuvent constituer un obstacle à l'embauche.

Pour ce qui est du barème des dommages et intérêts, je renouvelle cependant, à titre personnel, les réserves exprimées en commission. Si j'approuve la volonté d'introduire une meilleure prévisibilité de la réparation financière d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, j'appelle l'attention sur le risque, avec le temps, de voir les plafonds s'appliquer de manière systématique, jusqu'à se transformer en planchers.

Nous notons également avec intérêt que le projet de loi d'habilitation prévoit d'encourager la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

Enfin, nous partageons l'objectif de simplifier le dispositif du compte personnel de pénibilité. Prendre en considération la pénibilité du travail pour mieux accompagner le salarié dans son parcours professionnel est en effet une nécessité indiscutable. Pour autant, force est de constater que la mise en oeuvre de l'actuel compte personnel de prévention de la pénibilité s'avère complexe pour les entreprises, en particulier pour les PME et les TPE – raison pour laquelle il fallait simplifier le dispositif afin de le rendre praticable aux employeurs.

S'il répond à plusieurs préoccupations et pistes de réformes que les députés du groupe Les Constructifs ont avancées depuis plusieurs années, votre texte néglige cependant plusieurs points, et nous le regrettons. Il est dommage, en particulier, qu'en matière d'organisation du dialogue social, le projet de loi d'habilitation ne propose rien qui se rapporte aux instances de représentation du personnel dans le secteur public. J'ai bien noté que la fonction publique n'entrait pas dans votre champ de compétence, mais le Gouvernement aurait au moins pu indiquer ses intentions dans ce domaine.

De même, je regrette que la question du financement des organisations syndicales et professionnelles participant au dialogue social, ne soit pas abordée. En effet, dès lors qu'il occupe une place plus grande dans l'élaboration de la norme, le dialogue social doit s'appuyer sur une légitimité incontestable. Cette légitimité repose d'abord sur la mesure de la représentativité des acteurs du dialogue social, dont les modalités ont été modernisées. Elle se fonde ensuite sur la transparence du financement des organisations syndicales et professionnelles qui participent au dialogue social.

C'est vrai, des avancées réelles ont été réalisées dans le cadre de la loi ces dernières années, mais il conviendrait d'aller plus loin, afin de lever toute interrogation quant au fonctionnement de notre démocratie sociale.

Notre groupe s'étonne également qu'abordant l'organisation du dialogue social dans l'entreprise et les instances de représentation du personnel, le projet de loi ne se penche pas sur la question des seuils d'effectifs qui commandent la création de certaines instances, en particulier dans les TPE et les PME de moins de cinquante salariés.

Il y aurait ainsi 2,6 fois plus d'entreprises de quarante-neuf salariés que de cinquante, 1,7 fois plus d'entreprises de dix-neuf salariés que de vingt et 1,8 fois plus d'entreprises de neuf salariés que de dix.

Il est possible d'envisager qu'en période de crise, alors que les relations entre entreprises concurrentes sur leur marché sont tendues, la mise en oeuvre d'obligations administratives nouvelles au passage de ces seuils d'effectifs ait un effet dissuasif à la fois sur la croissance de l'entreprise et la création d'emplois. Ce sujet mériterait donc d'être traité, et notre groupe vous présentera des amendements en ce sens.

Enfin, nous regrettons que ce projet de loi ne fasse pas davantage de place à l'expérimentation. Il serait certainement dommage, ainsi, de s'interdire par principe toute initiative d'expérimentation d'un contrat de travail unique à droits progressifs. Celui-ci pourrait mettre un terme à la dichotomie entre le CDI et le CDD, et à cette phase chaotique d'entrée sur le marché du travail dont souffrent de trop nombreux jeunes, bloqués pendant de nombreuses années dans la nasse des CDD successifs avant de décrocher leur premier CDI.

Voilà, madame la ministre, monsieur le rapporteur, notre approche, à cette heure, du projet de loi d'habilitation. Vous le constatez, c'est dans un esprit constructif que notre groupe aborde ce débat, soucieux d'apporter sa propre contribution à votre projet et conscient de l'enjeu d'intérêt général qui sous-tend l'ensemble du texte. Nous attendons de la majorité et du Gouvernement le même état d'esprit.

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