Intervention de Stéphane Travert

Réunion du mercredi 27 septembre 2017 à 16h30
Commission des affaires économiques

Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Monsieur Anthony Cellier, il y a encore en effet beaucoup à faire sur la gestion de l'eau, et le Président de la République nous a demandé de travailler sur la gestion des risques et ce que l'on appelle les « pannes de précaution ». Nous oeuvrons à deux niveaux. D'abord au plan européen, car l'Union européenne a décidé de se saisir de cette problématique : c'était l'objet du conseil informel des ministres de l'agriculture, qui s'est tenu dans le courant du mois, à Tallinn en Estonie, et qui a mis en avant la nécessité de trouver de nouvelles techniques d'irrigation, moins consommatrices en eau, particulièrement dans les régions souffrant de sécheresse.

Sur le plan national, nous avons fait, avec mon collègue du ministère de la transition écologique et solidaire, une communication au Conseil des ministres sur la politique de l'eau et la manière dont nous pourrions débloquer certains projets destinés à mettre en place, à destination des agriculteurs, des systèmes d'irrigation ou de réserves d'eau pour faire face à la sécheresse, qui sévit désormais dans un grand nombre de départements.

Nos propositions trouveront leur traduction législative, notamment dans le projet de loi sur le droit à l'erreur qui sera soumis à votre examen en fin d'année ou en début d'année prochaine. Outre la simplification des procédures, il faut nous tourner vers l'innovation : l'irrigation peut, à ce titre, faire partie des techniques éligibles à notre grand plan d'investissements.

Vous avez évoqué la filière viticole face à la sécheresse. Nous disposons d'ores et déjà d'outils destinés à aider les viticulteurs à faire face aux aléas ; cela sera l'un des objets de la discussion que je dois avoir demain, avec les représentants de la filière. Parmi ces outils, je citerai l'aide à l'assurance récolte, dont bénéficient aujourd'hui 25 % des viticulteurs français et dont je souhaiterais qu'elle se diffuse plus largement ; ce dispositif de prise en charge partielle des cotisations payées par les exploitants peut couvrir jusqu'à 65 % des primes. Je sais que, dans certains cas, le delta reste important, mais c'est un premier pas vers la mise en place d'outils assurantiels forts.

Des discussions sont également en cours avec l'Union européenne pour abaisser à 20 % le seuil de déclenchement de l'assurance récolte. Je ne peux présager de ce que donneront ces discussions, mais c'est en tout cas la position que nous défendons.

Nous réfléchissons enfin à des contrats adaptables à chaque exploitant, car le secteur viticole est aussi divers que le sont les régions de France, et les enjeux ne sont pas les mêmes dans le Bordelais ou en Bourgogne.

J'en profite pour rassurer les viticulteurs de l'Aude, qui ont imaginé que j'avais considéré que les dégâts causés par le gel avaient été plus importants à Bordeaux que chez eux. Qu'ils ne s'inquiètent plus : je me suis en effet rendu dans le Bordelais pour constater les dommages, mais je sais que l'Aude a également été touchée, et le Gouvernement n'abandonne pas ses viticulteurs.

Sur le glyphosate, Madame Laure de La Raudière, le Président de la République a pris une décision que le Premier ministre a rappelée hier, et la position de la France ne changera pas lors du vote européen. Il est vrai que nous sommes face à des impasses techniques : il n'existe pas pour l'heure de produit de substitution. Le Premier ministre a donc souhaité que nous menions, avec le ministre de la transition écologique et solidaire, une mission conjointe, pour faire en sorte d'élaborer, en concertation avec les acteurs de la filière agricole, un calendrier qui nous permette de trouver la bonne trajectoire pour sortir progressivement et durablement des pesticides.

D'ici là, il faut revenir à une certaine sérénité dans le débat. Les agriculteurs ont déjà fait de gros efforts en faveur de la transition écologique, notamment au travers des dispositifs mis en place sous le quinquennat précédent, qu'il s'agisse du 4 pour 1 000 ou de l'agro-écologie. Reste qu'il faut aller plus loin encore, tout prenant le temps nécessaire pour accompagner les transitions. C'est le sens de la mission que nous a confiée le Premier ministre : nous rendrons nos propositions d'ici à la fin de l'année, mais il est évidemment hors de question d'engager les agriculteurs dans des impasses techniques. Mais l'objectif est bel et bien de sortir de l'usage de ces produits.

Pour ce qui est de l'ONF, des réunions ont lieu au ministère pour faire le point sur la situation de l'ONF et, plus globalement, sur la filière bois-forêt. J'ai déjà reçu les deux interprofessions et des rendez-vous sont en cours pour que je puisse rencontrer l'ensemble des acteurs de la filière. Il est effectivement urgent que la situation s'éclaircisse à l'ONF, qui s'est engagé dans la dans la mise en oeuvre de son contrat d'objectifs et de performances. C'est un contrat ambitieux, et la direction générale mobilise ses équipes. Sachez en tout cas que je suis très attaché au dialogue social et que je souhaite le retour rapide à un climat social apaisé dans le secteur. Si le sujet vous intéresse, Madame, je suis prêt à vous communiquer tous les éléments utiles et je suis prêt à vous associer à ces travaux.

En ce qui concerne les États généraux de l'alimentation (EGA), Monsieur Jean-Baptiste Moreau, l'objectif du contrat tripartite est de parvenir à la meilleure manière possible de créer de la valeur et de la répartir. C'est l'une des pistes qui ressort des ateliers, mais il faut attendre la fin des États généraux et aller jusqu'au bout de l'expertise pour vérifier si ce contrat est compatible avec le droit de la concurrence. Je considère en tout cas cette piste comme utile.

Nous avions dit avec le Président de la République que nous étions prêts à prendre une initiative européenne. Car si les EGA se tiennent aujourd'hui sur le territoire national, nous devons, comme je l'ai rappelé hier et avant-hier à Bruxelles, leur donner une dimension internationale et à tout le moins, européenne : l'alimentation concerne tous les États membres et tous nos concitoyens européens. Nous pourrons ainsi les faire profiter des travaux que nous allons faire sur la question de la traçabilité et de la qualité d'une alimentation saine, durable et accessible à tous, et essaimer dans les autres pays européens. Nous devons regarder comment faire évoluer le droit de la concurrence au niveau européen et comment accompagner cette évolution sur le plan législatif. En tout cas, c'est une idée qui doit faire son chemin.

L'agriculture numérique et connectée est également un sujet dont nous devons nous saisir. Je vous parlerai de ce que je connais le mieux, c'est-à-dire de mon territoire : j'habite une zone blanche et j'ai autour de chez moi des agriculteurs qui sont bien dans la peine quand ils doivent remplir leurs déclarations en vue de recevoir les aides de la PAC ou ne serait-ce que passer un coup de téléphone ou recevoir des informations sur leur téléphone portable pendant la saison des vêlages. C'est un problème que nous connaissons bien : vous vous souvenez que Président de la République s'est engagé à faire en sorte que la couverture numérique du territoire soit totale à l'horizon de 2022 et que l'État prenne le relais là où les opérateurs historiques n'iront pas. C'est tout le travail que mène M. Mounir Mahjoubi à la tête du secrétariat d'État au numérique, placé sous l'autorité du Premier ministre.

Il est évident que l'agriculture connectée est l'avenir. J'ai participé il y a quelque temps au salon national des CUMA (coopératives d'utilisation de matériel agricole) et au SPACE (Salon international de la production animale) à Rennes il y a quinze jours : on y voit des outils qui assistent les producteurs et les soulagent dans les travaux pénibles ; encore faut-il qu'ils soient reliés à des bornes. On doit aussi former leurs utilisateurs. Les questions de robotique, d'innovation et de nouvelles technologies sont donc essentielles et s'inscrivent dans la démarche du grand plan d'investissement présenté la semaine dernière par le Premier ministre. Notre ambition est de faire en sorte que l'agriculture puisse bénéficier d'un accompagnement dans ses investissements. Le plan d'investissement du Gouvernement pour ce secteur sera de 5 milliards d'euros pendant la durée du quinquennat et s'articulera autour de trois priorités : la transition écologique, la recherche et l'innovation, la compétitivité.

En ce qui concerne les normes, Monsieur Jean-Charles Taugourdeau, nous avons toujours dit que nous entendions veiller à éviter toute surtransposition inutile des directives européennes. C'est un travail de longue haleine et nous ne sommes pas au bout de nos peines. Nous allons nous attacher, dans nos propres textes comme dans les textes européens, à trouver le moyen de limiter ces normes qui freinent parfois le développement économique de nos territoires et de nos entreprises. Nous sommes tout à fait déterminés au ministère de l'agriculture et de l'alimentation à travailler sur ces questions et à trouver les outils de simplifications nécessaires.

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