Intervention de Anne Cambon-Thomsen

Réunion du mardi 6 novembre 2018 à 16h15
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Anne Cambon-Thomsen, immunogénéticienne, directrice de recherche au CNRS et membre du Groupe européen d'éthique des sciences et des nouvelles technologies auprès de la Commission européenne :

La confiance dans la recherche est un problème général. Débattre et consulter la population sur des sujets donnés est concevable au sein de l'Union européenne. La Commission européenne recueille déjà des statistiques – ce sont les eurobaromètres. Ils sont imparfaits, mais ils traduisent les réponses apportées aux questions posées à un échantillon de la population dans tous les pays de l'Union, ce qui informe sur la perception de différents problèmes qu'ont les citoyens européens. On peut contester la méthodologie, mais on dispose déjà d'outils. Pourquoi, alors, ne pas consulter les citoyens après avoir retravaillé la méthodologie, de manière à rendre les comparaisons possibles dans des domaines variés ?

Le plan « France Médecine génomique 2025 » vise à installer une douzaine de plateformes de séquençage génomique à très haut débit, chacune devant réaliser quelque 18 000 séquençages par an, soit environ 200 000 en tout chaque année ; mais ce sera peut-être beaucoup plus dans les années à venir car les développements vont très vite. Nous avons besoin de conseillers en génétique mais aussi de bio-informaticiens interprètes de données génétiques cliniques. Il y a là de nouveaux métiers qui doivent être considérés dans un ensemble harmonieux et concerté : avoir de nombreux conseillers en génétique sans disposer ni de la compétence informatique nécessaire pour conserver et interpréter les données ni des logiciels indispensables créerait un déséquilibre global néfaste. Le plan prévoit par conséquent la formation des praticiens existants et la formation à des métiers naissant en santé génomique.

Il faut dire à qui l'on prescrit un séquençage ciblé du génome que des données secondaires actionnables peuvent être révélées à cette occasion. L'information approfondie du patient est nécessaire pour qu'il le sache – cela n'a rien d'évident – et qu'il soit en mesure de donner son consentement.

L'information ne jaillissant pas toute seule, qui doit décider de ce que l'on va aller regarder ? Le système ? La loi ? C'est le cas aux États-Unis, où les textes donnent des indications. Le professionnel ? Quel est le rôle de la personne ? Ce n'est pas stabilisé, et c'est pourquoi des études pilotes sont nécessaires. Mon avis personnel est qu'il faut pouvoir aborder la question avec le patient et pouvoir aller regarder ailleurs si tel est son souhait. Cela crée de grandes complications pour les praticiens : outre qu'il faut un bien plus grand nombre de conseillers en génétique, quel est le bon moment pour aborder la question ? Il faut des recommandations professionnelles et des essais pilotes, mais le principe devrait être que lorsque des informations sont découvertes, on en parle, tout en restant raisonnable : on ne va pas aller regarder tout ce que peut montrer un génome. Il faut avoir conscience que générer des données aussi vastes entraîne d'autres obligations que simplement faire le diagnostic pour lequel la consultation initiale a eu lieu.

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