Intervention de Julien Rogier

Réunion du mardi 6 novembre 2018 à 18h25
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Julien Rogier, président de la Société française de médecine des prélèvements d'organes et de tissus (SFMPOT), médecin coordonnateur des prélèvements d'organes et de tissus du centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux :

La situation est plutôt favorable et homogène dans ma région, l'Aquitaine. Il faut préciser que les disparités dont nous parlons ici sont en partie liées à des inégalités socio-économiques. Sans pouvoir l'étayer par des statistiques, nous pouvons avancer que les personnes qui sont bien insérées dans la société manifestent moins de réticences vis-à-vis du prélèvement. C'est une question d'éducation et de citoyenneté. À ce titre, les campagnes d'information sont absolument nécessaires, mais elles doivent être doublées d'un enseignement de la citoyenneté. Ainsi, le don d'organe et la transplantation devraient être valorisés dès le plus jeune âge comme un exercice de la citoyenneté.

Cependant, ces questions socio-économiques n'expliquent pas tout. Une autre explication de la disparité géographique des activités de prélèvement et de transplantation tient au fait que les organisations qui les réalisent sont petites, fragiles, très complexes et reposent sur des chaînes longues. Pour qu'un établissement ou une région soit performant en la matière, tous les établissements de la région doivent l'être également, et tous doivent être inscrits dans un maillage efficace et durable. Il suffit qu'un établissement ou un maillon de la chaîne au sein d'un établissement dysfonctionne, pour que l'activité globale s'en ressente durement. Cette activité repose grandement sur la motivation des équipes. Un départ à la retraite ou un remplacement peut entraîner une diminution de l'activité. Au début des années 2000, l'Aquitaine faisait partie des mauvais élèves en termes de prélèvement. J'ai eu la chance de prendre la suite d'un médecin qui avait opéré un revirement favorable, et je m'efforce de maintenir une activité soutenue. Pour autant, nous ne sommes pas à l'abri d'un retournement.

Je souhaite attirer votre attention sur les difficultés que nous rencontrons en matière d'accès au bloc opératoire. Dans le cadre des politiques d'amélioration de l'efficience des établissements, et conformément aux recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS), nous avons pour objectif d'occuper les blocs opératoires à 90 %. Aussi bénéfiques soient-ils sur le plan économique, ces ajustements ont pour victimes collatérales le prélèvement d'organes et la transplantation. Ces activités consomment en effet beaucoup de temps. Elles ne soulèvent guère de difficulté lorsqu'elles sont effectuées de nuit, périodes où les blocs sont généralement disponibles. Cependant, elles tendent à se déporter vers la journée, pour diverses raisons : l'âge de plus en plus élevé des donneurs, la complexité des régulations… Dans ce contexte, l'accès aux blocs opératoires pour effectuer des prélèvements représente un véritable défi dans certains établissements.

Enfin, les comités « donneur vivant » sont de plus en plus sensibles au suivi postérieur au don. Les donneurs sont fortement sollicités avant le don, mais peuvent se sentir délaissés une fois l'acte passé, toute l'attention se portant alors vers le greffé. Cela peut occasionner une phase de déprime. Nous recommandons aux donneurs de consulter les psychologues des services de transplantation s'ils ressentent une baisse de moral après l'acte. Il est donc important que tous les services de transplantation qui pratiquent le prélèvement sur donneur vivant soient dotés de psychologues.

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