Intervention de Thibault Bazin

Séance en hémicycle du jeudi 22 novembre 2018 à 9h30
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Article 8 quater

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThibault Bazin :

Gilles Lurton a formidablement préparé le terrain à mon intervention : ce sont les réserves qu'il a exprimées qui justifient mon amendement. L'article 8 quater, introduit par la commission des lois, aura pour conséquence de prolonger de dix ans supplémentaires la durée d'application de mesures de protection dont certaines étaient déjà mises en oeuvre pour longtemps. Cela s'oppose aux dispositions du droit international garantissant les droits et libertés des personnes protégées. Vous nous avez précédemment assurés que vous vous préoccupiez de ces droits ; puisqu'ils sont ici en jeu, écoutez-nous et supprimez ce nouveau dispositif.

Seul le juge des tutelles, garant des droits et libertés des intéressés, est habilité à prononcer et à renouveler, à titre exceptionnel et en motivant spécialement sa décision, une mesure de protection pour une durée plus longue que celle initialement prévue. Certaines contributions au rapport de mission interministérielle, dont celle du docteur Lefebvre des Noettes, relèvent les carences des certificats produits dans ce cas : aucune exigence ni compétence spécifique des médecins n'est requise, ce qui donne lieu à l'élaboration de certificats peu contributifs sans possibilité de décrire l'état de vulnérabilité et son retentissement sur l'exercice des droits civils et les capacités à décider pour soi-même, alors même que le certificat doit être circonstancié. Voilà pourquoi le Défenseur des droits recommande que les médecins concernés suivent une formation. Le certificat est essentiel pour permettre au juge de prendre des mesures pour une durée plus longue que le délai de principe, puisqu'il est censé garantir que les données de la science ne permettent pas d'espérer une évolution de la situation de la personne.

Dans le cadre du même rapport, le Comité national consultatif des personnes handicapées, le CNCPH, a rappelé que la possibilité actuellement offerte au juge, par une décision spécialement motivée, de fixer une durée allant jusqu'à dix ans à l'ouverture, et jusqu'à vingt ans lors du renouvellement, est contraire à la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées. Et vous voulez aller encore plus loin ! L'allongement de dix ans prévu par ce nouvel article pourrait porter atteinte, dans certains cas, aux droits des personnes protégées. La mesure ne nous paraît donc pas justifiée du point de vue du principe de nécessité.

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