Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du vendredi 23 novembre 2018 à 9h30
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Article 27

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

L'objet général du projet de loi, s'agissant de la procédure pénale, est à la fois la simplification et l'efficacité de la phase d'enquête, assorties toutes les deux de fortes garanties. C'est ce qui motive mon avis défavorable à l'amendement de suppression.

Je rappelle que la mesure proposée est souhaitée par les praticiens : on l'a bien vu au moment des chantiers de la justice. Trois raisons importantes l'expliquent.

Premièrement, comme l'a dit M. le rapporteur, rien ne justifie de réserver les interceptions téléphoniques aux seuls faits de délinquance ou de criminalité organisées pour lesquels elles sont actuellement autorisées au cours de l'enquête, alors que, pendant l'instruction, elles sont plus largement possibles pour toute infraction punie d'au moins deux ans d'emprisonnement. Il y a là une distinction que l'on ne comprend pas bien, d'autant que la différence de champ d'application entre l'enquête et l'instruction est propre aux écoutes : elle n'existe pas pour les autres techniques spéciales d'enquête ni pour la géolocalisation. Il s'agit donc de procéder à une harmonisation.

Deuxièmement, comme l'a également rappelé M. le rapporteur, des garanties sont prévues. Elles sont équivalentes lors de l'enquête et lors de l'instruction : dans les deux cas, c'est un magistrat du siège qui intervient – juge d'instruction ou JLD. En réalité, la seule différence justifiée, que nous préservons dans le texte, est la durée des écoutes, plus courte lors de l'enquête que lors de l'instruction, ce qui est tout à fait compréhensible.

En ce qui concerne la géolocalisation, ce sont des différences complexes empêchant l'harmonisation des seuils que nous réduisons en créant un seuil unique à des fins de simplification.

S'agissant enfin des garanties empêchant l'atteinte aux libertés fondamentales – puisque c'est l'une des grandes préoccupations qui s'expriment, légitimement, et que nous y sommes évidemment très attentifs – le texte renforce l'obligation de motivation des autorisations d'écoute et de géolocalisation, qui devront être motivées « par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires », ainsi que le contrôle effectué par le juge des libertés et de la détention, qui pourra désormais ordonner la destruction des procès-verbaux s'il estime les interceptions illégales. En outre, le texte encadre davantage la durée de la géolocalisation, en ramenant de quinze à huit jours le délai pendant lequel la géolocalisation peut être mise en oeuvre sur autorisation du seul parquet et en fixant la durée maximale de son utilisation à un an, comme pour les écoutes, ou à deux ans en matière de criminalité organisée.

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