Intervention de Christophe Aubel

Réunion du mercredi 21 novembre 2018 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Christophe Aubel, directeur général de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je tiens tout d'abord à vous préciser que M. Thibault et moi-même travaillons ensemble et que nous avons coordonné nos interventions. Nous pouvons aussi intégrer à ce travail M. Pierre Dubreuil que vous recevrez bientôt, afin que nous puissions réussir ensemble ce beau projet.

Je commencerai mon propos en rappelant quels sont les enjeux du projet de loi.

Je n'ai pas besoin d'entrer dans le détail ni de vous convaincre de la réalité de la chose. Les études qui se suivent se ressemblent : elles montrent un effondrement de la biodiversité. Le rapport Planète vivante du WWF rappelle que 60 % des vertébrés ont disparu entre 1970 et 2014 sur la planète, que 25 % des terres de l'Union européenne sont touchées par l'érosion des sols et qu'un tiers des récifs coralliens de la France ultramarine sont en train de régresser. Si la faune et la flore disparaissent, c'est bien parce que depuis toujours les sociétés humaines ont fondé leur bien-être et leur développement économique sur le socle des services rendus par la nature. Je pense par exemple à la pollinisation, la fourniture de médicaments, le soubassement de nombreux acteurs économiques. Si j'avais le temps, je vous raconterais l'histoire du viaduc de Millau : sans biodiversité, ce viaduc n'existerait pas...

Face à ce constat, il faut modifier l'échelle de l'action. C'est ce qui guide la création d'un nouvel établissement en regroupant l'AFB et l'ONCFS, deux structures que j'ai envie d'appeler des établissements « frères » parce que nous sommes l'un et l'autre déjà engagés sur les questions de préservation de la biodiversité au service des politiques publiques. Le regroupement de ces deux établissements permettra de se doter d'une force de frappe complète qui associe les compétences et les savoir-faire de près de 3 000 agents qui couvrent l'ensemble des milieux marins d'eau douce et terrestres – on sait que l'AFB dans sa configuration actuelle était déséquilibrée en ce qui concerne la biodiversité terrestre, et c'est bien tout l'apport de ce « mariage », si je puis dire, avec l'ONCFS – et l'ensemble des modes d'action de l'un comme de l'autre sur l'ensemble de nos territoires, y compris évidemment les territoires ultramarins.

Pour que ce nouvel établissement puisse relever le défi d'être au service de la société, pour changer l'échelle de l'action, il faut qu'on lui donne un cadre adapté. Tel est bien l'objet de ce projet de loi, qui vise à permettre à l'établissement d'agir par lui-même en s'appuyant sur les compétences de ses agents, mais aussi de mobiliser et de travailler avec l'ensemble des acteurs. Il serait vain de croire qu'un établissement public, aussi puissant soit-il, peut tout régler tout seul avec l'aide des ministères de tutelle. Il faut, certes, qu'il puisse agir par lui-même, mais il faut aussi qu'il soit capable de faire avec les autres, voire de faire faire sans intervenir lui-même. Cela signifie que la loi, mais aussi le décret qui l'accompagnera car tout n'est pas forcément du niveau législatif, doit couvrir l'ensemble des missions de l'AFB et de l'ONCFS : police judiciaire et administrative, accompagnement des acteurs, expertise, connaissance, appui technique à la mise en oeuvre des politiques, gestion en direct d'espaces naturels, animation du réseau des gestionnaires d'espaces naturels. Enfin, dans ce panel de missions, il ne faut pas oublier la mobilisation de la société et de nos concitoyens.

Assurer la gouvernance permet d'associer tous les acteurs, car on ne mobilise qu'en coconstruisant. Tous les acteurs, cela signifie toutes les parties prenantes de l'Agence française pour la biodiversité et toutes celles de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage : les collectivités, bien sûr, acteur essentiel du sujet – je pense notamment aux agences régionales de biodiversité dont la dynamique est réelle sur les territoires, mais aussi à l'engagement des communes qui ne cesse d'augmenter, comme celui des départements –, les acteurs économiques qui ont dit et redit leur attachement à un établissement public qui joue un peu le rôle de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) dans le domaine du climat et de l'énergie, les agriculteurs bien sûr, l'État dans toutes ses composantes, les organisations non gouvernementales (ONG) et le monde de la chasse. À titre personnel, je suis convaincu – et je sais que M. Olivier Thibault l'est aussi – que le Grenelle de l'environnement a montré la justesse de tout cela.

L'avenir des sociétés humaines dépend pour une large part de la qualité de la biodiversité. Dès lors, chacun individuellement et chacun dans son rôle social est concerné. Il faut mobiliser tous les acteurs, donc permettre le dialogue entre tous. Un établissement public comme celui qui sera créé doit aussi servir à rapprocher les points de vue, y compris entre ONG et monde de la chasse qui ont, l'un et l'autre, un lien fort avec la biodiversité et les espaces naturels.

Enfin, la loi et les décrets devront offrir aux agents le cadre de travail qui leur permettra de s'exprimer, car ce sont eux qui, au final, feront la réussite de ce projet. Leurs compétences et leur engagement sont une réalité chez l'un comme chez l'autre ; il faut permettre leur expression.

Ces quelques rappels disent pour nous ce que doit faire le projet de loi. Il a été conçu en ce sens. Le travail parlementaire devra préciser, ici ou là, quelques aspects. Par exemple, il faut mobiliser les acteurs, mais aussi parler au grand public parce que l'on sait que nos concitoyens sont concernés par l'état de la biodiversité et que rien ne se fera sans eux. Peut-être faut-il aussi élargir un peu les catégories d'acteurs qui sont concernés. Par exemple, s'agissant des milieux marins, des précisions sont sans doute à apporter à la rédaction actuelle du projet de loi, qui pourrait laisser entendre qu'on oublie la biodiversité marine. Ce n'est évidemment pas le cas, mais cela va mieux en le disant.

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