Intervention de Willy Schraen

Réunion du mardi 27 novembre 2018 à 17h25
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC) :

Madame Véronique Riotton, vous avez évoqué les accidents de chasse mortels récemment survenus en Haute-Savoie. Cette situation est paradoxale, car il s'agit d'un département pilote où il a été fait beaucoup plus qu'ailleurs en matière de prévention des accidents – l'action de M. André Mugnier à la tête de la fédération des chasseurs de Haute-Savoie est même citée en exemple et reproduite par les autres fédérations sur le reste du territoire. Cela n'a malheureusement pas empêché qu'un accident dramatique survienne le 13 octobre dernier à Montriond, lorsqu'un chasseur a tué un cycliste qu'il avait pris pour un sanglier : là où des millions de personnes n'auraient pas confondu ce cycliste avec un sanglier, il a fallu que la victime tombe sur quelqu'un ne faisant pas la différence, et la malchance a voulu que cette personne soit un chasseur armé d'un fusil…

Nous allons continuer à nous battre pour tendre vers l'objectif « zéro accident » mais, au risque de vous décevoir, je dois vous dire que nous n'atteindrons jamais cet objectif – en tout cas pas de façon pérenne – car les chasseurs ne sont pas des robots, mais des êtres humains comme les autres, avec leurs qualités et leurs imperfections. J'aimerais qu'il n'y ait plus aucun enfant écrasé sur un passage piéton, mais soixante-six enfants ont encore trouvé la mort de cette façon en France en 2017 ; j'aimerais que plus personne ne soit tué au bas d'une piste de ski, mais l'année dernière, sept enfants et une douzaine de personnes âgées ont été tués par des skieurs qui passaient au mauvais endroit…

Certes, il faut agir, notamment sur le plan législatif, comme vous le faites quand vous votez des lois relatives à la sécurité routière et à la sécurité civile. De notre côté, nous faisons également tout ce que nous pouvons pour qu'il y ait le moins d'accidents possible, et ce serait une joie immense pour moi si une année se passait sans que nous déplorions un seul accident. Mais je sais malheureusement que nous ne pourrons jamais garantir un « zéro accident » durable, parce que nous sommes des êtres humains. Pourquoi cela arrive-t-il ? Une personne a fait une grosse bêtise… Parmi l'ensemble des conducteurs de véhicules à moteur, qui peut se vanter de ne jamais avoir commis la moindre imprudence au volant ? Il arrive à chacun de nous de dépasser un jour la vitesse maximale autorisée, ou d'effectuer un dépassement sans que toutes les conditions de sécurité soient réunies. Cent fois de suite, cela n'aura pas de conséquences, et la cent-unième fois, la fatalité voudra qu'il en soit autrement !

Nous devons former le plus de chasseurs possible et, pour cela, leur répéter sans cesse les mêmes consignes de sécurité. J'avais moi-même prévu, avant que ne survienne l'accident mortel du mois d'octobre, de revoir tout le monde. Nous respectons actuellement le rythme d'une visite tous les dix ans dans chaque fédération : on peut penser que c'est peu, mais il ne faut pas oublier que nous sommes partis de zéro, et que cela représente un travail colossal ! À titre d'exemple, au sein de ma fédération, celle du Pas-de-Calais, qui comprend 35 000 chasseurs, je dois former 3 500 personnes chaque année, ce qui va coûter plusieurs centaines de milliers d'euros. C'est un effort considérable en termes de temps et d'argent, mais nous sommes déterminés à l'accomplir, et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que les chasseurs soient le mieux formés possible.

De même qu'il y a sur la route des personnes qui ne devraient pas avoir le droit de conduire une voiture, il y en a qui sont titulaires d'un permis de chasse alors que cela ne devrait pas être le cas. Il faudrait, pour remédier à cela, que nous soyons dotés des moyens d'empêcher certaines personnes d'aller à la chasse. Cela dit, même en prenant le maximum de précautions, je suis persuadé qu'il y aura toujours des accidents : on ne peut pas empêcher qu'une fois sur un million, une partie de chasse connaisse un dénouement tragique. J'aimerais tout de même rappeler qu'en trente ans, le nombre d'accidents de chasse a été divisé par quatre en France – je parle de l'ensemble des accidents corporels, mortels ou non.

Par ailleurs, aussi étonnant que cela puisse paraître, il va y avoir en 2018 un nombre d'accidents de chasse exceptionnellement réduit en France car, quand cet accident mortel est survenu en Haute-Savoie au mois d'octobre, nous n'en étions qu'à la moitié du nombre d'accidents survenus au cours de l'année précédente. On assiste en effet à une prise de conscience généralisée du risque au sein des chasseurs, qui finit par produire ses effets. J'ai moi-même adressé à chacun d'eux un long courrier les exhortant à être « ridicules de prudence » : en cas de doute, il est plus intelligent de ne pas tirer, et le fait de s'abstenir de tirer est aussi un acte de chasse. J'ai également promis de tous les former, un par un, sur les questions de sécurité, et je respecterai cet engagement.

Dans le cadre du dernier congrès de la chasse française, nous avons signé un partenariat national avec la Fédération française de la randonnée pédestre, qui a à ce jour été décliné en une trentaine d'accords départementaux. Dans certains départements sont d'ores et déjà mises en place des actions de comptage de petit gibier, réalisées conjointement par les chasseurs et les randonneurs, et les choses continuent à évoluer, grâce à la communication en temps réel avec les fédérations locales. C'est une très bonne chose que d'entretenir un dialogue plus étroit entre chasseurs et randonneurs, car cela permet de mieux diffuser l'information, et parfois de dissiper certaines idées reçues. Je me souviens d'une randonneuse qui était persuadée de ne prendre aucun risque en passant dans le dos des chasseurs en forêt : j'ai dû la détromper en appelant son attention sur le fait que les chasseurs regardent dans la direction d'où provient le gibier, mais qu'ils se retournent pour tirer une fois que ce gibier les a dépassés !

Bien sûr, il y aura toujours des gens pour entrer avec leurs enfants dans un bois sous le nez des chasseurs, en les insultant et en leur crachant dessus… Malheureusement, on ne peut pas faire grand-chose contre la bêtise, et nous avons pour principe de ne jamais répondre aux provocations. Ce type de comportement n'est heureusement pas celui des randonneurs, avec lesquels nous avons un vrai dialogue. Nous nous sommes fixé un délai de trois ans pour que l'accord avec les fédérations de randonnée soit conclu dans tous les départements de France.

Au-delà, nous avons également l'intention d'engager avec les randonneurs une réflexion sur les endroits et les moments où l'on chasse. Nous ne voulons pas aller trop vite sur ce point, car les choses sont extrêmement compliquées. Puisqu'on ne chasse pas tous les jours, tant s'en faut – de nombreuses espèces ne sont chassées que quelques jours au cours d'une saison de chasse –, l'idée serait de déterminer, bois par bois, parcelle par parcelle, où l'on peut chasser le mercredi, le samedi ou le dimanche, et évidemment de diffuser cette information afin d'aboutir à un meilleur partage de la nature entre ses différents usagers, au moins sur les terrains privés. On pourrait ainsi dire aux randonneurs : « cette forêt privée de 800 hectares, vous pouvez y randonner autant que vous voulez, sauf durant les six jours qui seront dédiés à la chasse ». Généraliser de tels arrangements permettrait, à mon sens, de faire disparaître la plupart des conflits d'usage et de tranquilliser aussi bien les randonneurs que les chasseurs, ainsi assurés les uns comme les autres d'être seuls dans la forêt le jour où ils s'y trouvent.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, Madame la présidente, à mon sens vous auriez dû intégrer l'ONF au nouvel établissement public qui va être créé…

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