Intervention de Pierre-Henri Dumont

Réunion du mardi 23 octobre 2018 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Henri Dumont, rapporteur pour avis :

Madame la présidente, mes chers collègues, je reviens vers vous aujourd'hui pour vous présenter mes travaux sur la Mission « Immigration, asile et intégration » dans le cadre du projet de budget pour 2019. Je vais résumer les grandes lignes de mon rapport, long d'une centaine de pages et qui comporte beaucoup de chiffres, ce qui vous permettra de remettre à jour vos fiches et vos données, avant de vous faire part de mon sentiment sur un budget qui me semble largement insuffisant pour répondre à la situation migratoire que connaît la France.

La mission « Immigration, asile et intégration » comporte deux programmes : le programme 303 « Immigration et asile » et le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française ».

Pour la quatrième année consécutive, le budget de la mission est en hausse de 37,5 % en autorisations d'engagement et de 22,7 % en crédits de paiement et, bien évidemment, il faut le saluer. En effet, si les flux migratoires arrivant en Europe connaissent une tendance à la baisse depuis le pic de 2015 – un peu plus de 103 000 arrivées sur les neuf premiers mois de 2018 pour un total de 187 000 migrants parvenus en Europe en 2017 –, la France reste particulièrement exposée à ces flux.

La France demeure attractive tant comme pays de destination que comme point de transit, et ce pour les ressortissants de nombreux pays : des pays du Maghreb, d'autres pays d'Afrique comme la République démocratique du Congo (RDC), la Côte d'Ivoire ou le Mali, sans oublier des pays comme l'Albanie, la Géorgie et la Roumanie. La France figure parmi les rares pays européens à connaître une hausse constante de la demande d'asile : l'augmentation a été de 17 % en 2017.

Pourtant, le budget prévu pour 2019 repose sur une hypothèse de stabilisation de cette demande d'asile. Cette hypothèse, au vu des évolutions observées en 2018, apparaît plus qu'incertaine et ne peut que fausser la sincérité du budget. De même, la subvention allouée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) doit augmenter de moins de 1 % par rapport au budget de 2018, alors qu'une hausse de la demande d'asile requiert inévitablement des moyens renforcés, tout particulièrement si le Gouvernement souhaite atteindre les objectifs fixés en termes de délais de traitement des dossiers, comme annoncé lors de l'examen du dernier texte sur l'asile et l'immigration.

Le projet de budget pour 2019 pourra difficilement être à la hauteur en matière de lutte contre l'immigration irrégulière, malgré une timide hausse des moyens alloués à cette action.

Cette année, j'ai choisi de centrer mon rapport sur notre politique d'éloignement et sur les nombreux obstacles qu'elle rencontre à tous les niveaux : placement en centre de rétention administrative (CRA), identification des étrangers en situation irrégulière, délivrance des laissez-passer consulaires par les pays tiers, failles de la procédure Dublin et autres.

Un chiffre doit être retenu : en 2017, il y a eu 10 654 exécutions de mesures d'éloignement de moins qu'en 2012, alors que la pression migratoire était largement supérieure. Pire encore : si le nombre de mesures prononcées a pu augmenter, le taux d'exécution de ces mesures recule, signe de l'insuffisance des politiques mises en oeuvre.

Les forces de police, et notamment la police aux frontières (PAF), ont pu m'alerter sur les difficultés rencontrées. Ainsi, depuis la suppression du délit de séjour irrégulier à la fin de 2012, la police ne dispose plus de moyens de contrainte pour obtenir une prise d'empreintes des personnes interpellées et il n'existe plus aucune traçabilité des mesures prises. En termes d'effectifs, si l'on peut saluer la hausse prévue du nombre de places en CRA, il faut rappeler qu'elle n'aura de sens que si elle s'accompagne d'une augmentation des moyens humains. Selon le ministère de l'intérieur, une place occupée supplémentaire requiert en moyenne 1,7 ETP en plus. Pourtant, le programme budgétaire concerné ne prévoit pas de hausse des effectifs de la police aux frontières par rapport à 2018. Nous sommes donc face à un risque de neutralisation des places de CRA nouvellement créées.

La politique d'éloignement dépend aussi étroitement de la coopération internationale et européenne. Comme j'avais pu l'évoquer devant vous, début octobre, la coopération avec les pays tiers est indispensable à la bonne gestion des flux migratoires. L'éloignement d'un étranger en situation irrégulière ne peut aboutir sans l'obtention d'un laissez-passer consulaire délivré par le pays d'origine. Or si le taux d'obtention tend à augmenter légèrement pour atteindre 51 % en 2017, il faut tenir compte d'importantes disparités entre les pays. L'an dernier, le taux de délivrance était de 91 % pour l'Albanie, mais de seulement 11 % pour le Mali.

Il y a donc urgence à renforcer et développer nos partenariats bilatéraux avec les pays d'origine et de transit, d'autant plus que les autorités françaises tendent à s'autocensurer dans leurs demandes de laissez-passer aux pays les moins coopératifs. Cette coopération doit aussi passer par une aide financière et technique dont les fondements sont déjà posés avec des actions de formation menées par la police aux frontières ou encore des projets de développement de l'état civil et de la biométrie, notamment en Afrique subsaharienne.

À ce stade, je vais faire une incise, madame la présidente. Depuis au moins trois mois, nous attendons un document qui ne nous a toujours pas été transmis : un tableau mettant en relation le nombre de personnes en situation irrégulières contrôlées en France par nationalité, le nombre d'obligations de quitter le territoire français (OQTF) prises, le nombre d'OQTF exécutées, le nombre de laissez-passer consulaires demandés, le nombre de laissez-passer consulaires obtenus en temps idéaux et surtout valides pour pouvoir procéder à la reconduite à la frontière. On refuse de nous communiquer ce document.

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