Intervention de Laurence Dumont

Réunion du mardi 23 octobre 2018 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Dumont :

Pour éviter tout suspense, je vous annonce dès à présent que le groupe Socialistes et apparentés votera contre les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » – pour des raisons bien différentes, cependant, de celles exposées par notre rapporteur pour avis. Certes, le budget de cette mission augmente de façon importante – trop, disent certains – mais, lorsqu'on l'examine dans le détail, on s'aperçoit qu'une bonne partie de cette augmentation vise, en définitive, à éloigner mieux et plus vite et à enfermer davantage. Il est ainsi prévu d'accroître le nombre des places en centres de rétention grâce, notamment, à la réalisation de travaux destinés à aménager des espaces pour les familles et les enfants. Or, nous sommes absolument opposés à l'enfermement des enfants, que la Cour européenne des droits de l'homme, du reste, nous demande depuis des années de proscrire.

En revanche, les moyens consacrés à l'amélioration de l'examen des demandes d'asile ne sont pas flagrants, et pour cause : compte tenu, d'une part, des modalités d'examen et de la réduction des délais prévues dans la loi « Asile et immigration » et, d'autre part, du renforcement des moyens alloués à l'éloignement, certains seront renvoyés chez eux avant même d'avoir pu demander l'asile ! Quant à ceux qui, malgré les délais, auront été en mesure de le faire, il est difficile de croire que leur dossier sera examiné en 60 jours, dès lors qu'il est prévu d'augmenter les effectifs de l'OFPRA de seulement 10 ETP, contre 15 dans le PLF pour 2018, 40 dans le PLF pour 2017 et près de 200 dans le PLF pour 2016. Le PLF pour 2019 apparaît ainsi très faible, en comparaison des efforts consentis sous le quinquennat précédent. La question est donc de savoir si l'objectif de réduire le temps d'examen des dossiers à six mois ne sera pas atteint au mépris de l'effectivité du droit d'asile. En effet, l'augmentation de 10 ETP en 2019 est liée à l'expérimentation menée en Guyane, dont la conformité avec les standards européens du droit à un recours effectif apparaît discutable.

Qu'en est-il de l'accueil et de l'hébergement des demandeurs d'asile ? La situation actuelle est édifiante. Faute de places suffisantes en structures d'accueil, les migrants arrivant sur le sol français sont souvent contraints de vivre dans la rue, livrés à eux-mêmes, dans des conditions qualifiées d'inhumaines par le Défenseur des droits lui-même. Ainsi, je viens de recevoir un SMS m'informant que, dans ma circonscription, quatre familles demandant l'asile ou ayant formé un recours avaient été expulsées d'un squat. À cet égard, les efforts annoncés par le Gouvernement ne semblent pas à la hauteur de la situation. À titre de comparaison – et Mme Jacqueline Maquet, députée de La République en Marche, a eu l'honnêteté de citer les chiffres –, il envisage la création de 1 500 places en centres d'accueil de demandeurs d'asile (CADA) en 2018 et 1 000 en 2019, alors qu'il en a été créé 15 000 entre 2015 et 2017 !

S'agissant de l'hébergement, si le budget pour 2018 a permis la création de 4 000 places qui ouvrent progressivement depuis le 1er avril, il est prévu, pour 2019, la création de 3 500 places d'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile (HUDA) et de 9 003 places en centres provisoires d'hébergement (CPH). On peut constater qu'en dépit d'efforts qui vont dans le bon sens, l'ensemble est loin d'être à la hauteur des besoins et s'inquiéter que le budget de 2019 repose en grande partie sur la volonté de fluidifier la sortie des déboutés du droit d'asile.

En conclusion, ce budget est parfaitement cohérent, je le reconnais, avec la loi du 10 septembre 2018 relative à l'asile et à l'immigration, que nous avons dénoncée, puisque l'objectif est de réduire les délais d'examen des demandes d'asile, au risque de porter atteinte à la substance même de ce droit constitutionnel.

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