Intervention de Céline Gauer

Réunion du lundi 3 décembre 2018 à 15h05
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi habilitant le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de préparation au retrait du royaume-uni de l'union européenne

Céline Gauer, secrétaire générale adjointe de la Commission européenne, chargée de la coordination des politiques :

En effet…

S'agissant des postes d'inspection aux frontières, il n'y aura pas de dérogations. De quels types de contrôles aux frontières parle-t-on ? Les contrôles aux frontières les plus contraignants sont les contrôles en matière vétérinaire. Et là encore, il faut distinguer entre les produits d'origine animale et les animaux vivants. Les produits d'origine animale doivent faire l'objet de trois types de contrôle. Un contrôle documentaire – il faut savoir ce qui arrive dans le container –, un contrôle d'identité – on nous a dit que c'étaient des boîtes de corned beef, mais en est-ce vraiment ? – et un contrôle physique – consistant à ouvrir les boîtes, à regarder ce qu'il y a dedans, à faire des examens de laboratoire et à s'assurer que ce n'est pas dangereux pour la santé du consommateur. N'oublions jamais que le Royaume-Uni a encore des flux commerciaux très importants avec de nombreux États tiers. On ne s'assure donc pas simplement du statut et du respect des règles d'hygiène de ce qui est produit au Royaume-Uni mais également de ce qui est importé du monde entier. Il y a un vrai enjeu de sécurité sanitaire. Sur ces trois contrôles, seuls les deux premiers sont absolument systématiques. Le troisième, qui est celui qui prend vraiment du temps et qui est vraiment complexe – ouvrir la boîte de corned beef et faire des tests en laboratoire –, dépend du risque, analysé en fonction de la nature du produit. Ce contrôle peut aussi, cela dit, être extrêmement limité, notamment pour les produits venant vraiment du Royaume-Uni. Il ne faut donc pas non plus dramatiser excessivement la question des contrôles.

Quant au contrôle des produits qui ne sont pas d'origine animale, il peut très bien être fait au point d'arrivée du chargement plutôt qu'au port. Cependant, des mesures de précaution peuvent être prises, comme l'apposition de scellés, pour s'assurer que le chargement n'est pas manipulé entre le moment où il entre dans l'Union européenne et celui où il est vérifié.

C'est sur le contrôle des animaux vivants que nous sommes le plus stricts. Peu de moutons britanniques et néozélandais arrivent à nos frontières mais, compte tenu de la gravité des maladies dont ils peuvent être porteurs, de la facilité avec laquelle elles peuvent se transmettre et de l'impact qu'elles auraient immédiatement sur les exportations de la France – si jamais une contamination venait affecter le statut SPS du territoire, nous ne pouvons nous permettre de renoncer à ces contrôles. Il ne sera donc pas possible de déroger à la législation applicable au niveau européen ni de la modifier. En revanche, nous pourrons naturellement faire preuve de toute la flexibilité nécessaire pour les produits les moins dangereux, en recourant notamment à la possibilité de faire ces contrôles à distance de l'entrée.

Vous avez évoqué l'adaptation du corridor allant de la mer du Nord à la Méditerranée. Si ma venue permet d'expliquer ne serait-ce que ce point-là, ce sera une bonne chose, car il y a eu un malentendu gigantesque sur cette mesure. Pour tracer ce corridor, nous sommes partis du flux existant entre l'Irlande et le reste du continent. Il était important de le faire pour garantir la continuité du trafic entre ces deux points. Pour l'instant, tout passait par le Royaume-Uni. Si l'on n'avait pas fait cette petite modification d'urgence, limitée à ce point précis, il n'y aurait plus eu de lien juridique entre l'Irlande et le reste du continent. Cette modification n'affecte absolument en rien la situation de Calais et de Dunkerque, qui sont dans un autre corridor et qui, à ce titre, peuvent bénéficier de l'ensemble des financements de l'Union européenne, exactement de la même manière que les ports belges et néerlandais. Encore une fois, si les autorités irlandaises nous avaient signalé des flux significatifs entre l'Irlande et un port français quelconque, cela aurait été pris en compte, mais de tels flux n'existent pas aujourd'hui. Il s'agit uniquement d'une mesure d'urgence, qui se limite à reproduire les flux tels qu'ils existent.

Ces flux ne sont pas le fruit du hasard, mais résultent des caractéristiques de ces ports. Les bateaux dont on parle sont gigantesques et font des traversées transatlantiques ou intercontinentales. Ils s'arrêtent à Rotterdam, qui n'a pas la même taille ni les mêmes infrastructures que Cherbourg, et débarquent leur contenu sur de plus petits bateaux qui vont en Irlande. Le port de Cherbourg ne fait pas du tout ce type d'opérations avec l'Irlande. Cette mesure, ayant uniquement pour objectif de partir du statu quo, n'inclut pas les ports que vous avez cités. Elle n'a aucune autre incidence que de retraduire les flux existants. Elle est sans préjudice des financements dont peuvent bénéficier les gros ports, comme ceux de Calais, de Dunkerque et du Havre, mais aussi les plus petits comme ceux de Cherbourg ou de Dieppe. Elle ne change rien non plus à la possibilité que se créent de nouvelles routes maritimes à la suite du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. Ces nouvelles routes se développeront car pour le moment, l'essentiel du trafic de l'Irlande vers le continent s'effectue, via le Royaume-Uni, vers la Belgique ou les Pays-Bas – pas du tout vers la pointe de la Bretagne ou la Normandie. Les Irlandais se demandent sérieusement s'ils n'auraient pas intérêt à emprunter d'autres routes – même si elles sont plus longues –, compte tenu de l'excès de contrôles qui se profilera sur le sol britannique après la sortie du Royaume-Uni. À ce moment-là, et grâce à des financements européens qui étaient là hier et qui seront encore plus présents demain, le développement de ces ports et l'apparition de nouveaux flux seront possibles. Encore une fois, la mesure d'urgence qui a été prise visait uniquement à garantir la continuité juridique fondée sur les flux existants, sans préjudice pour les financements d'aujourd'hui et de demain. Il n'y a aucune inquiétude à avoir sur l'inclusion ou pas des ports que vous avez cités dans le corridor. Il y a simplement eu un malentendu sur le sens de cette petite mesure extrêmement technique qui n'a sans doute pas été autant expliquée qu'elle aurait dû l'être, précisément parce qu'elle était un ajustement technique, et sur le développement des ports français après le retrait du Royaume-Uni.

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