Intervention de Natalia Pouzyreff

Réunion du mercredi 12 décembre 2018 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNatalia Pouzyreff, co-rapporteure :

J'en viens à présent aux raisons qui ont amené la France et le Royaume-Uni à décider de conduire ensemble un tel programme.

Au fond, les choses sont assez simples : nous partageons une même analyse de l'évolution du contexte stratégique, et rencontrons un besoin opérationnel similaire.

En effet, la France et le Royaume-Uni partagent le constat d'un retour des États-puissance sur la scène internationale et de la prolifération des stratégies de déni d'accès, dit A2AD en anglais, de la Syrie à la mer de Chine méridionale.

Nul besoin d'entrer ici dans les détails, la Revue stratégique ayant parfaitement exposé l'évolution de la menace ainsi que la potentialité d'un affrontement de haute intensité. À titre d'exemple, rappelons simplement les chiffres que l'amiral Prazuck aime à souligner : la Chine construit l'équivalent de la marine française tous les quatre ans.

En conséquence, il n'y a nulle surprise à voir converger notre besoin opérationnel, d'autant que les systèmes opérés tant par les forces britanniques que par les forces françaises devront être renouvelés à un horizon commun.

De manière schématique nos deux pays doivent actualiser leurs capacités à trois niveaux : la frappe anti-navires, alors qu'un scénario de confrontation de flottes en haute mer redevient envisageable ; la suppression des défenses aériennes ennemies, de plus en plus robustes et mobiles ; et la frappe dans la profondeur, afin d'atteindre des objectifs de haute valeur dans la profondeur du territoire adverse.

Alors, quelles évolutions technologiques attendons-nous de ces nouveaux missiles ?

La montée en gamme de nos capacités, qui conditionne le maintien de notre supériorité militaire, reposera sur plusieurs évolutions, dont notre rapport esquisse les principales, en termes de portée, de vitesse, de furtivité, de manoeuvrabilité ou encore de connectivité.

À titre d'exemple, les futurs missiles pourraient viser une portée de près de mille kilomètres, contre moins de cinq cents pour les systèmes actuels. Il s'agit, aussi, de protéger la plateforme, et donc les personnels.

En matière de connectivité, l'enjeu est d'inscrire le FMANFMC au sein des systèmes d'armes du futur, à commencer par le système de combat aérien du futur, à propos duquel nos deux pays ont, pour l'heure, annoncé des projets séparés.

Néanmoins, c'est à l'étude de concept actuellement en cours qu'il revient de définir les évolutions qui permettront de répondre au mieux au besoin opérationnel auquel nous faisons face.

Cette étude de concept n'est qu'une des premières étapes du programme FMANFMC.

Elle fait suite à une étude préliminaire engagée au lendemain des accords de Lancaster House, et devrait se conclure en 2020. Elle permettra d'identifier une ou plusieurs solutions à même de satisfaire les attentes exprimées par la France et le Royaume-Uni. Sur la base des résultats de cette étude, nos deux pays devront alors se mettre d'accord pour engager la dernière phase du programme FMANFMC : celle de la conception, du développement et de la production des futurs missiles.

Selon les jalons actuellement définis, le développement de ces capacités pourrait débuter en 2024, en vue d'une mise en service à l'horizon 2030.

Afin de réussir l'étape de 2020 qui décidera de l'avenir du programme, il est primordial d'anticiper et de répondre à certaines questions qui restent en suspens. Les principales préconisations contenues dans le rapport visent avant tout à éclairer les autorités compétentes sur la manière de résoudre ces défis.

Le premier défi, sans doute le plus épineux, est celui du trou capacitaire auquel feront face les forces britanniques sur leur capacité anti-navires lourde à la suite du retrait de service du Harpoon, en 2023.

En la matière, deux choix se présentent aux Britanniques, dont les implications pour le programme FMANFMC sont radicalement différentes.

Première option : une solution intérimaire compatible, d'un point de vue calendaire, avec le programme FMANFMC. Elle pourrait consister en un prolongement de la durée de vie du Harpoon, déjà opéré une première fois, ou en un « achat sur étagère » destiné à assurer un remplaçant au Harpoon jusqu'en 2030. En la matière, plusieurs missiles pourraient être envisagés, dont l'Exocet. Notons tout de même que le choix d'un missile alternatif au Harpoon nécessiterait des travaux d'architecture importants sur les bâtiments existants.

Deuxième option : une solution de long terme, qui pourrait désaccorder nos calendriers et besoins et, par conséquent, remettre en cause l'horizon d'aboutissement du programme FMANFMC.

Je tiens néanmoins à souligner que Joël Barre nous a indiqué que, selon lui, aucun missile actuellement sur le marché ou en cours de développement ne serait en mesure de répondre au besoin opérationnel en 2030.

Si cette décision appartient bien évidemment aux autorités britanniques – il faut s'y résoudre - notre rapport insiste toutefois sur l'importance des risques d'une solution de long terme ou sur étagère, à la fois au regard de notre autonomie stratégique et de notre base industrielle et technologique de défense.

Surtout, nos travaux ont mis en lumière le fait que les parlementaires britanniques ont tout à fait conscience des conséquences potentielles de leur décision sur notre relation bilatérale.

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