Intervention de M'jid El Guerrab

Séance en hémicycle du mercredi 12 décembre 2018 à 21h30
Réforme de la caisse des français de l'étranger — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaM'jid El Guerrab :

Entre 2 et 3 millions, c'est à peu près le nombre de nos concitoyens qui ont fait le choix de vivre à l'étranger, de se lancer dans l'expérience de l'expatriation. Ce choix de vie ne doit pas être, pour ces 3 millions de Français, un frein supplémentaire à leur accès aux soins et à la solidarité nationale. Nous nous devons donc de faire en sorte que cet accès leur soit garanti dans les meilleures conditions possibles. Dans la mesure où l'offre de soins des pays étrangers n'est pas de notre ressort, nous disposons d'un seul levier : nous assurer que nos expatriés puissent se prémunir contre les risques, notamment la maladie, les accidents et la vieillesse.

Partir vivre ailleurs, dans un pays parfois inconnu, est déjà une aventure qui peut être source de difficultés. Elle exige d'appréhender une nouvelle culture, une nouvelle langue parfois, mais aussi, et surtout, un système social et de santé nouveau. La Caisse des Français de l'étranger a été créée dans cette optique : être un appui pour ceux qui partent et un vrai prolongement de la sécurité sociale à l'étranger.

Depuis sa création, la CFE n'a cessé d'évoluer et de s'adapter aux nouvelles formes d'expatriation. D'abord réservée aux salariés, elle a progressivement étendu ses interventions à d'autres catégories d'adhérents – les indépendants, les retraités, les étudiants – et a diversifié son offre pour y inclure d'autres risques tels que la vieillesse et la maternité. Aujourd'hui encore, la CFE a besoin de se moderniser, d'actualiser son offre et son mode de fonctionnement pour correspondre aux nouvelles réalités. Il est de notre devoir d'accompagner au mieux la réforme de la CFE, pour que celle-ci soit la plus adaptée possible et qu'elle représente au mieux ses adhérents.

Au sein du groupe Libertés et territoires, vous le savez, nous avons fait de l'égal accès au soin un pilier central de notre engagement. Qu'ils résident en France ou ailleurs, nos concitoyens doivent pouvoir prétendre aux mêmes conditions lorsqu'il est question de leur santé, et nous nous devons d'avoir les mêmes préoccupations à ce sujet.

En tant que représentant des Français établis hors de France, je me soucie particulièrement de la possibilité pour ceux-ci de bénéficier d'une couverture sociale au moins aussi efficace que celle que nous garantissons sur notre territoire. D'autant plus que, vous le savez, nous avons annulé lors de l'examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour nous conformer au droit européen, le paiement de la CSG et de la CRDS par les Français de l'étranger qui vivent au sein de l'Union européenne – nous avons évoqué ce point avec la rapporteure du texte, Mme Anne Genetet. De ce fait, les Français de l'étranger résidant hors de l'Union européenne subissent une forme d'inégalité flagrante : ils sont encore assujettis à ces deux contributions, alors même qu'ils ne bénéficient pas de la sécurité sociale. C'est une rupture d'égalité et un véritable scandale !

Pour en revenir à la CFE, je vous ai déjà fait part, lors de nos discussions en commission, des nombreuses sollicitations que je reçois chaque jour. Je suis en effet régulièrement interpellé à propos de retards ou d'absences de remboursement, mais aussi pour que soient mises en place des procédures simplifiées, en particulier dématérialisées.

Toutes ces critiques sont justifiées : les délais de remboursements sont longs ; les services en ligne, insuffisants ; le nombre de justificatifs demandés, très élevé ; les changements de situation, notamment le passage à la retraite, très complexes à gérer. Le directeur de la caisse, M. Laurent Gallet, que j'ai eu le plaisir de rencontrer à plusieurs reprises, reconnaît lui-même les défis auxquels il convient de faire face.

Bref, il est temps de réformer la Caisse des Français de l'étranger. C'est donc avec enthousiasme que j'ai accueilli la proposition de loi déposée au Sénat en mai 2017 et que j'ai constaté son adoption en février dernier. Je m'en réjouis d'autant plus que le texte que nous étudions aujourd'hui est le fruit d'un travail commun des parlementaires, par-delà les lignes politiques, avec le concours des administrateurs de la CFE et de la direction de la sécurité sociale.

L'expatriation a changé de visage, et il est nécessaire de prendre ces évolutions en considération. En effet, le volume des adhérents de la CFE venus des entreprises est en diminution, celles-ci recrutant beaucoup plus souvent en contrat local. Parallèlement, de plus en plus de Français partent à l'étranger : des retraités, des jeunes qui cherchent du travail, des créateurs d'entreprise. Or tous n'ont pas forcément conscience de la nécessité de s'assurer. L'adhésion à la CFE n'étant pas obligatoire, celle-ci doit se faire connaître auprès de ses potentiels clients et proposer des produits et des services qui répondent aux attentes et aux besoins de ces différentes populations.

C'est d'autant plus nécessaire que la caisse est en concurrence avec d'autres organismes d'assurance. Néanmoins, la CFE possède des atouts dont les autres mutuelles et assureurs ne disposent pas, puisqu'elle permet la continuité des droits avec le système français, au départ à l'étranger et au retour d'expatriation. Si nous voulons que la CFE soit plus performante, conformément aux souhaits de son conseil d'administration, mais aussi de ses adhérents eux-mêmes, il faut dans un premier temps renouveler l'offre tarifaire, jusqu'à présent trop illisible, et simplifier le régime de cotisation.

Je me réjouis donc des dispositions proposées dans les articles du chapitre Ier, notamment des ajouts faits par la commission des affaires sociales du Sénat. Grâce à ceux-ci, les ascendants seront désormais des assurés à part entière, au lieu de figurer sur la liste des ayants droit. Le problème de l'illisibilité tant décriée sera en partie résolu grâce à l'unification du mode de calcul de la cotisation maladie-maternité-invalidité pour l'ensemble des catégories d'adhérents, en fonction de leur tranche d'âge et de la composition de leur foyer. Ainsi passera-t-on d'une logique de catégories d'adhérents à une logique de risques couverts.

Ce texte apporte au moins deux autres améliorations. D'une part, il est l'occasion de nous mettre en conformité avec le droit communautaire : la possibilité d'adhérer à la Caisse des Français de l'étranger sera étendue aux citoyens européens. D'autre part, il était plus qu'essentiel que les adhérents soient remboursés sur la base du prix des soins pratiqué dans le pays où ils vivent. Actuellement, la CFE rembourse en se fondant sur les règles du système français et selon des tarifs en application sur notre territoire, ce qui ne permet pas d'indiquer à l'avance au client son taux de prise en charge. Ajoutons que certains tarifs sont bien plus élevés à l'étranger. Si nous voulons être cohérents avec notre volonté d'adaptation, il nous faut remédier à cette situation, qui apparaît totalement déconnectée de la réalité. L'effort de simplification et d'adaptation attendu sera donc réalisé grâce au chapitre Ier.

Dans un second temps, il faut réformer le mode de gouvernance de la CFE, ce qui va de pair avec notre volonté de modernisation. Tel est l'objet du chapitre II. En effet, si nous voulons nous adapter aux nouvelles formes de l'expatriation, il nous faut garantir que ceux qui la vivent soient représentés.

Les articles 23 à 25 satisferont ce besoin de représentativité accrue : la parité sera introduite dans la constitution des listes de candidats à l'élection des représentants des assurés ; une nouvelle catégorie d'administrateurs représentant le réseau des chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger fera son apparition au sein du conseil d'administration ; la base électorale des représentants des assurés sera élargie à l'ensemble des conseillers et des délégués consulaires. Nous ne pouvons que saluer ces initiatives qui, là encore, vont dans le sens d'une plus grande adaptation aux réalités vécues par les assurés.

En tant que représentant des Français établis hors de France et membre d'un groupe soucieux de garantir une protection sociale juste et égale à tous nos concitoyens sur l'ensemble du territoire et en dehors de celui-ci, je me réjouis fortement de la réforme de la Caisse des Français de l'étranger telle qu'elle est aujourd'hui proposée. Elle satisfera les désirs exprimés de modernisation et de simplification et nous permettra d'accompagner au mieux nos concitoyens, pour que l'expérience de l'expatriation soit la plus belle possible. C'est pourquoi le groupe Libertés et territoires votera cette proposition de loi.

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