Intervention de Didier Guillaume

Réunion du mardi 11 décembre 2018 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Bien sûr. C'est au législateur de savoir jusqu'à quel âge on ne peut pas faire certaines choses – c'est le problème des femmes de ménage qui n'ont pas le droit de monter sur la troisième marche d'un escabeau, etc. Il existe des règles protectrices dans ce pays qu'il ne faut pas nécessairement voir comme un handicap. Vous parlez de la déconnexion par rapport au coeur du métier : je ne peux pas totalement partager ces propos. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, 30 % des jeunes qui fréquentent un lycée agricole ne le font pas du tout pour apprendre les métiers de l'agriculture. Je me suis rendu récemment dans la classe d'un lycée agricole où j'ai posé la question : les lycéens le fréquentaient parce qu'il n'était pas loin de chez eux, parce qu'il avait de bons résultats, parce que l'encadrement était de très bonne qualité, mais aucun ne venait là pour apprendre un métier de l'agriculture. Je ne considère pas cette situation comme une déconnexion, mais au contraire comme une richesse : cela permet aussi aux gamins de la ville de croiser des gosses de la campagne. Plus tard, cela fera des citoyens qui verront l'agriculture un peu différemment. Je pense que c'est positif. Et pour être très concret, je dirai que cela nous arrange, parce que si nous n'avions plus de classes d'enseignement général, nos effectifs diminueraient de 30 % et nous perdrions davantage que cinquante ETP…

Monsieur Larive, je ne sais si le modèle productiviste est dépassé, mais nous sommes en pleine transition. J'ai travaillé pendant des années à la tête d'un département où siégeait également Mme Anthoine et nous en avons fait le premier département bio de France avec une marche forcée pour les circuits courts ; ce n'est donc pas moi qui pourrai vous dire que cette transition ne doit pas avoir lieu. Mais on ne peut pas opposer les deux modèles. Au risque de vous choquer, je vous dirai que nous avons encore besoin de ce modèle productiviste qui exporte, qui participe à la balance commerciale. Il faut simplement le faire muter. Si je me bats contre « l'agri-bashing », c'est parce que, y compris dans l'agriculture conventionnelle et productiviste, les agriculteurs font beaucoup d'efforts. Ils ne multiplient pas les intrants et les produits phytopharmaceutiques pour le plaisir : ils vivent dedans, ils les respirent…

Je pense donc que les choses évoluent dans le bon sens, mais jamais assez vite. En tout cas, sachez que la volonté du Gouvernement et la mienne, c'est de faire cette transition la plus forte possible parce qu'elle est indispensable. Elle est indispensable parce qu'elle est demandée par la population, parce que demain, quand les consommateurs achèteront des produits, c'est ceux-là qu'ils choisiront. Et il est plus rémunérateur pour un agriculteur de vendre des produits bio, des produits en circuit court que des produits non bio et en circuit très long.

À la suite des états généraux de l'alimentation qui ont été un succès phénoménal, le Parlement a voté la loi EGALIM. C'était la première fois que tous les acteurs imaginables possibles étaient autour de la table. Beaucoup d'entre vous ont dit que la loi EGALIM avait fait « pschitt », que ce n'était pas un succès et qu'on avait raté le coche après les états généraux. Il est un peu tôt pour le dire dans la mesure où, si la loi a été promulguée, les décrets d'application ne sont pas encore signés. Le premier acte aura lieu demain, en conseil des ministres, où je présenterai les ordonnances. C'est ce qui était demandé par toute la profession, par les GMS, y compris une grande surface qui semble faire actuellement une communication un peu inverse. Aujourd'hui, le grand scandale, c'est que les agriculteurs ne vivent pas de leur travail parce qu'ils vendent des produits en dessous du prix de revient. Ce n'est plus possible. Pour augmenter le prix de vente en amont, la loi EGALIM que vous avez votée a prévu que les interprofessions mettent en place des indicateurs de coûts et que les négociations commerciales démarrent à partir de cela. Or les interprofessions n'ont pas encore toutes défini leurs indicateurs. Je les ai rencontrées la semaine dernière, et je les pousse à marche forcée.

Les ordonnances que nous présenterons demain sont très simples. La première concerne les 10 % de seuil de revente à perte. Que l'on ait ou non voté la loi EGALIM, nous serons tous d'accord sur le fait que c'est la seule façon pour que la valeur soit mieux répartie ; encore faut-il que tous les maillons de la chaîne jouent le jeu. Bruno Le Maire et moi-même n'accepterons jamais, et nous le dirons publiquement, que les consommateurs soient pris en otage au détriment des agriculteurs parce que les agriculteurs sont aussi des consommateurs. On ne peut pas dire aux consommateurs que tel produit risque de leur coûter plus cher parce que les agriculteurs veulent gagner davantage d'argent. La répartition de la valeur doit faire en sorte que les produits que l'on trouve sur les étals des grandes surfaces ne coûtent pas plus cher, mais que la valeur soit un peu mieux répartie. La deuxième ordonnance que nous présenterons demain matin, et qui prendra effet durant les négociations commerciales, est celle qui a trait aux promotions. Je le dis d'autant plus aisément que ce n'est pas moi qui ai conduit les états généraux ni fait la loi EGALIM.

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