Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du jeudi 20 décembre 2018 à 15h00
Mesures d'urgence économiques et sociales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Bien que nous comprenions l'intention qui y préside, nous ne pouvons dès à présent que regretter que le dispositif ne soutienne pas le pouvoir d'achat de tous les travailleurs modestes.

Concernant la prime d'activité, abordée à l'article 4, nous avons également quelques doutes. D'abord, elle ne va concerner que 55 % des personnes au SMIC. Par ailleurs, la hausse ne sera que de 90 euros, et non de 100, car vous prenez en compte l'augmentation de 1,5 % du SMIC dans votre calcul. Là encore, les dispositifs proposés ne traduisent pas exactement les mesures qui avaient été annoncées ; leurs effets seront donc en deçà des attentes que celles-ci ont suscitées. Par ailleurs, il faudra veiller à ce que les engagements pris par la Caisse nationale des allocations familiales soient tenus sur le terrain.

Mais c'est au sujet des petites retraites que notre déception est la plus grande. Une fois encore, une annonce forte ; beaucoup d'attentes ; des réponses concrètes plus mitigées. Un geste a été fait, nous le concédons, avec l'introduction du fameux taux intermédiaire à 6,6 % que nous réclamions, en vain, lors du PLFSS pour 2018 et cette année encore. Mais qu'en est-il des petites retraites ?

Le dispositif que vous proposez est d'autant moins satisfaisant qu'aux termes du PLFSS pour 2019, les pensions de retraite ne seront revalorisées que de 0,3 %, alors que l'inflation attendue s'élève à 1,5 %. Nous n'arrivons visiblement pas à vous faire entendre la nécessité de réindexer les retraites sur le coût de la vie. Une telle mesure nous semble pourtant essentielle pour que les retraités ne servent plus de variable d'ajustement budgétaire, comme l'an dernier lors de la hausse de la CSG, et, surtout, pour qu'ils puissent vivre dignement malgré l'augmentation du coût de la vie. Nous la défendrons donc de nouveau tout à l'heure.

Le Gouvernement a admis avoir demandé trop d'efforts aux retraités. Le présent projet de loi était l'occasion de rectifier le tir, mais, pour cela, il aurait fallu aller plus loin. Davantage de retraités auraient ainsi pu être concernés par l'annulation de la hausse de la CSG si l'on avait augmenté le seuil du revenu fiscal de référence requis pour en bénéficier. Mais le plus injuste à nos yeux est que ce sont les retraités touchant les plus petites pensions qui sont pénalisés : les personnes dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 14 548 euros paieront le même taux de CSG que l'an dernier, alors que leur pension va diminuer en euros constants. C'est aussi cela, l'urgence : ces retraités pauvres et très modestes dont nous devons améliorer le quotidien.

Le groupe Libertés et territoires regrette également que les mesures proposées soient, comme le nom du projet de loi l'indique, des mesures d'urgence, donc exceptionnelles – c'est-à-dire temporaires. De notre côté, nous avions proposé des dispositifs pérennes, par exemple la ré-indexation des retraites sur le coût de la vie. Les dispositions qui vont être instaurées ne soutiendront que provisoirement le pouvoir d'achat des Français ; elles ne seront pas suffisantes à long terme.

Malgré notre déception et nos doutes, nous avons voulu aborder ce texte dans un esprit de responsabilité, par fidélité à notre volonté de ne pas ajouter de crise à la crise. Mais nous souhaitons aussi le faire dans un esprit d'exigence, ce qui implique au moins que les mesures annoncées par le Président de la République se traduisent dans les faits.

C'est au nom de cette exigence que je vous interrogerai à nouveau, monsieur le rapporteur, sur la prise en considération des chambres consulaires dans les dispositifs de versement de la prime exceptionnelle et d'exonération sur les heures supplémentaires. Vous m'avez donné une réponse hier, et je vous en remercie ; il me semble néanmoins nécessaire que vous m'apportiez quelques précisions, comme vous vous y êtes engagé hier soir. Nous y reviendrons lors de l'examen des amendements.

Au sein du groupe Libertés et territoires, nous avons fait de la justice sociale un élément clé de nos préoccupations. Que les Français puissent vivre dignement de leur travail constitue une priorité. Mais cela n'est réellement possible que si tout le monde bénéficie des mêmes opportunités pour le faire. Or le texte, dans son état actuel, ne le permet pas : trop de personnes, salariés comme retraités, sont encore écartées du bénéfice de ses dispositions.

Je le répète, nos doutes quant à l'application réelle des mesures annoncées n'ont pas été entièrement dissipés. Je pense à l'effet temporaire et au caractère trop exceptionnel des mesures prises. Je pense encore à l'injustice qu'elles vont faire subir à un certain nombre de Français, ceux qu'elles ne concernent pas.

Pour toutes ces raisons, le groupe Libertés et territoires attend du débat en séance publique de véritables avancées, en particulier concernant le pouvoir d'achat, les dispositifs présentés ne répondant pas de manière satisfaisante, pour le moment, aux nombreuses attentes suscitées par les annonces présidentielles. En l'état actuel du texte, la majorité de notre groupe s'abstiendra lors du vote.

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