Intervention de Jean-Paul Bodin

Réunion du mercredi 4 octobre 2017 à 18h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration :

La directive sur le temps de travail, qui date de 2003, est un sujet sur lequel nous travaillons Nous ne sommes pas à l'abri d'un recours contentieux et d'une décision d'un juge qui considérerait que la France n'a pas rempli ses obligations de transposition.

Cette directive avait été proposée par les Français. Une démarche interministérielle a été engagée et nous nous employons à faire avancer le dossier.

Il faut, en parallèle, faire une lecture aussi exhaustive et critique que possible de la directive – pour définir les exonérations d'application. Les activités opérationnelles au sens strict peuvent être facilement sorties du champ de la directive, mais c'est plus ambigu pour d'autres activités, liées à l'entraînement ou à la formation.

Par ailleurs, et je pense que le chef d'état-major des armées a dû vous le dire ce matin, la directive pose une question de principe : elle pousse à compter le temps de travail des militaires, alors que l'institution a en tête qu'on ne le fait pas, le militaire étant disponible en tout temps et tout lieu. C'est un élément central du statut auquel d'autres aspects sont attachés, notamment en matière de rémunération, indiciaire et indemnitaire. Si l'on commence à détricoter un élément essentiel du statut, il faut regarder avec attention jusqu'où l'on va.

D'un point de vue juridique et technique, on doit regarder tout ce que l'on peut faire à partir de la directive, y compris en examinant ce qui se passe dans les pays voisins. Nous avons ainsi quelques retours nous venant d'outre-Rhin.

Il faut réaliser ce travail d'analyse, en attendant qu'une décision soit prise sur le plan politique.

Le coût est-il de 30 000 emplois ? Compte tenu de l'impact des 11 heures de repos journalier dans la gendarmerie, c'est une possibilité.

Les ressources issues des cessions immobilières sont un sujet lancinant, de loi de programmation en loi de programmation, en particulier depuis 2008. À partir du moment où la décision a été prise, en 2007, de réaliser Balard, c'est-à-dire de regrouper le ministère sur un seul site, s'est posée la question du devenir des emprises parisiennes. Nous avons travaillé en 2008-2010 sur un projet de cession globale à un intervenant extérieur, la Caisse des dépôts et consignations, et nous étions arrivés à un prix qui tournait autour de 600 millions d'euros. Les autorités politiques, considérant que c'était un montant inférieur à ce que l'on pouvait obtenir, ont renoncé à une cession en bloc à cet opérateur.

On s'est alors orienté vers un dispositif de cession emprise par emprise, dans l'environnement juridique du moment : en 2009, il n'existait pas de dispositions aussi fortes que celles adoptées par la suite pour la vente d'immeubles de l'État, avec la possibilité de faire jouer un certain nombre de décotes, notamment dans le cadre de la loi du 18 janvier 2013 sur la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, qui a eu un impact sur les produits de cession. Par ailleurs, les opérations sont assez longues à partir du moment où il n'y a pas de repreneur global.

Concrètement, il était inscrit, en 2012, 163 millions d'euros de produits de cessions en loi de finances, et nous en avons obtenu 164. Puis, en 2013, nous avons récupéré 104 millions d'euros sur les 200 millions prévus, 229 millions en 2014 contre 206 millions inscrits, 184 millions en 2015 sur 230 millions, 124 millions en 2016 sur 200 millions. Nous récupérerons 90 millions en 2017, sur 200 millions attendus.

Comment expliquer les montants récents ? Les cessions en province représentent un flux à peu près constant, compris entre 35 et 40 millions d'euros par an, mais ce sont les ventes à Paris qui peuvent rapporter le plus. Il reste aujourd'hui à vendre l'Îlot Saint-Germain et le Val-de-Grâce. À partir du moment où la Ville de Paris décide d'exercer son droit de préemption sur une partie de l'Îlot Saint-Germain pour réaliser des logements sociaux et que l'on fait jouer l'intégralité de la décote, un immeuble évalué à près de 90 millions d'euros perd beaucoup de sa valeur et ne sera vendu que 29 millions d'euros.

Nous sommes en train d'élaborer un protocole prévoyant, outre le prix que j'ai mentionné, un engagement du ministère à participer à la dépense de dépollution pour un maximum de deux millions d'euros et la possibilité de récupérer, au profit de nos personnels, 50 des 250 logements construits. Il y aura certes une moindre rentrée financière, mais la contrepartie sera utile compte tenu des tensions considérables que nous connaissons en matière de logement dans la région parisienne.

S'agissant de l'Îlot Saint-Germain, il reste à céder toute la partie située le long du boulevard Saint-Germain et de la place Jacques Bainville. Nous sommes confiants sur les produits attendus en 2018 et 2019, car la cession aura lieu par appel d'offres et l'on peut penser que des opérateurs économiques se mobiliseront. Concernant le Val-de-Grâce – en réalité seulement l'hôpital, qui fonctionnait encore il y a un an. Des discussions ont lieu au niveau interministériel, car d'autres ministères pourraient s'y implanter. La cession dépend aussi du plan local d'urbanisme : l'immeuble est classé comme devant abriter de grands services publics, ce qui limite des possibilités de commercialisation. Une négociation est engagée avec la Ville de Paris sous l'autorité du préfet de région, mobilisant la direction de l'immobilier de l'État, les services du ministère et ceux de la Ville.

A-t-on raison de vendre compte tenu de ce qui pourrait être décidé concernant le service national universel ? Je ne pense pas que l'on aurait installé des jeunes au milieu de l'Îlot Saint-Germain, ni au Val-de-Grâce : cela n'aurait pas été adapté.

Je ne sais pas quelles seront les conclusions de la commission interministérielle qui va être mise en place, mais on se tromperait complètement si l'on pensait que le ministère des Armées peut accueillir 800 000 jeunes par an, ou alors ce n'est pas seulement de 1,8 milliard d'euros dont nous aurions besoin. Cela ne peut fonctionner qu'au plan interministériel. Le ministre de l'Éducation nationale est d'ailleurs très engagé, le secrétariat de la commission sera d'ailleurs assuré conjointement par les deux ministères.

Tant que les objectifs et les modalités n'ont pas été définis, je ne peux pas dire si nous avons les locaux nécessaires pour l'accueil. Nous ne savons pas quelle serait la période de l'année concernée, ni quelle serait la durée. L'objectif est de conduire une expérimentation en 2019, ce qui est indispensable pour caler ensuite le dispositif.

Vous avez raison : un certain nombre de régiments peuvent avoir de la place, mais j'insiste sur « peuvent ». Dans le cadre de l'augmentation de la force opérationnelle terrestre, on a vu que certains bâtiments vides n'étaient pas réutilisables en l'état. C'est pourquoi nous avons passé un marché de construction de bâtiments préfabriqués de longue durée, dits « Catalpa ». À Sarrebourg, où je me suis rendu il y a trois semaines, les travaux de réhabilitation de bâtiments vides dont nous disposons dans un immense casernement auraient duré au moins deux ans, contre seulement un an pour la construction d'un bâtiment préfabriqué « Catalpa ».

Il se trouve aussi que l'on n'accueillera pas des jeunes Français de 2019 ou 2020 comme les jeunes recrues d'il y a quelques années. Les normes et les conditions d'hébergement changent.

La fidélisation est, en effet, l'une des principales préoccupations des chefs d'état-major. Le problème n'existe pas seulement dans l'armée de terre. Avec le major général de l'armée de l'air, nous avons regardé cette semaine la situation des effectifs. L'enveloppe des « +500 » ne permet pas de répondre à tous les besoins. Il y a aussi des difficultés à atteindre les plafonds d'emploi, non en raison de problèmes de recrutement, mais de fidélisation dans certains métiers, comme les sous-officiers mécaniciens : ils ont reçu une formation et travaillé un nombre d'annuités permettant d'obtenir une pension, ils trouvent un emploi dans l'industrie avec un salaire nettement plus important.

Cela fait partie des éléments à prendre en compte dans notre travail sur une nouvelle rémunération du personnel militaire. Il reste à savoir comment cela va se traduire, sur le plan indiciaire ou bien indemnitaire, là où nous rencontrons des difficultés. Nous avons déjà commencé le travail pour certains métiers, comme celui des atomiciens dans la marine. Ces quelques dizaines d'emplois sont absolument indispensables pour le fonctionnement du porte-avions et des sous-marins, mais aussi très intéressants du point de vue de l'industrie. Nous avons travaillé l'an dernier à une révision de leur régime indemnitaire afin de compenser, en quelque sorte, l'attirance du secteur privé. La marine a aussi conclu des conventions avec un certain nombre d'industriels pour organiser des parcours : on garantit une reconversion au-delà d'un certain nombre d'années. L'armée de l'air est aussi en train d'y travailler pour ses mécaniciens et l'armée de terre se pose la même question. Il faut essayer de trouver des réponses.

Le HCECM évoque aussi les conditions de vie et de travail de nos personnels. Nous devons faire un effort dans un domaine. Je pense en particulier à l'amélioration de l'hébergement des personnels militaires du rang. Nous avons commencé à nous en occuper, mais il faut encore faire d'importants progrès. Nous devons donner davantage de marge de manoeuvre aux commandants des bases de défense et au niveau du terrain pour mener de petites opérations d'infrastructure qui peuvent améliorer le quotidien des personnels. Ces chantiers sont engagés.

Toutes les propositions du HCECM sont examinées à la loupe. Ses rapports, qui sont souvent le résultat d'un travail mené en étroite concertation avec nous, permettent de donner un véritable coup de projecteur sur les sujets traités. De notre côté, nous avons l'obligation de rédiger tous les ans notre propre rapport sur les suites que nous avons données aux recommandations du Haut Comité.

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