Intervention de Olivier Becht

Réunion du mardi 15 janvier 2019 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Becht, co-rapporteur :

Pour répondre à la question de notre collègue Typhanie Degois sur le lien entre l'État et la BITD, je tiens à souligner que notre industrie spatiale est de premier plan au niveau mondial. Il n'y a aucun complexe à avoir en la matière. Nous avons pu le constater par exemple en étudiant les travaux de l'ONERA ou ceux du CNES, y compris lorsque nous nous sommes déplacés au centre spatial de Toulouse, où nous ont été présentées des technologies françaises qui aujourd'hui équipent le robot Curiosity sur Mars.

Mais ce qui fait peut-être la différence avec les États-Unis, comme notre collègue Thomas Gassilloud et moi-même l'avions fait valoir dans notre rapport sur les enjeux de la numérisation des armées, c'est que les Américains ont développé un écosystème, un biotope pourrait-on dire, associant très étroitement l'État, notamment via le Departement of Defense, et les entreprises américaines. On constate le même phénomène dans le secteur spatial : on loue Space X pour l'ingéniosité de ses moteurs mais, en réalité, Space X ne les a pas inventés : ils lui ont tout bonnement été donnés par la NASA, qui les avait développés. Ainsi, de la même façon que nous le disions s'agissant du numérique, la France et l'Europe doivent consacrer davantage de crédits au soutien à la R&D de nos entreprises françaises et européennes, et le faire sans complexe. C'est ce qui permettra à notre industrie de maintenir son rang, ou à tout le moins de ne pas décrocher complètement, par rapport aux grandes puissances spatiales de demain, que sont les États-Unis, la Chine et peut-être d'autres. En la matière, les rapports de force évoluent d'ailleurs très vite.

Pour répondre à la question de Monsieur Gassilloud, je dirais que, dans une certaine mesure, oui, l'espace est un nouveau Far West, et que la guerre se fera demain dans l'espace. Il faut d'ailleurs se garder de toute naïveté : l'arsenalisation de l'espace est d'ores et déjà un fait, et ceux qui militent aujourd'hui pour des traités de non-arsenalisation sont parfois les premiers à avoir arsenalisé l'espace. Tel est le cas de la Chine, ne nous en cachons pas.

Néanmoins, les logiques coopératives ont toute leur place, ne serait-ce que parce que c'est l'intérêt de chacun, ou en tout cas des grandes puissances. Aucune d'entre elles n'a intérêt à la loi de la jungle. En effet, si chacun détruisait tour à tour les satellites des autres, il en résulterait des débris spatiaux qui, immanquablement, causeraient des dommages collatéraux catastrophiques. Soulignons-le : détruire un satellite ennemi crée des débris qui détruisent ensuite vos propres satellites.

En ce qui concerne la France, nous recommandons que le Gouvernement, seul compétent en la matière, plaide en faveur d'une régulation internationale des différentes spatiales comportant toutes les garanties nécessaires. Si l'espace sera bien un champ de confrontation, il peut aussi être un champ de régulation. Gardons cependant à l'esprit que, par le cours naturel des choses, à chaque fois que l'Homme acquiert la maîtrise d'un nouveau milieu, il y importe le conflit, voire la guerre. C'est ainsi que la maîtrise de la navigation a conduit à étendre les confrontations sur les mers. De même, bien que le général Foch ait pu dire, peu avant 1914, que « l'aviation, c'est du sport ; pour l'armée, c'est zéro ! », à partir du moment où l'Homme est allé dans les airs, le combat aérien est né. Aujourd'hui, l'Homme va dans l'espace cyber et c'est devenu un champ de confrontation. De même, l'Homme va dans l'espace et en fera inexorablement un champ de confrontation.

Mais « champ de confrontation » ne veut pas dire « loi de la jungle ». Tel n'est d'ailleurs pas le cas aujourd'hui dans les milieux terrestre, maritime ou aérien, et il n'y a pas de raison que cela le soit dans l'espace. Pour la France, dans l'immédiat, cela suppose d'élaborer une stratégie qui, fondée sur une doctrine, fasse en sorte que nous puissions protéger notre souveraineté dans l'espace.

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