Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du mercredi 6 février 2019 à 21h30
Débat sur les avantages fiscaux donnés aux français les plus aisés depuis 2017

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Le thème de ce débat, choisi par nos collègues du groupe Socialistes, pose évidemment la question du traitement fiscal réservé aux contribuables figurant parmi les déciles, voire les centiles les plus aisés – une question importante, mais selon nous indissociable d'une nécessaire réflexion sur notre politique fiscale dans sa globalité.

Nous constatons que la question de la justice fiscale est l'une des thématiques le plus souvent abordées à l'occasion du grand débat national. Par ailleurs, les questions de la fiscalité, de sa soutenabilité, de son affectation ou de sa fonction redistributive, ont été le détonateur du mouvement dit des gilets jaunes, même si celui-ci a pris naissance à l'occasion d'une hausse de la taxation des carburants.

Je réitère donc la demande faite par le groupe Libertés et Territoires : alors que le grand débat se déroule partout, il nous paraît incompréhensible que l'ordre du jour de notre assemblée se poursuive comme si de rien n'était. Nous devons débattre de ces questions de manière approfondie, au sein des commissions et en séance publique.

Au-delà du débat important sur l'ISF et son rétablissement, il est utile de rappeler la déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui prévoit bien, à son article 13, que l'impôt doit être « également réparti entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Il est intéressant d'évaluer les vingt premiers mois de la présente législature à l'aune de ce principe, ce qui constitue l'objet de la présente séance.

Si la volonté affichée par le Gouvernement était de renforcer la compétitivité du pays, il n'en reste pas moins vrai que les mesures décidées ont avant tout profité aux Français les plus aisés. Ainsi, l'ISF a été remplacé par l'IFI, et le prélèvement forfaitaire unique sur les revenus des valeurs mobilières est entré en vigueur. Ces deux mesures, à elles seules, représentent chaque année 5 milliards d'euros en moins pour les caisses de l'État.

Par ailleurs, d'après l'Observatoire français des conjonctures économiques, pour les 0,01 % des Français les plus riches, ces deux mesures signifient une exonération d'impôt de l'ordre de 1 million d'euros par ménage. Il convient d'ajouter à cette liste la suppression de l'exit tax adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 2019.

Au-delà de la question des symboles, ces réformes doivent, selon votre majorité, créer un « choc de confiance » censé doper l'attractivité de la France et « libérer ses énergies ». Nous attendons donc avec impatience le rapport que le comité d'évaluation des réformes sur la fiscalité du capital rendra en septembre prochain. Nous l'étudierons sous le triple angle de la compétitivité des entreprises, de son effet sur la réduction du chômage et sur la réduction des inégalités – et, bien entendu, nous serons force de propositions en ce sens.

Dans le même temps, il faut également prendre en compte le fait que le minimum vieillesse a été revalorisé, passant de 803 à 868 euros par mois. Vous avez aussi accordé à tous les salariés une baisse des cotisations sociales. Enfin, vous vous êtes lancés dans le chantier de la suppression partielle, puis totale, de la taxe d'habitation, même si la question de sa compensation aux collectivités se pose toujours.

Cependant, en comparaison des avantages offerts aux foyers les plus aisés, ces mesures font maigre figure. Ces dernières semaines, sous la pression du mouvement des gilets jaunes, vous avez néanmoins entrepris un rééquilibrage en annulant la hausse de la CSG pour une partie des retraités et en augmentant le montant de la prime d'activité. Ces mesures vont dans le bon sens, mais elles demeurent insuffisantes : je rappelle que les 5 % des ménages les plus aisés verront encore leur niveau de vie croître de 0,5 %, alors que, dans le même temps, les retraités seuls perdront 400 euros.

Nous avons, bien sûr, pris connaissance de l'interview donnée hier par M. Darmanin, dans laquelle le ministre de l'action et des comptes publics fait plusieurs annonces qui mériteraient d'être explicitées. Il y affirme le refus de revenir sur la suppression de l'ISF, annonçant en guise de contre-feu le chantier de la suppression, ou du moins de l'encadrement, de certaines niches fiscales. Notre groupe considère pour sa part que ces sujets, intrinsèquement liés, doivent être abordés dans le cadre d'une réflexion globale sur notre système fiscal.

Monsieur le ministre de l'économie et des finances, tout le monde s'accorde sur le fait que ces 477 dépenses fiscales mitent le produit de l'impôt sur le revenu, et je crois savoir que M. le rapporteur général de la commission des finances est également sensible à ce problème. Pouvez-vous nous préciser quelles sont les pistes envisagées par Bercy ? Allez-vous toucher aux crédits d'impôts pour l'emploi d'un salarié à domicile ou pour la garde de jeunes enfants, ou aux dispositifs de soutien à l'investissement locatif ? Ou encore, procéderez-vous à un abaissement du plafond de ces avantages ? Enfin, quid de l'évolution de la taxation du carbone – je rappelle, s'il en est besoin, que c'est elle qui a déclenché le mouvement des gilets jaunes ?

La responsabilité et le dialogue sont deux principes auxquels le groupe Libertés et Territoires est très attaché. C'est dans cet esprit que nous vous avons proposé plusieurs mesures telles que l'indexation des retraites sur l'inflation, pour plus de cohésion sociale. Malheureusement, elles sont toutes restées lettre morte. À défaut de changer de cap, nous souhaitons que vous infléchissiez au moins vos méthodes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.