Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du lundi 11 février 2019 à 16h00
Pour une école de la confiance — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

S'il était nécessaire d'élargir les évaluations, notamment celles mesurant les inégalités territoriales – dont le texte lui-même reconnaît l'existence – , pourquoi ne pas les avoir confiées au CNESCO – Conseil national d'évaluation du système scolaire – , qui est un organisme indépendant – peut-être trop ? – du fait de sa composition.

À ce propos, qu'adviendra-t-il de la composante « recherche » de cet organisme, dont les travaux, trop souvent méconnus, alimentent pourtant la réflexion et l'indispensable débat sur l'école ? Vous nous dites qu'elle sera transformée en une chaire qui sera créée au CNAM – Conservatoire national des arts et métiers. Pouvez-vous préciser les moyens alloués à cette chaire ? Nous craignons en effet que celle-ci soit une façon d'enterrer définitivement ces activités.

Toujours autoritaire et centralisateur, vous opérez par ordonnances le réaménagement territorial des circonscriptions académiques et des services déconcentrés, ainsi que la simplification, la redéfinition et l'adaptation de l'organisation, du fonctionnement et des attributions des conseils de l'éducation nationale. Vous aurez ainsi les mains entièrement libres pour gérer l'organisation scolaire selon votre logique d'entreprise, qui est celle de la rationalité. Il n'est pas jusqu'aux expérimentations – qui, à ce jour, ont fait l'objet d'une seule validation par les autorités académiques – , que vous ne souhaitiez contrôler par décret.

Drôle de confiance que celle qui vous amène à décider de tout et à tout centraliser au moment même où, en même temps, vous créez partout des différenciations, à l'exception de la formation des enseignants, que vous souhaitez – et c'est de bon sens – homogénéiser. Au lieu de donner partout les moyens de l'excellence et de la diversité des expérimentations pédagogiques, votre logique consiste à susciter partout des établissements différents et des spécificités, donc des inégalités, notamment territoriales.

C'est probablement cet éparpillement que vous souhaitez contrôler. Or il fait fi des fondements de notre école républicaine, laquelle – faut-il le rappeler ? – doit garantir l'égalité d'accès à l'éducation, c'est-à-dire l'accès de tous à la diversité des enseignements et des outils pédagogiques.

Avec vos réformes, on s'éloigne à grands pas de ce principe. Avec la réforme du lycée, chaque établissement aura ses spécialités. Tel sera aussi le cas pour les fameuses écoles du socle, que j'ai déjà évoquées. Selon qu'ils vivent à la campagne ou à la ville, tous les élèves ne seront pas logés à la même enseigne. Les uns seront scolarisés dans de vastes cités éducatives éloignées de leur domicile, les autres dans des écoles à échelle humaine et à proximité.

D'une autre manière, la création d'écoles internationales prévue à l'article 6, s'inscrit dans cette logique. Vous actez la possibilité de créer des écoles d'excellence pour certains, au lieu de garantir l'excellence partout, comme nous le demandons.

En gravant dans le marbre de la loi cette extrême inégalité, qui existe déjà – je rappelle que 80 % des élèves de l'École polytechnique viennent de dix lycées seulement – , vous aggravez la situation.

Voilà pour l'inégalité. Venons-en à l'austérité.

L'obsession austéritaire – que vous partagez avec vos prédécesseurs – vous empêche de penser des solutions pérennes et efficaces à la crise des vocations qu'elle a elle-même fait naître, et qui pose maintenant des problèmes de recrutement. C'est pourtant là un axe majeur.

Votre budget, difficilement négocié avec Bercy, ne permet ni de revaloriser le salaire des enseignants, ni de conforter leur statut, ni d'ouvrir suffisamment de postes. Alors vous entérinez par la loi ce qui se fait déjà : la mise en situation d'enseigner de jeunes assistants d'éducation qui se destineraient à l'enseignement, mais qui sont à peine formés et qualifiés pour cela. Ces jeunes payés au lance-pierre pourront assurer des remplacements, voire occuper des postes vacants dès la licence. Ce n'est pas sérieux.

Pour notre part, nous préférons une autre formule de prérecrutement : dès l'entrée à l'université, les jeunes se destinant au professorat seront payés pour se former et pourront s'exercer à enseigner sous le contrôle – et exclusivement sous le contrôle – de personnels expérimentés.

Dans cet esprit d'une gestion libérale des ressources humaines, vous ouvrez la possibilité de recruter des contractuels hors statut de la fonction publique sur tous les profils : personnels d'éducation, psychologues, chefs d'établissement. Quelle garantie d'homogénéité dans les profils, quelle sécurité apportez-vous ? Depuis plus de vingt ans, le nombre de contractuels ne cesse d'augmenter ; vous en faites un principe.

Monsieur le ministre, je vous le dis sans ambages : vos mesures, vos réformes, et ce projet de loi organisent effectivement une école à l'image de la société d'aujourd'hui – une école à deux vitesses : l'une qui sera celle de « l'excellence », l'autre qui recueillera les laissés-pour-compte.

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