Intervention de Muriel Ressiguier

Séance en hémicycle du lundi 11 février 2019 à 16h00
Pour une école de la confiance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMuriel Ressiguier :

Nous devons tant à l'école. L'école républicaine se donne pour projet de nous affranchir parfois du sceau de la famille et du conditionnement du milieu social et culturel. L'école a pour but de former des individus libres, des citoyens émancipés. C'est cela la confiance que notre nation place dans l'école. Cette confiance est pourtant ébranlée depuis des années par la reproduction sociale, qu'elle ne parvient pas à enrayer.

Or votre projet de loi, nommé « école de la confiance », monsieur le ministre, s'inscrit dans la lignée des textes qui tentent de désagréger l'école de la République. Le serpent libéral se love autour de l'école, prêt à l'étouffer au nom de la souplesse de fonctionnement et de la fameuse efficience – vous savez, faire mieux avec moins.

Cette volonté se traduit par exemple par la création d'établissements publics locaux d'enseignement international. En réalité, c'est votre élitisme que trahit votre volonté de créer de telles écoles : au lieu de mettre les moyens dans l'enseignement des langues partout sur le territoire, vous segmentez le système en créant des super-écoles des langues, dans lesquelles se concentreront les élèves privilégiés.

Votre logique libérale transparaît encore dans la possibilité offerte aux assistants d'éducation, inscrits dans une formation préparant un concours d'accès à l'enseignement, de se voir confier des fonctions pédagogiques. La logique du concours est ainsi battue en brèche. C'est le principe même de la fonction publique qui est mis à mal, avec de surcroît un danger de précarisation des assistants d'éducation, exerçant une fonction d'enseignant sans en avoir le statut.

De manière concomitante, vous avez récemment supprimé plus de 2 600 postes d'enseignants. Dans le même temps, la FCPE a enregistré depuis la rentrée plus de 30 000 heures d'absence de professeurs non remplacées, de la maternelle au lycée. Vous marchez sur la tête.

Vous arguez de votre volonté de bonne gestion des ressources humaines afin de rendre possible des dérogations au statut de la fonction publique pour les corps des personnels d'éducation, des psychologues de l'éducation nationale, des personnels de direction et des personnels d'inspection, toujours dans le même objectif : assouplir le statut et casser les principes de la fonction publique.

Par ailleurs, votre texte augure d'une reprise en main par le ministère de la gouvernance du système éducatif, au détriment de la liberté pédagogique des enseignants. Au sommet du système, vous instituez un conseil d'évaluation de l'école, dont vous nommerez la plupart des membres, ce qui renforcera la mainmise du pouvoir politique sur un organe prétendument indépendant. Dans le domaine de la formation, le ministère contrôlera désormais le référentiel de formation des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation. En l'état actuel du texte, la direction de ces instituts sera nommée, sans proposition du conseil d'évaluation de l'école.

Il y a plus grave : en parallèle, vous vous êtes attaqués en catimini, cet été, à l'égalité entre diplômes. En marge de ce projet de loi mais poursuivant la même logique, vous êtes ainsi passés, le 19 juillet 2018, par la voie d'un décret et de plusieurs arrêtés, pour introduire une part de contrôle continu dans les épreuves du bac, à hauteur de 40 %. Désormais, selon l'établissement dans lequel l'élève sera inscrit, le diplôme obtenu n'aura plus la même valeur. En définitive, vous ne faites rien de moins que porter atteinte à l'égalité des diplômes. C'est donc bien la philosophie de l'école républicaine qui est visée.

Pour nous, vous l'avez compris, ce projet de loi n'est pas à la hauteur de l'enjeu. Vous veillez l'école malade, l'accompagnant sur le chemin de la tombe, alors qu'il faudrait la soigner en lui donnant plus de moyens financiers et humains. Finalement vos choix politiques sont cohérents et clairs. Le vocabulaire entrepreneurial de la performance et de l'efficience est omniprésent. C'est le signe d'un basculement de notre société vers l'individualisme et la marchandisation du savoir. Monsieur le ministre, vous l'aurez compris, nous n'avons pas la même définition de l'école. Vous vous trompez en portant au pinacle l'employabilité et l'assouplissement du système scolaire. Au lieu de tout sacrifier à l'efficience et l'argent-roi, redonnez sa véritable fonction à l'école : replacez votre confiance dans le savoir émancipateur.

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