Intervention de Jean-Michel Blanquer

Séance en hémicycle du jeudi 14 février 2019 à 15h00
Pour une école de la confiance — Après l'article 5 quater

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse :

Cet amendement est très important et je remercie Mme la députée Jacqueline Dubois de l'avoir replacé dans son contexte un peu plus tôt. Il s'inscrit dans la droite ligne de nos débats, parfois houleux mais souvent utiles et constructifs. Nous nous étions engagés, vous vous en souvenez, à organiser une concertation du mois d'octobre au mois de février pour, de manière à la fois sereine, constructive et surtout approfondie, aboutir à de véritables progrès de l'école inclusive. Nous avons pour cela écouté l'ensemble des propositions qui ont été faites tant par le monde associatif que par la représentation nationale.

Tout récemment, la proposition de loi de Christophe Bouillon, votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 31 janvier 2019, a permis d'adopter différentes dispositions que nous voulons maintenant intégrer dans ce projet de loi. Il est également proposé d'intégrer, au sein de ce nouveau chapitre, les articles 5 ter et 5 quater du chapitre III, ainsi qu'une disposition nouvelle introduisant la création de pôles inclusifs d'accompagnement localisés – il s'agit de l'une des conclusions de notre concertation.

L'article 1er de ce chapitre additionnel détaille les dispositions permettant de renforcer les droits des élèves en situation de handicap ainsi que ceux de leurs accompagnants ; nous avons depuis le début lié intimement ces deux sujets. Pour les accompagnants des élèves en situation de handicap, les dispositions de l'article 1er prévoient leur recrutement en un CDD de trois ans, renouvelable une fois, ainsi que la création d'un AESH référent dans chaque département. Nous avons débattu très récemment de cette question de l'AESH référent : il s'agit d'un grand progrès, et la concertation nous a permis d'aboutir à ce contrat de trois ans renouvelable une fois avant sa transformation en CDI. C'est un pas considérable dans l'histoire des AESH, je tiens à le souligner !

Rappelons rapidement ce qu'il en est. Depuis la loi de 2005 et toute la politique menée en faveur du handicap dans les années 2000, c'est sous forme de contrats aidés que s'est effectué, pour l'essentiel, l'accompagnement des élèves en situation de handicap. La politique que nous poursuivons depuis que nous sommes arrivés au Gouvernement a consisté à substituer de manière volontariste les AESH aux contrats aidés. Cette politique a tout à la fois été saluée et provoqué des frustrations. Saluée, parce que le contrat d'AESH est considéré comme plus robuste que le contrat aidé. Génératrice de frustrations, parce que la durée des contrats d'AESH, de trois ans, ne paraissait pas suffisamment longue. De plus, ces contrats ne permettaient pas de travailler à plein temps et donc de percevoir une rémunération satisfaisante pour bon nombre des acteurs.

Le système auquel nous parvenons ancre dans la loi la durée de trois ans de ces contrats et nous permet de recruter les AESH de façon beaucoup plus systématique en amont de la rentrée. Au lieu d'être recrutés au fil de l'eau et sur la base de contrats précaires, les accompagnants d'élèves en situation de handicap seront recrutés en amont avec une sécurité sur trois ans, ce qui ouvre encore sur des perspectives de pérennité encore plus fortes. C'est évidemment un changement majeur et il est bon de pouvoir en inscrire les fondements dans la loi. Ce sujet a fait consensus dans le cadre de la concertation et il en ira de même, je n'en doute pas, sur ces bancs puisque cela correspond à l'objectif que nous partageons tous depuis le début : assurer les personnels de leur pérennité.

Pour les familles des élèves en situation de handicap, cela constitue également un progrès puisqu'il en résultera un contexte beaucoup plus favorable à l'organisation de formations en amont de la prise en charge des élèves.

L'article 1er renforce, en outre, l'accompagnement en consacrant le rôle de l'enseignant référent, en prévoyant un entretien entre la famille, l'enseignant et l'AESH lors de la prise de fonction de ce dernier, et en élargissant à la fois les missions des équipes de suivi de la scolarisation et leur composition à un représentant de la collectivité territoriale compétente quand cela est nécessaire. Cette disposition fait écho à nos débats puisque nous souhaitons tous que cette rencontre intervienne le plus tôt possible, en amont de la rentrée. Nous consacrons donc ce résultat de la concertation et des débats que nous avons eus : c'est un progrès très important.

L'article 1er prévoit également la publication d'un arrêté précisant le cahier des charges des contenus de la formation initiale spécifique concernant la prise en charge des enfants en situation de handicap. Ce nouveau progrès, qui complète les précédents, est de nature qualitative. Il est très important de disposer d'un référentiel précis de ce que nous voulons pour la formation des AESH. Nous avons tous fréquemment entendu, en particulier dans les temps récents, les critiques sur la qualité de la formation. Il ne s'agit pas seulement de prévoir soixante heures : il faut aussi s'assurer que cette formation soit de qualité et intervienne le plus en amont possible. Tel est le but de ce dispositif.

Par ailleurs, les dispositions de cet article introduisent la notion d'école inclusive pour les élèves à besoin éducatif particulier dans les missions de l'AEFE, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, et ajoutent aux critères d'homologation des établissements français de l'étranger le critère du respect du principe de l'école inclusive. Cette disposition est importante en elle-même, les établissements français à l'étranger devant bénéficier des mêmes progrès. Elle est importante également pour ce qu'elle signifie, l'existence des établissements français à l'étranger étant conditionnée au fait d'être une école inclusive. Ainsi, dans toute la France, le critère de l'école inclusive fera partie de l'évaluation des établissements et de leur projet éducatif.

Enfin, l'article 1er consacre dans le code de l'éducation la création des pôles inclusifs d'accompagnement localisés – PIAL – , expérimentés depuis la rentrée 2018 dans toutes les académies. Ces pôles coordonneront les moyens humains dédiés à l'accompagnement des élèves en situation de handicap au sein des écoles et établissements de l'enseignement public et privé sous contrat. Ils visent donc une meilleure prise en compte des besoins éducatifs particuliers.

Ce point, qui vient en complément des précédents, introduit un changement d'organisation fondamental dans l'éducation nationale. L'accueil des élèves en situation de handicap sera géré depuis l'établissement. Oui, c'est depuis l'établissement qu'il faut raisonner, ce qui permettra d'adopter une vision pragmatique et efficace non seulement de l'affectation des besoins humains aux élèves en situation de handicap, mais aussi de la formation initiale et continue des personnels concernés par ces élèves – donc, en principe, de tous les personnels – , ainsi que de toutes les politiques que doit mener l'établissement pour être véritablement inclusif.

Vous le voyez, avec toutes ces dispositions, nous procédons à un changement de paradigme. Lundi, j'ai plaidé pour un service public de l'école inclusive ; en ce moment, nous intégrons la logique de l'école inclusive dans le mode de fonctionnement de l'éducation nationale. C'est une avancée essentielle que je tiens à souligner, car nous la retrouvons dans tous les domaines que j'ai évoqués.

J'ai rappelé tout à l'heure l'importance de recruter des AESH en amont de la rentrée. Pour ce faire, les directions des ressources humaines des rectorats seront responsabilisées, en appui des établissements. Les politiques de formation initiale et continue des rectorats seront concernées par l'école inclusive, alors même que nous parlons de 80 000 accompagnants. C'est une révolution mentale et organisationnelle dont il ne faut pas sous-estimer l'importance.

Ces mesures très concrètes, qui s'appliqueront dès la rentrée prochaine, nécessiteront des adaptations fortes, que nous assumons, et dont on ne doit pas méconnaître la portée. Leur but est l'intérêt de l'élève et de sa famille. Leur mise en place a nécessité et exigera encore un travail technique important.

C'est son versant juridique que nous vous présentons aujourd'hui. Je crois qu'il dresse un tableau cohérent de l'école véritablement inclusive que nous voulons. Ces décisions auront des conséquences sur mille détails. Souvent, les AESH ont eu le sentiment de ne pas appartenir pleinement à la communauté éducative et au monde de l'éducation nationale. Entre autres revendications, ils ont souhaité recevoir une adresse électronique de l'éducation nationale. Cette mesure constituera un signe simple et concret de notre engagement.

L'article 2 prévoit la prise en compte des recommandations de l'Observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales, lors de la construction ou de la réhabilitation des établissements scolaires. C'est, là encore, un élément important, comme d'autres dispositions du projet de loi. Nous prenons en compte l'enjeu que représente le bâti scolaire. Nous souhaitons que, dans une approche partenariale, l'État et les collectivités locales le fassent évoluer en intégrant des recommandations qui nous permettront d'avoir, dans ce domaine également, une véritable école inclusive.

Enfin, l'article 3 prévoit plusieurs modifications rédactionnelles.

Vous le voyez, avec cet amendement, c'est tout un chapitre du code de l'éducation qui trouve son ancrage. Nous sommes fidèles aux engagements que nous avons pris tous ensemble depuis plusieurs mois et à l'idée qu'il faut avancer par la concertation et le débat. La dernière proposition de loi sur le sujet a permis une avancée que nous réintégrons au texte et, comme promis, nous allons plus loin.

Nous adressons un message de soutien et d'optimisme tant aux élèves en situation de handicap qu'à leur famille en prévoyant des mesures très concrètes et en lançant un signal dans le code de l'éducation. L'amendement, que je considère comme d'importance, ouvre la voie vers d'autres évolutions. C'est un grand pas dans l'histoire de l'avènement de l'école inclusive en France.

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