Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mercredi 30 janvier 2019 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse :

Il y a beaucoup de choses à dire sur cet article. En écoutant les uns et les autres, je suis parfois un peu étonné par le malentendu qui peut s'installer. Dans la mesure où je postule que tout le monde est de bonne foi, je vais tâcher d'éclairer les choses, car je pense que ce qui est visé par le projet de loi va totalement dans le sens des grands principes que chacun a affichés ici.

Je souhaiterais en premier lieu que chacun se reporte à ce qui est écrit dans le rapport de la Cour des comptes de la fin de l'année 2017 sur les enjeux de l'évaluation ; on aurait tort de faire comme s'il n'existait pas et comme s'il ne disait pas ce qu'il dit. On ne peut que remarquer la très grande cohérence entre ce que nous proposons et ce que la Cour préconise – ce qui n'est pas totalement dépourvu d'intérêt dans une approche de l'évaluation.

Et puisque j'ai l'impression qu'il faut rassurer, je répète que le CNESCO ne disparaît pas, et je ne comprends pas pourquoi on continue à affirmer qu'il va disparaître. Je me sens un peu comme le capitaine Haddock devant le professeur Tournesol dans Le Trésor de Rackham le Rouge : il va falloir que je l'écrive sur un mur ! Car je le dis et je le répète depuis plusieurs semaines : le CNESCO ne disparaît pas, il se transforme et conserve son nom. Il deviendra une chaire académique installée au CNAM ; c'est un processus de recréation du CNESCO.

Ce qu'il y a de positif dans son bilan ne sera donc pas perdu, je l'ai dit à plusieurs reprises. Je reconnais bien volontiers l'intérêt des conférences de consensus, que cette institution a rendues possibles et qui seront maintenues. C'était intéressant, mais pas suffisant – ce n'est pas moi qui le dis, c'est la Cour des comptes. Notre pays a de grandes forces en matière d'évaluation, nous avons tous les éléments épars pour cela, mais à aucun moment dans les décennies précédentes, nous n'avons rassemblé ces éléments dans un dispositif cohérent, afin de disposer d'une évaluation digne d'un grand pays comme le nôtre. Alors que d'autres savent le faire.

Si la situation actuelle était satisfaisante, cela se saurait, et je ne pense pas que seuls la Cour des comptes et votre serviteur en auraient conscience. Nous sommes confrontés à la nécessité de moderniser notre évaluation. La loi de 2013 avait une ambition dans ce domaine ; mais quand on regarde ce qu'il s'est passé depuis, on ne peut pas parler d'un accomplissement pur et parfait de ce qui était envisagé. Une certaine façon de concevoir l'évaluation a commencé à émerger, mais certainement pas l'évaluation systématique et objectivée de tous les établissements scolaires.

Le CNESCO ne disparaît donc pas ; au contraire, en se transformant, il est consacré dans ce qu'il a développé au cours de son évolution : sa dimension académique, sa capacité à recueillir des analyses, parfois des comparaisons internationales, à réunir des conférences de consensus. Il sera ainsi en position de plus grande indépendance, car rien n'est plus indépendant que l'université, installé dans une institution qui a le mérite d'être tout à la fois académique et nationale : le CNAM.

Voilà ce que je tenais à dire au sujet de la vitalité et la continuité du CNESCO. J'en viens maintenant à l'architecture d'évaluation dessinée par cet article.

Nous ne partons pas de zéro : nous disposons d'abord des inspections générales, que nous allons fusionner et qui vont se renforcer et gagner ainsi en qualité. En second lieu, nous avons la DEPP. C'est un atout de la France : pour l'éducation nationale comme pour d'autres ministères, la DEPP constitue une force technique capable de mettre à disposition des personnes extrêmement compétentes sur le plan statistique ; ses travaux sont reconnus sur le plan international. Nous devrons nous appuyer sur elle. Au-dessus de ces inspections générales qui reposaient sur une très belle tradition, mais que nous allons renouveler, et de la DEPP dont l'excellence technique constituera toujours le support de notre travail d'évaluation, nous créons une agence nationale d'évaluation, conformément aux engagements pris par le Président de la République. Cette agence aura pour mission de développer une méthodologie valable pour l'ensemble des établissements de France – innovation essentielle – en s'appuyant évidemment sur les compétences des inspections générales et de la DEPP.

Mais, dans la ligne du rapport présenté par vos deux collègues, nous voulons que les établissements soient capables de faire leur autoévaluation. Des équipes viendront les aider dans un deuxième temps à compléter leur autoévaluation par une évaluation ; elles seront majoritairement composées d'inspecteurs régionaux et généraux, mais aussi de personnalités extérieures. Elles seront capables d'avoir une vision à 360 degrés de l'établissement, en prenant en compte les sujets que vous avez évoqués tout à l'heure : les progrès pédagogiques, mais aussi la vie scolaire et le climat scolaire, la gestion de l'établissement, etc.

Ce triangle – inspection générale, DEPP et, à son sommet, la nouvelle agence – formera finalement, avec le CNESCO dans sa version académique, un carré garantissant un système robuste d'évaluation en France. C'est ce qui permettra à notre pays d'accéder à une maturité de l'évaluation que nous n'avons jamais eue et nous mettra même, je l'espère en tout cas, en position d'avant-garde dans ce domaine.

Se pose ensuite la question de l'indépendance, qui constitue un sujet parmi les autres, et certainement pas un sujet nodal. Demain, le ministre de l'éducation nationale, quelle que soit la personne qui occupe ce poste, ne cherchera certainement pas à influencer l'évaluation de chacun des établissements de France ; ce n'est pas imaginable, alors qu'il s'agit d'évaluer tous les établissements de France.

Je n'ai toutefois aucun problème à accentuer l'indépendance du Conseil ; des propositions ont été faites en ce sens, nous pourrons tout à fait les écouter. Mais ce que je viens de dire au sujet de l'indépendance reprend pratiquement mot pour mot ce que dit la Cour des comptes dans son rapport : le problème n'est en fait pas vraiment là, mais dans la méthodologie et l'expertise, dans notre capacité à rassembler les compétences françaises non seulement pour évaluer – car le but n'est pas d'évaluer pour évaluer –, mais pour faire, par effet de levier, progresser notre système.

En évaluant chaque établissement tous les cinq ans, notre objectif est de l'accompagner dans les progrès que l'évaluation suggère et de l'aider dans son projet éducatif. Cela rejoint ce qui a été dit à propos des inspections, qui sont là pour aider et accompagner beaucoup plus que pour juger les établissements.

C'est donc bien une modernisation qui est à l'oeuvre, qu'il serait dommage de décrire comme une quelconque régression. À chacun de prendre ses responsabilités dans les appréciations qu'il formule ; pour ma part, je vous donne rendez-vous dans cinq ans pour juger des résultats de ce dispositif et des effets de levier que l'on peut en attendre.

Pour résumer, non, le CNESCO ne disparaît pas ; oui, nous sommes ouverts à des mesures susceptibles de rassurer sur l'indépendance de cette nouvelle agence ; oui, il s'agit d'une modernisation inédite de notre système scolaire permettant de compléter nos points forts – inspection générale et DEPP – pour disposer d'une véritable agence, à l'instar des grands pays modernes qui ont su faire progresser leur système éducatif au cours des dernières décennies.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.