Intervention de Aurore Bergé

Réunion du mercredi 13 février 2019 à 9h35
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurore Bergé :

Au nom de La République en Marche, je souhaite, monsieur le rapporteur, vous faire part du vif intérêt que nous avons porté à votre proposition de loi. Vous avez raison, l'art et la culture, loin de constituer de simples divertissements, sont consubstantiels à notre humanité et à notre capacité à faire société. Quand Victor Hugo défendait la convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, il a prononcé des mots essentiels : « Les peuples se mesurent à leur littérature. Une armée de deux millions d'hommes passe, une Iliade reste. Rome n'est qu'une ville, mais par Tacite, Lucrèce, Virgile, Horace et Juvénal, cette ville emplit le monde ».

Votre proposition de loi met en lumière un enjeu légitime : donner aux artistes la place et le temps pour se consacrer à la création, qui est une activité à part entière. L'État est là pour soutenir cette création, sa vitalité, sa diversité, son exigence et son indépendance.

Les intermittents du spectacle bénéficient d'un régime spécifique d'indemnisation. Pour la littérature et la création artistique, de nombreux dispositifs d'aide existent. Leurs imperfections démontrent les difficultés à déterminer les limites du soutien qui doit et peut être accordé.

L'État et ses opérateurs soutiennent les arts plastiques à travers l'action des directions régionales aux affaires culturelles (DRAC) et du CNAP : 2,8 millions d'euros sont investis dans la commande publique chaque année. Ils attribuent des aides au spectacle vivant grâce au dispositif d'aide à la création de textes dramatiques confié à Artcena, le Centre national des arts du cirque, de la rue et du théâtre. Le ministère apporte aussi un soutien aux structures qui accompagnent les auteurs et aux résidences. Pour le livre, le Centre national du livre (CNL) est spécifiquement chargé de garantir la qualité et la diversité de la création littérature : en 2017, plus de 2 millions d'euros ont ainsi été attribués.

Les organismes de gestion collective sont, pour leur part, tenus par la loi d'affecter 25 % des sommes collectées au titre de la rémunération pour copie privée dans des dispositifs de soutien à la création. Citons la Société des auteurs-compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), la société des auteurs des arts visuels et de l'image fixe (SAIF), la Société civile des auteurs multimédia (SCAM), l'Association des auteurs des arts graphiques et plastiques (ADGAP) et la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit (SOFIA).

Les secteurs visés par la proposition de loi disposent donc déjà d'un arsenal d'aides même si nous reconnaissons qu'elles sont perfectibles.

Il convient, en outre, de souligner qu'en complément de ces aides sectorielles, le plus important des soutiens est aujourd'hui le régime de sécurité sociale des artistes auteurs qui leur offrent les garanties du régime général, malgré l'absence de cotisations patronales. La direction de la sécurité sociale estime son coût à 550 millions d'euros.

Si cette proposition de loi tente d'octroyer un statut social aux artistes auteurs, elle reste malheureusement difficile à mettre en oeuvre pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, l'instauration d'un droit au soutien à la création pourrait constituer un droit opposable.

En second lieu, il est difficile d'évaluer les recettes que rapporterait la taxe. Les redevables seraient en effet moins les acteurs du numérique, qui valorisent les oeuvres du domaine public de manière gratuite, que les institutions culturelles, les opéras, les théâtres, les musées, les cinémathèques ou certains exploitants traditionnels, qui investissent beaucoup d'argent pour diffuser des oeuvres anciennes.

De plus, au vu de la diversité des domaines concernés, la levée de cette nouvelle taxe risque d'être complexe et de remettre en cause la soutenabilité budgétaire du dispositif.

Par ailleurs, rien ne permet de s'assurer que le fonds aboutirait à une bonne allocation des ressources. À combien estimez-vous ce droit et les capacités de son financement ?

Enfin, permettez-moi de souligner que vos propositions ne font pas l'unanimité chez les acteurs concernés. Il en va ainsi de la création d'un régime d'indemnisation spécifique car certains craignent que leur activité ne devienne subventionnée. C'est le cas notamment des auteurs de bandes dessinées.

Pour toutes ces raisons, le groupe La République en Marche ne soutiendra pas cette proposition de loi. S'il partage ses objectifs – garantir la liberté de la création et sa diversité tout en donnant aux artistes les moyens de leur indépendance –, il n'adhère pas au dispositif proposé, compte tenu des trop nombreuses incertitudes financières qui y sont attachées et de l'existence de multiples dispositifs d'aide qu'il conviendrait d'abord d'évaluer et d'améliorer.

Le statut de nos artistes auteurs et l'articulation des soutiens qui leur sont proposés appellent, à mon sens, une réflexion plus globale. Il me semble que nous pourrions travailler ensemble en ce sens.

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