Intervention de Sophie Cluzel

Réunion du mardi 22 janvier 2019 à 17h20
Commission des affaires sociales

Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je suis heureuse de me retrouver parmi vous pour revenir sur les grandes lignes de notre politique du handicap, co-construite avec les départements, dont je rappelle qu'elle est la priorité du quinquennat.

L'année 2018 a été marquée par de nombreuses avancées.

Tout d'abord, nous avons amélioré le pouvoir d'achat de nos concitoyens en situation de handicap en augmentant le montant de l'allocation adulte handicapé (AAH), qui est de 860 euros depuis le 1er novembre dernier et qui sera porté à 900 euros le 1er novembre prochain. Cet investissement de plus de 2 milliards sur l'ensemble du quinquennat nous permet d'assurer un revenu décent à ceux qui sont le plus éloignés de l'emploi parce que leur handicap limite leurs possibilités de travailler. Cependant, notre priorité est de les accompagner dans leur projet de vie, notamment l'activité au travail.

Nous nous sommes également attachés, avec Jean-Michel Blanquer, à faciliter la scolarisation des élèves handicapés dans une école inclusive, en accélérant la transformation des contrats de leurs accompagnants de contrats aidés en contrats de professionnalisation. Ainsi, pour l'année 2018-2019, les contrats d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) sont supérieurs en nombre aux contrats aidés. Cette mesure permet de stabiliser les personnels et les parcours en évitant les ruptures d'accompagnement, qui sont un problème majeur pour les élèves et leur famille. Une vaste concertation est en cours sur ce sujet – j'y reviendrai.

Nous avons également, et c'est un point très important, restauré la pleine dignité des personnes handicapées en leur reconnaissant un droit de vote inconditionnel. Ainsi le handicap n'est plus une excuse pour priver de leur droit de vote les personnes majeures protégées sous tutelle. Cette avancée considérable, qui a été saluée par tous, notamment par le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), était attendue par les personnes handicapées et leurs associations depuis plus de trente ans. Le projet de loi est en cours de navette entre l'Assemblée et le Sénat, de sorte qu'elles pourront participer aux prochaines élections municipales, voire aux élections européennes. Nous travaillons activement avec le CNCPH, les associations et les services des ministères de l'intérieur et de la justice à la mise en oeuvre de cette mesure, en veillant notamment à ce que les professions de foi soient faciles à lire et à comprendre, afin que ce droit de vote soit effectif.

Par ailleurs, nous avons élaboré, après une remarquable concertation menée au plus haut niveau par Claire Compagnon, dont je salue la pugnacité, la stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neuro-développement. Si nous parlons d'une stratégie et non d'un plan, c'est parce que tous les ministères ont été sollicités, non seulement pour participer financièrement, mais aussi pour changer la donne. La mesure phare de cette stratégie, j'y reviendrai, concerne l'intervention précoce, pour laquelle il est prévu un reste à charge zéro. Cette mesure était très attendue par les familles des enfants atteints d'autisme ou de troubles neuro-développementaux. Le budget consacré à cette stratégie, qui s'élève à 400 millions d'euros, permettra à la France de rattraper son retard, notamment dans la recherche des causes de l'autisme et la prise en compte des besoins des enfants.

J'en viens au fil rouge de ma politique : la simplification des démarches pour les personnes handicapées. Dans leur rapport « Plus simple la vie », Adrien Taquet et Jean-François Serres ont proposé des mesures de nature à restaurer la confiance dans les institutions. Je pense en particulier à la reconnaissance de droits « à vie » pour les personnes – et elles sont très nombreuses – dont le taux de handicap est de 80 % et dont la situation, hélas ! n'évoluera pas. Ainsi, l'allocation adulte handicapé (AAH) peut d'ores et déjà être attribuée à vie ; ce sera bientôt le cas de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et de l'attribution de la carte « mobilité inclusion ». Les enfants âgés de zéro à vingt ans se verront également enfin reconnaître des droits.

Cette mesure était, là encore, très attendue par les intéressés. Pour la première fois, un gouvernement rétablit la confiance et cesse de surévaluer les personnes handicapées. Ce faisant, nous soulageons les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) de la charge que représente le renouvellement des dossiers identiques, soit près de la moitié des demandes. Une personne pouvait en effet être amenée à remplir à plus de dix reprises un dossier pour le renouvellement de son allocation adulte handicapé, alors qu'il était avéré que son taux de handicap était de 80 % et que sa situation n'allait pas, hélas, s'améliorer. Cette mesure, qui a été applaudie par les intéressés et le CNCPH, va donc véritablement changer le quotidien des personnes concernées.

Par ailleurs, on dit souvent que l'inclusion commence par un duo. C'est pourquoi le « Duoday », qui nous a permis, grâce à l'implication exemplaire des associations et des entreprises, de former plus de 8 000 duos en 2018, sera considérablement amplifié en 2019. Cette opération a débouché sur des stages, voire des contrats à durée indéterminée (CDI). Plus qu'une action de communication, il s'agit donc d'une véritable rencontre qui favorise, par l'acculturation, l'insertion dans un milieu professionnel, donc l'émancipation.

Nous nous efforçons également de faciliter l'information des personnes handicapées. Tel est l'objet de la modernisation des maisons départementales des personnes handicapées, dont nous avons souhaité accélérer l'informatisation. Les 102 MDPH bénéficieront ainsi d'un système d'information commun fourni par trois éditeurs, qui nous permettra d'améliorer la connaissance des besoins des personnes handicapées : localisation des places disponibles dans les établissements médico-sociaux, liaison entre les différents services de l'État, notamment Pôle Emploi, et les caisses d'allocations familiales (CAF)… Forts de cet outil, nous pourrons piloter une véritable politique nationale, grâce à des statistiques dignes de ce nom. Cette transformation numérique aura, bien entendu, un impact sur l'organisation des métiers, mais elle permettra aussi d'améliorer le fonctionnement des MDPH, donc les parcours des personnes handicapées. Dans le même temps, nous travaillons à améliorer l'accès de celles-ci, quel que soit leur handicap, aux sites internet les plus visités, notamment améli.fr, caf.fr, urssaf.fr, éducation.gouv.

En ce qui concerne le logement, nous veillons à ce que les personnes à mobilité réduite ne soient pas assignées à résidence. La loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite « loi ELAN », dispose ainsi, d'une part, que les logements neufs devront être évolutifs – les parties communes, le séjour et les toilettes étant directement accessibles – et, d'autre part, que 20 % de ces logements neufs devront être entièrement accessibles. En outre, un décret, validé à l'unanimité par les membres du CNCPH, abaissera de quatre à trois étages le seuil à partir duquel les immeubles neufs doivent être équipés d'un ascenseur. Ainsi le nombre des logements accessibles non seulement aux personnes à mobilité réduite, qui sont presque 800 000, mais aussi aux personnes âgées et aux familles nombreuses avec poussettes, sera beaucoup important.

Pour simplifier l'accès à l'emploi, nous avons, avec Muriel Pénicaud, automatisé la déclaration d'obligation d'emploi des personnes handicapées, qui se fera, dès 2020, à travers la déclaration sociale nominative des salariés. La complexité ne sera donc plus une excuse pour ne pas embaucher des personnes handicapées, dont nous voulons valoriser l'emploi direct au sein d'une entreprise, tout en préservant, grâce à une déduction, les achats responsables auprès des établissements et services d'aide par le travail (ESAT) et des entreprises adaptées. Du reste, la signature, par Muriel Pénicaud et l'Union nationale des entreprises adaptées, de l'engagement « Cap vers l'entreprise inclusive » va nous permettre de rénover l'outil très intéressant pour l'insertion professionnelle que sont ces entreprises adaptées (UNEA). Des contrats à durée déterminée (CDD) « tremplin » permettront ainsi d'améliorer la formation des personnes handicapées et de les accompagner vers l'emploi en entreprise dite classique. Nous avons également modifié le périmètre de l'obligation d'emploi, qui sera désormais apprécié au niveau de l'entreprise, ce qui devrait augmenter de 100 000 le nombre de personnes en situation de handicap susceptibles d'être recrutées. En outre, chaque centre de formation des apprentis aura un référent handicap et percevra une aide supplémentaire pour chaque apprenti en situation de handicap. Enfin, le compte personnel de formation est majoré de 800 à 8 000 euros pour les personnes handicapées.

Nous avons la volonté de faire de la politique de l'emploi une arme au service de la transformation managériale des entreprises, lesquelles ne doivent pas se priver des talents et des compétences des personnes en situation de handicap.

Enfin, nous souhaitons construire des parcours innovants. C'est pourquoi j'ai souhaité – et certains députés m'ont accompagnée – faire un tour d'Europe des bonnes pratiques afin d'accélérer le développement de la société inclusive que nous appelons de nos voeux. Je me suis également rendue au Canada avec Jean-Michel Blanquer, où l'école inclusive est déjà mise en pratique. Il s'agit d'identifier les leviers que nous pouvons utiliser pour accélérer le développement d'une société inclusive et créer un corpus européen en faveur d'une Europe plus solidaire.

En 2019, notre objectif est de renforcer cette dynamique.

Tout d'abord, Jean-Michel Blanquer et moi avons lancé, une grande concertation, copilotée par nos cabinets respectifs, qui vise à développer la coopération entre le secteur médico-social et l'école afin d'améliorer la qualité des parcours scolaires des élèves handicapés. À cet égard, les poles inclusifs d'accompagnement localisés, les fameux PIAL, doivent nous aider à mieux gérer les ressources disponibles, qu'il s'agisse des accompagnants ou du secteur médico-social. Il s'agit d'offrir à l'école les outils qui lui permettront de mieux adapter les parcours scolaires aux élèves handicapés.

La plateforme de ressources numériques présentée, en novembre dernier, lors du colloque sur une éducation inclusive européenne, permettra d'améliorer l'accompagnement des enseignants, en les aidant à répondre au mieux aux problématiques d'adaptation pédagogique et à améliorer l'accueil et la scolarisation des élèves handicapés. En outre, la professionnalisation des accompagnants, davantage qualifiés, se fera au plus près du parcours des élèves et des enfants, tant dans le cadre scolaire que périscolaire. L'école doit en effet être au service de la réussite de tous les élèves. Ce chantier, lancé au début du quinquennat, se poursuivra tout au long de la législature.

En en ce qui concerne l'emploi, nous entrons, cette année, dans la deuxième phase de la concertation. Après la simplification et l'automatisation, il nous faut repenser l'offre de services, en mettant en réseau tous les organismes qui y concourent : non seulement Pôle emploi, mais aussi les services publics de l'emploi spécialisés, comme Cap Emploi SAMETH – acronyme de « services d'appui au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés » –, les centres de reconversion professionnelle, l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) ou le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHP). La concertation, qui réunit les organisations syndicales et patronales, les associations représentant des personnes handicapées et le CNCPH, doit nous permettre de favoriser la co-construction du dispositif.

Nous souhaitons, par ailleurs, renforcer la mobilisation territoriale. Nous nous sommes ainsi rendues, Muriel Pénicaud et moi, dans une agence de Pôle Emploi du département du Nord, pour observer la manière dont les personnes handicapées sont accompagnées. Nous avons pu constater que les conseillers de cette agence, qui mène deux expérimentations – l'une en milieu urbain, l'autre en milieu rural – s'efforçaient, même en milieu rural, d'aller chercher les personnes handicapées démobilisées et démotivées pour mieux les accompagner vers et dans l'emploi. Nous avons également rencontré les représentants de l'Institut régional du travail social (IRTS), qui ont présenté une plateforme d'adaptation destinée à améliorer la qualification de certaines personnes handicapées. C'est la force du handicap que de favoriser le dialoguer entre les acteurs, spécialisés ou non, pour parvenir à des solutions d'accompagnement, améliorer le niveau de qualification des personnes et encourager les employeurs à mieux intégrer le handicap dans leur stratégie globale. La désignation de référents dans les entreprises de plus de 250 salariés y contribuera. Nous devons conclure un pacte social avec les entreprises, qui étaient également autour de la table. L'offre de services doit être plus lisible et surtout plus opérationnelle, pour qu'elles ne se privent plus des compétences et des talents des personnes en situation de handicap.

En ce qui concerne la stratégie nationale pour l'autisme, je vous rappelle que l'architecture destinée à répondre aux parents et à assurer une prise en charge précoce repose sur un maillage territorial qui va permettre l'installation de plateformes, lesquelles pourront, dès le premier niveau, avant même que le diagnostic soit établi – j'insiste bien sur ce point – proposer aux parents de prendre en charge des soins qui, actuellement, ne le sont pas par la sécurité sociale – je pense à l'ergothérapie, à la psychomotricité, à la psychologie. La délégation interministérielle, pilotée par Claire Compagnon, et les agences régionales de santé (ARS) sont totalement mobilisées, les textes réglementaires sont en cours de publication. Je tiens à remercier également les administrations qui se mobilisent pour que le dispositif soit rapidement opérationnel.

Par ailleurs, nous avons organisé une Conférence nationale du handicap, pour montrer que la société inclusive est déjà en marche, que les territoires se sont emparés de la question, en mettant en exergue les bonnes pratiques dans le cadre de visites communes avec les différents ministres. Dans ce cadre, nous avons lancé cinq grands chantiers, qui répondent à des besoins exprimés par les personnes handicapées et portent sur les sujets suivants : la rénovation de la prestation de compensation du handicap, pilotée par l'une des vice-présidentes du département de la Mayenne – nous co-construisons en effet notre politique avec les départements ; la réforme de la gouvernance des maisons départementales des personnes handicapées car, depuis la loi 2005, les besoins des personnes ont évolué et les MDPH doivent désormais se positionner en tant qu'assembleur de solutions ; la simplification du dispositif d'allocations pour les enfants, en revisitant les deux prestations, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) et la prestation de compensation du handicap (PCH) pour les enfants, qui ne sont pas satisfaisantes pour les familles ; la mise en oeuvre de solutions pour éviter le départ des adultes en Belgique ; enfin, la représentation des personnes handicapées dans la construction des politiques publiques. Cette question fait l'objet d'une mission que j'ai confiée à l'un de vos collègues, Thierry Michels, qui travaillera en binôme avec une personne handicapée, Carine Radian, et réfléchira notamment au rôle du CNCPH. À ce propos, j'ajoute que j'ai sollicité les associations de personnes en situation de handicap pour que celles-ci puissent s'exprimer dans le cadre du Grand Débat. Nous avons veillé, du reste, à ce que sa plateforme soit accessible à toutes les personnes, quel que soit leur handicap. Je vous invite donc à être attentifs à ce que ces dernières puissent participer aux débats auxquels vous assisterez. L'impact citoyen de notre politique doit être exprimé et reconnu et il doit remonter auprès des différentes instances qui organisent les débats.

Je conclurai sur une note européenne. Le 14 mars, avec Nathalie Loiseau, nous organisons une réunion des différents ministres européens chargés des personnes handicapées pour défendre l'ambition d'une Europe qui fait de la place à tous. Il s'agit d'évoquer les droits sociaux des personnes handicapées et de mettre en commun nos bonnes pratiques. Ainsi, un « Duoday » européen aura lieu le 16 mai, auquel je vous invite tous à participer – la représentation nationale avait joué le jeu, l'an dernier. Nous devons également faire en sorte que l'Europe s'intéresse à la problématique de l'autisme, en investissant dans la recherche sur les causes de cette maladie.

Comme vous le voyez, la feuille de route est riche et elle continue de s'enrichir. Elle doit nous permettre d'apporter des réponses de court terme aux problèmes quotidiens des personnes handicapées et de travailler sur le long terme à la construction du vivre-ensemble et de la société inclusive.

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