Intervention de Carole Grandjean

Réunion du mercredi 13 février 2019 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCarole Grandjean :

Force est de constater, monsieur le rapporteur, que notre conception de l'Europe est tout à fait différente de la vôtre. En effet, votre proposition de loi est loin de traduire une vision progressiste, ambitieuse et humaniste. Depuis soixante-dix ans, l'Europe bâtit, brique par brique, les conditions d'une coopération fondée sur les valeurs fondamentales de la paix et de la libre circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes.

En 1996, une directive a été adoptée dont l'objet était de sécuriser le travail détaché ; en 2018, la France s'est fortement engagée pour en négocier une révision exigeante. Ainsi le travailleur détaché accueilli en France jouit des mêmes libertés individuelles et collectives que les travailleurs français, perçoit la même rémunération pour le même travail accompli, est soumis à la même durée de travail et de repos et bénéficie des mêmes jours fériés. Les exigences réglementaires sont renforcées. La directive fixe la durée maximale du détachement à un an, mais, dans les faits, peu de travailleurs détachés le sont aussi longtemps. La lutte contre les fraudes est un enjeu. Il s'agit, non pas de faire régresser la société, mais de faire progresser les pratiques. Chaque année, 10 000 à 15 000 contrôles sont réalisés. En la matière, il faut faire preuve d'exigence et favoriser la coopération entre États membres, sans naïveté.

Monsieur le rapporteur, lors des auditions que nous avons réalisées ensemble, les personnes entendues se sont unanimement opposées à votre proposition de recul ; elles veulent des avancées, de la confiance, des perspectives européennes. La révision de la directive et la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel viennent d'être adoptées. Pourtant, ces évolutions ne semblent pas prises en compte dans votre proposition de loi. La région Grand Est compte 75 000 travailleurs détachés européens, en provenance principalement du Luxembourg et de l'Allemagne. Qui, dans l'est de la France, penserait que l'avenir de notre pays peut se faire sans l'Europe, sans une coopération patiemment construite, renforcée et maîtrisée ?

Cette proposition de loi n'est pas responsable vis-à-vis de ces citoyens et de notre économie. Nous sommes tous mobilisés en faveur d'un mieux-disant social. Cette directive sur le travail détaché concourt au progrès collectif : l'Europe s'engage, l'Europe progresse socialement.

Monsieur le rapporteur, le groupe La République en Marche s'opposera avec force à votre proposition qu'il juge régressive ; nous aspirons au progrès, non au repli.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.