Intervention de Christophe Euzet

Réunion du mercredi 30 janvier 2019 à 9h40
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Euzet, rapporteur pour avis :

La commission des Lois est saisie pour avis sur les cinq premiers articles de la loi ordinaire portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), et elle est saisie au fond de la loi organique relative à la nomination du directeur général de cette agence. Avant toute chose, je voudrais saluer les rapporteurs, rapporteurs pour avis et responsables des groupes pour leur travail, et je me félicite tout particulièrement de ma collaboration avec Hélène Zannier.

Les textes que nous examinons ce matin ont été adoptés par le Sénat en première lecture. Le Président de la République s'était engagé, dès le début de son mandat, à créer une Agence nationale de la cohésion des territoires, dans le but de redonner l'initiative aux élus locaux pour définir et réaliser leur projet. En effet, la ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Mme Jacqueline Gourault, a rappelé, lors de son audition par la commission du Développement durable et de l'aménagement du territoire, les difficultés auxquelles les collectivités territoriales font face au quotidien : un manque de moyens logistiques, juridiques et financiers, d'une part, et un nombre d'interlocuteurs trop nombreux, d'autre part.

La question est complexe. D'un côté, la cohésion des territoires est un enjeu pour l'État, car il s'agit de mettre en cohérence les parties solidaires d'un tout, c'est-à-dire le pays tout entier. C'est parce qu'il est le seul à avoir une vision d'ensemble que l'État peut décliner des programmes nationaux dans les différents territoires.

Mais, d'un autre côté, les élus locaux ont eux aussi la responsabilité de gérer des territoires, avec toutes les difficultés que cela implique en matière d'accès aux réseaux, de rénovation urbaine, de mobilités ou d'écologie. Or, les attentes des citoyens sont fortes et les collectivités locales n'ont pas toujours les moyens d'y répondre, en milieu rural comme en ville. Des projets de territoire existent pourtant qu'il convient d'accompagner au mieux, si l'on ne veut pas voir se multiplier les retards, les renoncements et les abandons. Veiller à la cohésion des territoires, c'est éviter que les écarts ne se creusent encore davantage dans notre pays.

Cette agence, particulièrement attendue par les élus locaux, doit répondre à plusieurs objectifs. Elle doit d'abord favoriser l'éclosion de projets locaux et donner corps au principe de libre administration des collectivités territoriales, en opérant un changement de paradigme. Alors que nous étions depuis longtemps dans une logique descendante, il s'agit désormais de promouvoir une logique ascendante pour permettre aux projets locaux d'émerger en remontant vers le sommet. Il s'agit, ensuite, de simplifier les procédures en dotant les territoires d'un guichet unique : le préfet de département, qui sera directement en relation avec les collectivités, fera remonter leurs demandes en moyens logistiques, financiers et juridiques auprès de l'ANCT.

La proposition de loi ordinaire que nous examinons aujourd'hui propose ainsi une architecture assez ambitieuse. L'Agence nationale de la cohésion des territoires rassemblera plusieurs agences existantes : l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), le Comité général à l'égalité des territoires (CGET) et une partie de l'Agence du numérique. En parallèle, un comité d'action territoriale associera les autres grandes agences du pays que sont l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) ou le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA).

Par ailleurs, le deuxième moyen d'action consiste à faire travailler ensemble les collectivités territoriales, les représentants de l'État et les établissements publics, en abandonnant la logique de silos qui a trop longtemps prévalu, au profit d'une synergie entre les différents opérateurs. On pourra bien sûr rétorquer que les institutions sont ce que les hommes en font. C'est la raison pour laquelle ces changements institutionnels devront être accompagnés de changements culturels, notamment dans la façon de concevoir le portage de projet.

L'ANCT aura pour missions : premièrement de contribuer, comme le faisait jusqu'ici l'EPARECA, à la revitalisation des centres-villes en agissant sur l'artisanat et le commerce ; deuxièmement, de promouvoir le plan France Très Haut Débit et la mission Société numérique, soit deux des trois missions attribuées jusqu'ici à l'Agence du numérique ; de développer, enfin, les projets qui relevaient jusqu'ici du CGET, notamment les programmes « Action coeur de ville » et « Territoires d'industrie ». La participation des collectivités territoriales au programme « Action coeur de ville » constitue un progrès considérable qui sera renforcé par la création de l'ANCT. Enfin, le conventionnement prévu dans le cadre du comité d'action territoriale permettra de mettre en réseau les différents opérateurs que je viens d'évoquer.

Je présenterai, sur ce texte, quelques amendements qui sont, pour l'essentiel, des amendements de précision. Il me semblerait utile de préciser à la fois qui sont les destinataires prioritaires de l'agence et les acteurs concernés, ainsi que le rôle de chacun. J'aimerais également appeler votre attention sur l'intérêt qu'il y aurait à mieux mobiliser les financements européens. Je souhaiterais, enfin, que soit précisé le rôle des parlementaires, au niveau national, comme au niveau local.

S'agissant de la gouvernance de l'agence, lors de la discussion générale qui a eu lieu hier en commission du Développement durable, la ministre a indiqué qu'elle souhaitait que l'État conserve la maîtrise du conseil d'administration, mais qu'elle restait ouverte à la discussion. Les différents rapporteurs réfléchissent donc à une manière de préciser la composition du conseil d'administration.

Un mot, pour finir, sur la loi organique. Nous devons nous prononcer sur le mode de nomination du directeur de cette nouvelle agence, dont les fonctions ont une importance particulière « pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation », selon les termes de l'article 13 de la Constitution. Il s'agit de soumettre à l'avis des commissions parlementaires compétentes le choix du candidat désigné par l'exécutif, qui peut être empêché par une majorité des trois cinquièmes. Cette procédure existe déjà pour l'ADEME et l'ANRU, et il me semble que nous pourrions suivre le même exemple pour l'ANCT.

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