Intervention de Christophe Euzet

Réunion du mercredi 13 février 2019 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Euzet :

Je venais ce matin plein d'enthousiasme et, finalement, je suis plus inquiet qu'autre chose. En effet, si vous posez une bonne question – car un débat existe, effectivement, dans notre société –, vous y apportez une réponse désastreuse.

La question de l'exercice du pouvoir est posée depuis vingt-cinq siècles, et Jean-Luc Mélenchon n'a rien inventé en la matière. Depuis le « miracle grec » que décrivait Ernest Renan, on s'est demandé comment trancher, comment arbitrer entre le pouvoir du peuple tout entier et celui de la nation. Nous en sommes arrivés à une solution intermédiaire qui permet, tout en donnant le pouvoir à des représentants, de solliciter le peuple lorsque les événements le réclament.

Je n'accueille pas du tout avec dédain la réponse que vous apportez à travers le référendum d'initiative citoyenne. Je la prends en considération, justement parce que je considère qu'il existe un réel problème de société ; mais, précisément, quand le problème est réel et qu'on est sérieux, on avance des solutions qui le sont elles aussi. Or votre proposition est tout sauf sérieuse. Elle ne connaît aucune limite : on pourrait voter par le biais du référendum des lois relatives au budget, à la fiscalité, aux choix redistributifs, aux engagements internationaux du pays, ou encore aux droits acquis – ce qui conduirait immanquablement à revenir dessus. Il n'y aurait pas non plus la moindre exigence de quorum, c'est-à-dire que 2 % de la population pourraient décider pour tout le monde. Surtout, vous militez pour des intérêts qui sont complètement contraires à ceux que vous défendez. En effet, qui va rédiger les propositions de loi que vous évoquez ? Ce seront évidemment les lobbies et les partis minoritaires, autrement dit, tous ceux que vous combattez au quotidien.

Au lieu de créer une société de la confiance, dans laquelle les élus représentent leurs électeurs, vous construirez une société de la défiance et de la contestation permanente, dans laquelle on passera son temps à essayer de révoquer les élus dès le lendemain de leur élection – car, dans le système que vous proposez, tout le monde aura la possibilité, au bout de six mois, de commencer à s'organiser pour atteindre le seuil permettant de destituer les représentants. Je signale au passage que, dans un village comptant 1 000 électeurs, une dizaine d'habitants pourront décider de provoquer un référendum pour contrer ce qui a été décidé par la mairie. Je trouve cela assez surprenant. (Applaudissements.)

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