Intervention de Phil Hogan

Réunion du mardi 10 octobre 2017 à 11h30
Commission des affaires européennes

Phil Hogan, commissaire européen à l'agriculture et au développement rural :

Quelques chiffres à propos du CETA. Avant cet accord avec le Canada, 8 000 tonnes de produits fromagers étaient exonérées de taxe à l'import ; il y en a désormais 18 500 tonnes. Les vins et spiritueux, notamment le vin français et le champagne, se heurtaient à de nombreuses barrières à l'importation ; elles se trouvent maintenant éliminées et les provinces canadiennes pourront, dans leurs marchés publics, acquérir vos vins et vos alcools. Les droits de douane de 10 % sur les produits chocolatés disparaissent, de même que les droits de 15 % sur le pain et les gâteaux. Voilà les bénéfices qu'a apportés le CETA. Même avant l'accord, le Canada était notre neuvième partenaire commercial, avec un volume d'échanges de 3,5 milliards d'euros. J'espère que ce volume va croître et nous aider à faire la preuve des avantages apportés par l'accord.

Non moins de 143 IGP ont été reconnues : jamais auparavant le Canada n'avait reconnu de système d'indication géographique européen. Les États-Unis ont fait de leur mieux pour l'en empêcher, mais le Canada a fini par adopter les standards européens, de la même manière que le feront certainement les pays du Mercosur, ou encore le Mexique, si nous avançons dans les négociations avec eux. Autrement, il n'y aura pas d'accord. Les indications géographiques et les mesures sanitaires et phytosanitaires jouent un rôle énorme dans les termes de tout accord.

S'agissant de la future PAC, je continuerai de soutenir le modèle de l'exploitation familiale, favorable à un très grand volume d'activité économique et à la vitalité rurale. Beaucoup d'acteurs et de décideurs politiques considèrent cette dernière comme acquise, mais à quoi ressembleraient aujourd'hui les zones rurales s'il n'y avait pas eu la PAC ?

Le commissaire en charge de la santé et de la sécurité alimentaire, M. Vytenis Andriukaitis, vous apporterait des réponses plus précises quant aux leçons à tirer de la crise de l'oeuf. J'observe simplement qu'elle a montré que les systèmes de gestion des États membres comme de l'Union européenne fonctionnent pour identifier un problème et le traiter. L'Union européenne offre aussi la possibilité de soutenir financièrement les exploitants qui doivent affronter ces crises, comme elle l'a fait en France pour la grippe aviaire. Certes, cela ne sera jamais suffisant pour compenser les pertes des exploitants, mais cela témoigne au moins de la solidarité avec la communauté agricole, dans le cadre d'un mode de gestion partagée entre l'Union et les États membres. Nous ferons de même pour les crises futures. En tout cas, les contrôles fonctionnent, sans quoi nous n'aurions pas découvert le problème.

Quant au glyphosate, aux informations qui ont été ou n'ont pas été transmises, je suis dans le même état d'esprit que vous au sujet de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA pour European food safety authority) et de l'autorité compétente en matière de produits chimiques (ECHA pour European chemicals agency). De telles difficultés ne sont pas nouvelles : prenons l'exemple du beurre, qui posait problème à l'OMS il y a quelques années alors que ce n'est plus le cas aujourd'hui.

Il y a toujours des différences d'opinion, reflétant des positions politiques différentes, au sujet des produits. Mais n'importe quel produit, consommé de manière excessive, nuira à votre santé. C'est le cas de l'alcool mais, si vous avez un régime alimentaire équilibré et si votre approche est marquée par la modération, le résultat peut être plus équilibré ; tout dépend de la mise en pratique. La science est là pour nous aider à prendre la bonne décision.

J'aurais affirmé récemment, Monsieur Édouard Ferrand, qu'il n'y a pas de crise agricole en Europe. Ma dernière déclaration de ce genre remonte à janvier 2015. Et il n'y avait, à l'époque, aucune crise agricole, vous le savez, car les prix du beurre et du porc étaient les mêmes qu'aujourd'hui. Depuis lors, il y a eu une crise du lait et des produits lactés : je l'ai dit, car je sais reconnaître qu'il y a une crise. Mais je n'ai aucune raison de le faire si tel n'est pas le cas.

Le budget de la PAC est fixé par les États membres et par le Parlement européen. Si vous cherchez à obtenir de plus larges dotations pour la PAC, je ne peux que souhaiter votre réussite. Nous autres commissaires ne faisons que mettre en oeuvre le budget et les programmes pour lesquels nous recevons les crédits accordés par les États membres et par le Parlement européen. Voilà comment les choses fonctionnent. Ce n'est pas la Commission européenne qui donne le budget : nous exécutons les instructions de nos « maîtres ».

J'en suis d'accord, les pesticides devraient être réduits, au même titre que tous les intrants nocifs dans nos sols. C'est ce que nous essayons de faire et nous ferons tout notre possible pour que chaque exploitant rejoigne la révolution agrotechnologique. Il faut savoir doser les intrants plutôt que de les gaspiller en faisant beaucoup de tort à nos sols. L'agriculture de précision offrira des perspectives nouvelles aux exploitants, mais nous devons faire en sorte que tous puissent y participer, et pas seulement les grandes exploitations.

Nous étudions des solutions de remplacement, en collaboration avec le commissaire chargé de la recherche, des sciences et de l'innovation, M. Carlos Moedas, dans le cadre du programme « Horizon 2020 ». Les secteurs de l'agriculture et de la recherche coopèrent de manière étroite, non seulement pour trouver des solutions de remplacement, mais aussi pour développer la bioéconomie, afin que le potentiel mis au jour par la recherche produise davantage de valeurs ajoutées pour nos agriculteurs. Ces derniers, ainsi que les coopératives, doivent être les bénéficiaires de tout ceci, et non les entreprises qui viennent ensuite acheter les produits.

Nous utilisons aussi le programme Horizon 2020 pour améliorer les variétés, les cépages… Une ligne budgétaire est prévue, mais il convient de répondre aux appels d'offres pour obtenir les crédits disponibles.

S'agissant du secteur bio, nous avons achevé nos discussions, mais leur résultat n'est pas encore mis en application : le Conseil de l'Union devra prendre une décision d'ici la fin de l'année. Mais nous offrons, je pense, des conditions équitables pour la conversion, la normalisation des unités de production, l'harmonisation des règles et des normes. Nous offrons aussi ces conditions de concurrence équitables vis-à-vis des importations des pays tiers, ce qui protège les producteurs tant français qu'européens.

Notre politique actuelle est fondée sur le libre marché. Mais nous disposons de nombreux instruments d'intervention, tels que le stockage public, par exemple de lait en poudre écrémé, ou les aides au stockage privé. Ce dernier est peu utilisé en France où ma proposition de stockage de la viande de porc n'a guère soulevé d'enthousiasme en 2015. Ceux qui profitaient des prix bas ne souhaitaient évidemment pas participer au stockage. Il y a en France, un problème structurel que vous devez régler. Le système de gestion et les informations doivent être partagés entre l'Union européenne et les États membres pour que vous puissiez recourir aux outils disponibles.

Je ne vois pas comment le projet de traité de commerce transatlantique pourrait reprendre de la vigueur à court terme, pour des raisons politiques évidentes : le Président Donald Trump veut s'engager dans la voie d'un protectionnisme accru. C'est sa position ; pour notre part, nous continuerons à regarder si les conditions sont réunies pour nouer des accords commerciaux équitables avec d'autres pays, tels le Japon, le Mexique ou les membres du Mercosur.

Les instruments de défense commerciale feront bien sûr partie de la négociation sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Il semble que l'on ne soit pas capable d'avancer à un rythme très rapide en ce moment. Mais cela fera partie de l'équilibre à trouver, de même que les quotas OMC ou d'autres intérêts conjoints avec le Royaume-Uni, dans le domaine de l'agriculture, mais aussi de la science et de la recherche.

L'agriculture est souvent regardée comme un coupable des émissions de gaz à effet de serre. À mon sens, l'on devrait plutôt y voir une partie de la solution. Qui est mieux placé que nos agriculteurs pour traiter ces questions ? Depuis 1990, les émissions de gaz à effet de serre dues à la PAC ont baissé de 23 % mais on n'en a pas parlé. Il faut faire davantage, dans le cadre de l'accord de Paris et faire usage de tous les instruments politiques pour aller vers moins d'émissions, dans l'agriculture, mais aussi dans les transports et le bâtiment.

La prochaine proposition que je publierai mettra en relief l'intérêt d'impliquer les agriculteurs, en montrant qu'ils peuvent être au coeur de la solution, par le biais d'initiatives visant à stocker le carbone ou de programmes de gestion des nutriments. Encore faut-il leur donner les incitations nécessaires : nous devons garantir que les agriculteurs soient rémunérés, comme tout autre professionnel, pour leur implication dans la fourniture de ces biens collectifs.

J'en viens au sucre. Nous en avons tiré les leçons ce qui s'est passé sur le marché du lait, où nos difficultés venaient d'un excédent de 3 % de l'offre par rapport à la demande qui nous a conduits, en mars 2015, à concentrer tous les instruments d'intervention sur le secteur.

Après que nous avons dépensé, depuis 2006, six milliards d'euros en faveur de la modernisation du secteur du sucre, mais aussi reporté de deux ans l'abolition des quotas – qui vient d'avoir lieu –, notre position s'améliore et les stocks de sucre n'ont jamais été aussi bas.

Nous disposons d'un observatoire du marché. Votre industrie doit alimenter ses indicateurs et tableaux de bord afin que nous disposions d'informations fiables. Les agriculteurs ayant augmenté leur production, cinq millions de tonnes de sucre supplémentaires devraient arriver sur le marché l'an prochain. J'espère qu'il y aura un marché pour ces quantités nouvelles : c'est toute la question de l'équilibre de l'offre et de la demande. Mais tous les indicateurs sont au vert pour 2018.

Évitons néanmoins la situation où certains États membres produiraient beaucoup de sucre et favoriseraient la conversion au sucre, sans qu'il y ait le marché pour cela. Nous comptons sur votre soutien, ainsi que sur celui de l'industrie sucrière française et de celles des six ou sept autres États membres impliqués dans le secteur. Rassemblées au sein de notre groupe d'experts, à la direction générale de l'agriculture, elles nous fourniront, je l'espère, les données utiles sur l'évolution de la production et du marché.

S'agissant de la traçabilité du vin espagnol, je vois que vos cousins vous causent de nouveau du souci… Les règles sont les règles ; elles doivent être appliquées par un côté comme par l'autre. Je ne connais pas le détail de la situation que vous évoquez, mais vous pourrez m'apporter des précisions à l'issue de cette réunion.

Je vous remercie, Madame la présidente, Monsieur le président, de votre invitation ; ces rencontres avec les parlements nationaux me sont précieuses.

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