Intervention de Rémy Rebeyrotte

Séance en hémicycle du jeudi 7 mars 2019 à 21h30
Intégrité des mandats électifs et de la représentation nationale — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRémy Rebeyrotte :

Cette proposition de loi vise à renforcer l'exigence d'intégrité dans l'exercice des mandats et des fonctions des membres du Gouvernement et de l'ensemble des élus – objectif auquel, me semble-t-il, nous souscrivons tous ici. Vous suggérez, monsieur le rapporteur, de porter de dix à trente ans la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité instituée par la loi du 9 décembre 2016 pour certains crimes et délits, dont la liste a été largement étendue par la loi du 15 septembre 2017. Votre texte prévoit même une peine d'inéligibilité à vie si l'infraction suit ou accompagne la commission d'une autre de ces infractions. Vous proposez, en outre, un régime particulier de relèvement qui peut être sollicité tous les dix ans.

Le Conseil d'État a été saisi de votre proposition de loi par le président de l'Assemblée nationale. Si, dans son avis, la juridiction administrative ne juge pas inconstitutionnels la plupart des dispositifs proposés, elle souligne toutefois le risque d'une inflation législative dans le domaine concerné. Le Conseil d'État estime qu' « il est permis de s'interroger [… ] sur l'opportunité de modifier le régime de la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité si peu de temps après son entrée en vigueur » et si peu de temps, ajouterai-je, après son élargissement à de nouveaux crimes et délits. En effet, il convient tout d'abord d'évaluer le dispositif existant, le nombre de peines prononcées, leur efficacité, à l'aune de la durée des procédures et des enquêtes. Or nous ne disposons pas encore d'éléments statistiques pour 2017 et 2018.

La loi de 2017, qui, comme l'a rappelé Mme la garde des sceaux, portait sur bien d'autres aspects de la moralisation de la vie politique – exercice des mandats parlementaires, embauche de collaborateurs, financement de la vie politique, pour ne citer que ceux-ci – ne faisait que préciser utilement la loi de décembre 2016, en élargissant la liste des crimes et délits concernés – liste qui pourrait elle aussi être rouverte en fonction des résultats de l'évaluation. Or, si l'on adoptait votre texte, on remettrait en cause, avant toute évaluation, l'équilibre des peines, puisque vous allez jusqu'à proposer une inéligibilité à vie. Si le Conseil d'État ne s'est pas opposé à ce principe, il a souligné la nécessité d'appliquer concrètement les lois de 2016 et 2017 et de les évaluer. Pour employer une expression triviale, il nous incite à ne pas pratiquer la « course à l'échalote » en matière pénale et à stabiliser le droit, notamment par égard pour les juges et l'ensemble des professions juridiques. Il importe en effet que la loi ne soit pas révisée tous les douze ou vingt-quatre mois, ce qui donnerait, à chaque étape, l'impression d'un texte virtuel, à des fins de communication.

À ce stade, le groupe La République en marche, vous l'aurez compris, n'est pas favorable à cette proposition de loi. Nous voterons donc la motion de renvoi en commission. Nous entendons souligner, ce faisant, l'intérêt et l'utilité du travail du rapporteur et de l'avis du Conseil d'État, qui pourraient être repris, le cas échéant, si l'évaluation révélait la nécessité de renforcer le droit positif.

Votre texte soulève, par ailleurs, d'autres questions, que nous avons estimées tout à fait légitimes lors de nos débats – et que le Conseil d'État a jugées comme telles – notamment sur le lien entre l'inéligibilité et les autres condamnations pénales, ou sur le relèvement de la peine. Je vous remercie du sérieux de votre démarche et de la qualité du travail accompli en commission, mais, pour l'heure, il convient d'assurer la stabilité du droit et d'appliquer les dispositions en vigueur.

Je remercie une nouvelle fois le rapporteur de l'important travail qu'il a effectué. Je remercie également le président de l'Assemblée nationale d'avoir saisi pour avis le Conseil d'État à la demande du président Chassaigne. L'ensemble de ces travaux pourraient tôt ou tard nous être utiles si nous devions nous assigner des objectifs plus élevés – objectifs qu'au demeurant, nous partageons tous – et renforcer le droit positif.

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